Photo anthropométrique prise le 9 avril  1942
par le service de l’identité judiciaire.
© Archives de la Préfecture de Police, Paris

Marcelle Béziau naît le 28 novembre 1909 à Saintes (Charente-Maritime – 17). À quinze ans, elle perd son père, chauffeur de locomotive.

En 1926, elle épouse, Alexandre Lemasson, né le 15 novembre 1904 à Asnières(sur-Oise, Val-d’Oise ?), un cheminot. Tous deux sont connus comme communistes à Saintes, où ils habitent depuis toujours, rue Pont-Amillon.

L’arrestation par les Brigades spéciales

Le 27 mars 1942, Marcelle Lemasson est arrêtée chez elle par les brigades spéciales de Bordeaux.

Octave Rabaté, en possession de papiers au nom de Jean-Louis Deschamps, venait tout juste d’arriver. II apportait des cartes d’identité pour les membres de l’organisation clandestine en Charente. Sans doute était-il filé depuis Paris. [1]

Alexandre Lemasson réussi à s’échapper en sortant par une fenêtre qui donne sur le jardin [2].

Pendant que les policiers fouillent la maison, Madeleine Normand, qui attend dans un square que Marcelle Lemasson lui apporte des cartes d’identité vient voir à cause du retard. Elle est arrêtée à son tour.

Marcelle Lemasson est emmenée à Paris le 1er avril 1942 et elle reste au dépôt jusqu’au 29 avril. De là elle passe à la Santé – au secret, division allemande – puis est transférée à Romainville le 24 août 1942.

Le 22 janvier 1943, cent premières femmes otages sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »).

Le lendemain, un deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris). Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).

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En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit.

Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

Marcelle Lemasson y est enregistrée sous le matricule 31670. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie appliqués par la police allemande : vues de trois-quart, de face et de profil (la photo d’immatriculation de Marcelle Lemasson a été retrouvée, puis identifiée par des rescapées à l’été 1947).

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Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943, 
selon les trois vues anthropométriques de la police allemande. 
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne. 
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive). Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.

Marcelle Lemasson subit le typhus, la quarantaine, Ravensbrück, enfin Mauthausen où elle aurait pu rencontrer son mari, Alexandre Lemasson.

En mal 1945, les époux se retrouvent chez eux, à Saintes. Ils ont un fils, né le 29 octobre 1946.

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 176-177. 
- Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, éditions Tirésias, Paris 2004, I.132, tome 2, page 1102.

MÉMOIRE VIVE

(dernière modification, le 17-05-2010)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

Notes

[1] Octave Rabaté, né le 13 mai 1899, militant du Parti communiste dès 1920. Transféré à Paris, il est incarcéré à la prison du Cherche-Midi, puis au fort de Romainville. Torturé, condamné à mort, il échappe à l’exécution et est déporté en avril 1943 au KL Mauthausen. Nommé à la tête du triangle de direction de la résistance communiste française à l’intérieur du camp, avec Maurice Lampe et Frédéric Ricol, est coopté à la direction de l’organisation de résistance internationale du camp. Rapatrié à fin avril 1945, il décède en juillet 1964, après une longue maladie.

[2] Alexandre Lemasson est arrêté à Souston dans les Landes le 29 août 1942, déporté NN dans le transport de 52 hommes parti de Paris, gare de l’Est le 6 septembre 1943, et arrivé à Sarrebruck (camp de Neue Bremm) le 7 septembre. Tous sont transférés le 16 septembre au KL Mauthausen (matr. 35159). Alexandre Lemasson est affecté au Kommando de Gusen. Il est libéré le 5 mai 1945 à Mauthausen.