- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Robert, Victor, Prunier naît le 14 novembre 1920 à Paris 5e (75), fils de Victor Prunier et Françoise Courteix, son épouse. Ses parents sont déclarés décédés en 1946, mais leur mort est probablement très antérieure.
À partir du 21 janvier 1936 et jusqu’à son arrestation, Robert Prunier est domicilié au 47, rue Bronzac à L’Haÿ-les-Roses [1] (Val-de-Marne – 94), chez Anna Chastagnol, sa tutrice, tante ou « marâtre » [?] ; il est voisin de Jean Paupy. Robert Prunier est célibataire (il a 20 ans au moment de son arrestation)
Il est tanneur.
Selon le maire de sa commune après guerre, il est membre des Jeunesses communistes.
Sous l’occupation, la police française considère Robert Prunier comme un « meneur actif ».
Le 4 décembre 1940, en même temps que Jean Paupy, il est arrêté pour distribution de tracts communistes et tentative de reconstitution de cellule. Dans la même affaire sont pris trois autres jeunes militants : Henri Bockel, Lucien Girard et Roger Jardin [2]. Le 5 décembre, inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939, Robert Prunier est placé sous mandat de dépôt puis écroué à la Maison d’arrêt de la Santé, à Paris 14e.
- Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage.
(montage photographique)
Le 25 janvier 1941, la 15e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine le condamne à dix mois d’emprisonnement avec sursis. Mais il n’est pas libéré : dès le lendemain, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif.
Le 27 février 1942, Robert Prunier fait partie d’un groupe d’internés administratifs transférés à la Maison centrale de Clairvaux (Aube – 10) où ils en rejoignent d’autres (dont Guy Môquet et plusieurs futurs “45000”) : ils sont bientôt 300 détenus politiques.
Le 26 septembre, Robert Prunier est parmi les 37 internés de Clairvaux (politiques et “droits communs”) transféré au “centre d’internement administratif” (CIA) de Gaillon (Eure – 27), un château Renaissance isolé sur un promontoire surplombant la Seine et transformé en centre de détention au 19e siècle ; il est assigné au bâtiment F (aile Est du pavillon Colbert [3]), 2e étage, chambre 6, lit 76.
- Le camp de Gaillon, ancien château de l’évêque de Rouen.
Carte postale d’après-guerre. Collection Mémoire Vive.
Le 4 mai 1942, Robert Prunier fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir – 28). Enregistré sous le matricule n° 312, il n’y reste que deux semaines.
Le 20 mai, il fait partie des 28 internés que viennent chercher des gendarmes français. Pensant qu’on les emmène pour être fusillés, les partants chantent La Marseillaise. En fait, remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci, ils sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin, Robert Prunier est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
- Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, Robert Prunier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46024 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [4]).
Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit. Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.
Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différentsKommandos.
Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Robert Prunier.
On ignore également la date de sa mort à Auschwitz [5] ; probablement avant la mi-mars 1943. Il a 22 ans.
Le 3 octobre 1945, Raymond Boudou, “45000” rescapé, signe une attestation manuscrite certifiant que Robert Prunier « est décédé en 1942 au camp d’Auschwitz ». Le 19 octobre, Robert Lambotte, de Paris, signe un document similaire qui indique « au mois d’octobre », précision certainement utilisée par le service d’état civil du ministère des Anciens combattants pour fixer une date officielle (voir note n° 4). Le 12 novembre, Madeleine Dechavassine, secrétaire générale de l’Amicale d’Auschwitz, officialise ces déclarations au nom de son association.
Après la guerre, Anna Chastagnol, tutrice de Robert Prunier, adhère à l’Association nationale de des familles de fusillés et massacrés. Elle engage les démarches pour la reconnaissance du statut de déporté de son filleul.
En janvier 1948, la mention “Mort pour la France” est ajoutée sur l’acte de décès de Robert Prunier.
La mention “Mort en déportation” est également apposée sur son acte de décès (J.O. du 18-04-1998).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 388 et 418.
Archives nationales, correspondance de la Chancellerie sur des procès pour propagande et activité communistes, BB18 7043.
Archives de Paris, archives judiciaires ; jugement correctionnel du samedi 25 janvier 1941, cote D1U6 3706.
Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “occupation allemande” : BA 2374 (camps d’internement…) ; BA 2397 (liste des internés communistes, 1939-1941).
Archives départementales de l’Eure, Évreux, archives du camp de Gaillon, cotes 89W4, 89W11 et 89W14 ; recherches de Ginette Petiot (message 08-2012).
Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
Témoignage de Dominique Ghelfi (daté 1946), Contre l’oubli, brochure éditée par la mairie de Villejuif en février 1996. D. Ghelfi, n’ayant pas été sélectionné pour le convoi du 6 juillet, a assisté au départ de ses camarades. Lui-même a été déporté à Buchenwald en janvier 1944 (rescapé).
Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94), carton “Association nationale de des familles de fusillés et massacrés”, fichier des familles.
Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier de Robert Prunier, cote 21 P 528 172, recherches de Ginette Petiot (message 10-2012).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour : 17-06-2013)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.
[1] L’Haÿ-les-Roses : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Roger Jardin, né le 30 avril 1923 à Paris 6e, domicilié chez sa mère au 37, sentier des Frettes à L’Haÿ-les-Roses, est déporté dans le transport de 1489 hommes parti de Compiègne le 6 avril 1944 et arrivé directement au KL Mauthausen le 8 avril (mat. n° 62584). Après avoir été affecté au Kommando de Gusen, il est conduit au château d’Hartheim pour y être gazé le 4 janvier 1945 , comme 121 autres déportés de son convoi. Source : Claude Mercier, Livre-Mémorial de la FMD, tome 3, convoi I.199, pages 354-355, 385.
[3] Château de Gaillon. Le pavillon Colbert, sur la terrasse du jardin haut, a été dessiné par Jules-Hardoin Mansard vers 1700 pour l’archevêque Jacques-Nicolas Colbert, second fils du ministre de Louis XIV.
[4] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin “Après Auschwitz”, n°21 de mai-juin 1948).
[5] La date de décès inscrite sur les actes d’état civil : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documentsadministratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.
Concernant Robert Prunier c’est le 15 octobre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.