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Auschwitz, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Maurice, Constant, Marcel, Guillot naît le 19 septembre 1899 à Morières [1] (Calvados – 14), limitrophe de Vendeuvre, fils de Constant Guillot, 41 ans, journalier, et de Claire, Élise, Renault, 35 ans, non mariés (il est le seul enfant né cette année-là dans la commune). Pendant un temps, il travaille comme ouvrier agricole.

Le 20 avril 1918, il est mobilisé au 36e régiment d’infanterie. Il est hospitalisé pour gale du 22 au 26 mai, puis du 30 juillet au 3 août. Le 15 novembre 1919, il passe au 28e régiment d’infanterie. Le 21 février 1920, il passe au 24e régiment d’infanterie, alors que cette unité est envoyée au Maroc « en guerre ». Maurice Guillot rentre en France le 11 février 1921. Le 9 avril suivant, il est « renvoyé dans ses foyers » et se retire à Petit-Couronne, « près de l’église », muni d’un certificat de bonne conduite.

En mars 1923, il est installé au 30, rue de la Chaussée, à Grand-Quevilly (Seine-Maritime [2] – 76), au sud-ouest de l’agglomération de Rouen, dans la boucle de la Seine. Il obtient le permis de conduire les motocyclettes. Pendant un temps, il est planton cycliste encaisseur (?).

Le 28 avril 1923, à Grand-Quevilly, il se marie avec Émilienne, Madeleine, Walbuq (ou Walberq). Ils auront trois enfants, âgés respectivement de 15 ans (peut-être s’agit-il de Mireille, dite Éliane, née le 21 janvier 1927), 12 ans et 8 ans en février 1942.

En mars 1929, ils habitent rue de l’Ouraille, à Saint-Ouen-de-Thouberville (Eure). En janvier 1936, ils demeurent à Rouen (?).

Au moment l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 8, rue de la Mare, à Grand-Quevilly.

Maurice Guillot est ouvrier métallurgiste, charpentier en fer aux Chantiers de Normandie de Grand-Quevilly (comme le mentionne Louis Eudier).

Adhérent de la CGT, c’est un communiste militant, proche de Marcel Ledret et d’Eugène Vauchel, dirigeants de la cellule d’entreprise des Chantiers de Normandie (n° 95).

Fin novembre 1938, il est licencié par son entreprise pour avoir participé au mouvement national de grève contre l’abandon des acquis du Front populaire. À partir de cette date, il est inscrit au Fonds de chômage, ses seules ressources étant l’allocation journalière reçue de cet organisme.

Après l’interdiction du parti communiste, il serait « chargé de la répartition des tracts à Grand-Quevilly centre », toujours en contact avec Ledret et Vauchel.

Le 9 septembre 1940, après que des tracts « (publications interdites) » aient été découverts dans les rue de sa circonscription, le commissaire de police de Grand-Quevilliy en informe le commissaire central de l’arrondissement de Rouen, en indiquant que « les auteurs présumés de cette propagande seraient les nommés » Fontaine Émile et Guillot Maurice, ajoutant qu’il a « avisé la brigade de gendarmerie de Petit-Quevilly, aux fins de surveillance à exercer en collaboration avec les agents de [son] service ».

Le 23 septembre, un inspecteur principal du commissariat de police spéciale transmet au commissaire central de Rouen les notices de militants communistes signalés par le commissaire de Grand-Quevilly : André Fontaine, Maurice Guillot, ainsi que les frères Adrien et Émile Fontaine (sans liens de parenté ?).

Le 15 mars 1941, Maurice Guillot est arrêté par des gendarmes français de la brigade de Grand-Couronne, en même temps que Jean Valentin.

Le 18 avril suivant, la Section spéciale de la Cour d’appel de Rouen condamne les deux hommes à un an d’emprisonnement pour activité communiste.

Maurice Guillot est emprisonné à la prison Bonne-Nouvelle de Rouen (ensuite à la Maison centrale de Clairvaux, Aube – ???).

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Rouen, la prison Bonne-Nouvelle.
Carte postale des années 1900.
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Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Le 4 août 1941, répondant à une note du préfet de Seine-Inférieure datée du 22 juillet, le commissaire principal de police spéciale de Rouen transmet à celui-ci une liste nominative de 159 militants et militantes communistes de son secteur dont il préconise de prononcer l’internement administratif dans un camp de séjour surveillé, tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et « par tous les moyens ». Parmi eux, Maurice Guillot, « actuellement en prison à Rouen. À interner à sa sortie »…

Le 24 mars 1942, remis aux autorités d’occupation à leur demande, Maurice Guillot est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne [3](Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag122 – Polizeihaftlager). Il est désigné comme otage après l’attentat contre la ligne Quevilly-Couronne.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Maurice Guillot est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45644, sa photo d’immatriculation a été retrouvée.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, au cours duquel ils déclarent leur profession, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Louis Jouvin pense que Maurice Guillot est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

De fait, on ignore la date exacte de la mort de Maurice Guillot à Auschwitz [4].

Il est homologué comme “Déporté politique”.

À Grand-Quevilly, son nom est inscrit parmi les morts en déportation sous la plaque de la rue des Martyrs de la Résistance.

© Photo de Marc Le Dret, petit-fils de Marcel Le Dret.

© Photo de Marc Le Dret, petit-fils de Marcel Le Dret.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 21-06-1994).

Sa fille (?) Mireille Guillot, dite Éliane, a été arrêtée le 18 janvier 1943 (?) « sur la route » à Grand-Quevilly, pour activité communiste et menée antinationale. Elle est écrouée à la Maison d’arrêt de Rouen (suite à vérifier…).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 386 et 407.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Basse-Normandie (2000), citant : Liste établie par Louis Jouvin (45697), du Grand-Quevilly, 2/1990 – Liste établie par la CGT, p. 5 – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
- Archives du Calvados, site internet, archives en ligne, état civil de Vendeuvre/Morières 1865-1899 (cote 2 MI-EC 1226), naissances de l’année 1899, acte n° 1 (vue 116/325) ; registre matricule du recrutement militaire pour l’année 1919, bureau de Falaise, n° 100-500 (cote R 7228), matricule n° 97 (vues 132-133/636).
- Louis Eudier (45523), listes à la fin de son livre Notre combat de classe et de patriotes (1939-1945), imprimerie Duboc, Le Havre, sans date (2-1973 ?).
- Catherine Voranger, petit-fille de Louis Jouvin (“45697”), message 04-2013, copie d’un rapport de police ayant été conservé par Louis Jouvin.
- Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’Hôtel du Département, cabinet du préfet 1940-1946 ; individus arrêtés par les autorités de Vichy ou par les autorités d’occupation, dossiers individuels de G à H (cote 51 W 416), recherches conduites avec Catherine Voranger.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 27-05-2014)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Morières : la commune est réunie à Vendeuvre par l’arrêté préfectoral du 24 février 1965.

[2] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[3] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs du Reich ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp C est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transféré au camp de Drancy (Seine-Saint-Denis – 93).

[4] La date de décès inscrite sur les actes d’état civil :

Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.

Concernant Maurice Guillot, c’est le 15 novembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès.

Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.