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Droits réservés.

Robert, Victor, Blais, naît le 6 novembre 1914 à Ivry-sur-Seine [1] (Seine / Val-de-Marne – 94), dans une famille de neuf enfants, fils d’Eugène Blais et d’Hélène Lebailly, son épouse. Eugène, le père de famille, né en 1884 dans le Calvados, est embauché en 1914 aux pompes funèbres municipales d’Ivry comme balayeur porteur, puis porteur chef ; militant communiste, il est membre du 4e “rayon” de la région parisienne.

Robert, après avoir habité au 19, rue Pierre-Honfroy, est domicilié au 9, sentier du Moulin-à-Vent à Ivry-sur-Seine, dans le secteur du fort, jusqu’au moment de son arrestation.

Le 8 juin 1935, à Ivry, Robert Blais épouse Marguerite Guibourg, ébarbeuse. Ils ont trois enfants : Jacqueline, née le 1er octobre 1935, Simone, née le 19 décembre 1939, et Gilberte, née le 10 septembre 1941.

Robert Blais est ouvrier tourneur aux usines Renault de Boulogne-Billancourt [2].

Boulogne-Billancourt, place Jules-Guesde, entrée des usines Renault. Collection Mémoire Vive.

Boulogne-Billancourt, place Jules-Guesde, entrée des usines Renault. Collection Mémoire Vive.

Militant communiste, il est très actif au moment du Front populaire.

Sous l’occupation, il poursuit son engagement : il distribue des tracts et des journaux édités par le Front national [3] à l’intérieur de son usine et dans son quartier du Fort à Ivry.

Militant dans les JC clandestines, son frère Raymond est victime d’une dénonciation et arrêté sur son lieu de travail le 4 septembre 1941. Une perquisition policière est menée le lendemain au domicile du père de famille, Eugène, chez lequel habitent également deux autres frères : Adolphe et Georges. Le 6 septembre, tous les fils sont fichés comme militants communistes par le commissariat d’Ivry.

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Fichier des militants établi par le commissariat d’Ivry-sur-Seine.
© Musée de la Résistance nationale (MNR), Champigny/Marne.
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Fichier des militants établi par le commissariat d’Ivry-sur-Seine.
© Musée de la Résistance nationale (MNR), Champigny-sur-Marne.

Robert Blais est signalé aux Renseignements généraux le 14 septembre 1941.

Le 28 avril 1942, il est arrêté sur son lieu de travail (usines Renault) par la police allemande, le même jour que son frère Raymond ; probablement dans le cadre d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine – avec le concours de la police française – et visant majoritairement des militants du Parti communiste. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin, Robert Blais est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes – dont son frère, Raymond – et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée (suivant un ordre de Hitler) en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Robert Blais est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45253 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [4]).

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Auschwitz, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau – Robert Blais est dans la moitié des membres du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Après s’être cassé la jambe et être entré à l’infirmerie, son frère Raymond meurt le 14 novembre 1942 ; il l’apprend.

Pendant un temps, Robert Blais travaille dans le même Kommando que Gabriel Torralba, de Bordeaux, et Henri Matthiaud, de Clichy. Puis, vers la fin 1942, il est envoyé travailler « de son métier » dans une usine près de Katowice. Là, il rencontre un travailleur français, Robert Mandonnet (domicilié Schevientoschlowitz, 2°/s hilgestr. Lager subseite, Kreis Kattowitz Deutschland), qui peut donner des nouvelles à sa femme : le 26 juin 1943, il écrit à celle-ci que son « vieil ami » Robert ne pèse plus que 55 kilos.

Affaibli et malade, celui-ci est ramené à Auschwitz, puis admis à l’“hôpital” des détenus du camp.

En juillet 1943, comme les autres “politiques” français (essentiellement des “45000” rescapés), Robert Blais reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis ; l’a-t-il fait ?

Atteint par la tuberculose, il subit une première radiographie le 27 janvier 1943.

Le 2 août, il est inscrit sur le registre de “l’hôpital” (Block 20) d’Auschwitz-I ; il subit encore trois radiographies.

Robert Blais meurt à “l’hôpital” d’Auschwitz-I, le 19 septembre 1943 [5] ; son nom figure sur un liste de détenus tués par injection mortelle de phénol dans le cœur ou par poison.

(aucun des quatorze “45000” ivryens n’est revenu)

Son père, Eugène, est arrêté le 24 septembre 1942 lors de la grande vague d’arrestation du 24 septembre 1942, après avoir été signalé dix jours plus tôt par le commissariat de police d’Ivry « comme militant communiste notoire qui, depuis la dissolution du Parti communiste n’a jamais cessé d’être un membre actif et un propagandiste zélé, susceptible d’être un agitateur en cas de troubles ». Interné administrativement le même jour, en application du décret du 18 novembre 1939, il est transféré au camp de Pithiviers (Loiret) ; matricule n° 11, baraque n° 8. le 12 janvier 1943, il transmet une demande de libération. Le 3 février suivant, le médecin chef du camp de Pithiviers signe un billet diagnostiquant « bronchite chronique, hypertension artérielle, tachycardie, état de santé incompatible avec la vie du camp ». Eugène Blais est libéré un mois plus tard, le 3 mars, en raison de sa situation de famille. Une grande foule vient assister à son enterrement.

Son frère, A. Blais, travailleur (volontaire ou forcé ?) à Finow, Mark (illisible) Lager II, écrit à sa mère le 18 juillet 1944.

Le 27 mai 1945, Henri Matthiaud écrit à Marguerite Blais pour lui annoncer la mort de son mari et de son beau-frère.

Le 12 juin 1945, Gabriel Torralba (“46264”), de Chambéry, écrit à Marguerite Blais pour émettre un avis pessimiste, sans certitude.

Dès le 27 juillet, le conseil municipal d’Ivry associe les deux frères pour dénommer l’ancienne impasse du Moulin-à-Vent, où ils habitaient.

Son frère Raymond Blais est homologué dans la Résistance intérieure française au titre du Front national, avec le grade fictif d’adjudant (7-7-1948), homologué comme “Déporté résistant” (n°100132889, 20-12-1950). Les mentions “Mort pour la France”, puis « Mort en déportation” ont été portées sur l’acte de décès.

Le conseil municipal d’Ivry associe les deux frères pour dénommer l’ancienne impasse du Moulin-à-Vent, le 27 juillet 1945.

La mention “mort en déportation” est portée sur leurs actes de décès (J.O. du 10-09-1987).

Notes :

[1] Ivry-sur-Seine : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Boulogne-Billancourt : créée sous le nom de Boulogne-sur-Seine en 1790, la commune prend le nom de Boulogne-Billancourt en 1926, le rattachement de Billancourt datant de 1859. Jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[3] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France  : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN”, jusqu’à son changement d’appellation le 1er juin 2018).

[4] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été identifiée par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n° 21 de mai-juin 1948).

[5] Le décès de Robert Blais : l’officier d’état civil du Ministère des anciens combattants et victimes de guerre avait fixé la date du 15 novembre 1942 (12-7-1946).

Sources :

- Michèle Rault, Des noms qui chantent la liberté (noms de rues), édité par Ville d’Ivry-sur-Seine pour le 50e anniversaire de la Libération (1994), page 8, et site de la ville (en 2012).
- Archives municipales d’Ivry-sur-Seine, dossier individuel rassemblé par Michèle Rault, conservatrice, à partir de différentes sources.
- Bulletin municipal de Boulogne-Billancourt, supplément au n° 335, avril 2005, page 26, Liste des déportés des usines Renault, document cité dans un fichier pdf d’Annie Lacroix-Riz et Michel Certano (juin 2011).
- André Montagne, in De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, Éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, page 76.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 388 et 395.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande” (BA ?) ;  dossier de la famille Blais au cabinet du préfet (1 W 897-40025).
- Musée de la Résistance Nationale, Champigny-sur-Marne : fiches de police d’Eugène, Raymond et Robert Blais au commissariat d’Ivry-sur-Seine.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; relevé dans les archives (01-2009).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 6-02-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.