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Photo anthropométrique prise le 28 août 1942
par le service de l’identité judiciaire.
© Archives de la Préfecture de Police (APP), Paris.

Marcelle Gourmelon naît le 30 juin 1924 à Paris 10e, fille de Pierre Gourmelon, comptable, et de Jeanne Cam, 24 ans, son épouse. Marcelle, l’aînée, aura deux sœurs, Louisette, née le 30 avril 1926, et Jacqueline, née le 13 août 1932, ainsi qu’un frère, Jean, qui ne vivra que six mois.

Les deux premières enfants vont à l’école maternelle à Paris.

Au début des années 1930, la famille déménage pour Cheptainville, près d’Arpajon [1] (Essonne – 91).

Puis la famille vient habiter un pavillon au 26, cité des Jardins à Arpajon. Marcelle Gourmelon y achève sa scolarité à l’école communale en obtenant le certificat d’études primaires. Contrairement à beaucoup de jeunes filles de son âge, elle ne poursuit pas de formation dans une école d’apprentissage. Le 3 septembre 1939, à la déclaration de la guerre, elle a quinze ans.

Son père décède en 1941.

Une jeune fille dans la Résistance

En 1942, Marcelle, prenant le pseudonyme de « Paulette », rejoint un groupe de Francs tireurs et partisans (FTP). Début juin, sous prétexte de camping, celui-ci s’installe en forêt de Fontainebleau, sur la commune de Moret-sur-Loing au lieu-dit le Calvaire, une butte boisée dominant Moret et la confluence de la Seine et du Loing. Ce premier groupe de partisans, dirigé par Maurice Le Berre (« Noël »), 20 ans et déjà combattant expérimenté, intègre dans ses rangs trois jeunes filles : Marcelle, Simone Deguéret (« Claudine ») et Raymonde Georges, laquelle sert un temps d’agent de liaison avec Pierre Georges, dit « Frédo » (son beau-frère, futur colonel Fabien). Après avoir failli être arrêté à Paris le 6 mars, estimant être “grillé” sur la région parisienne, celui-ci est « parti camper dans les environs de Corbeil ». Mais il reste peu de temps dans le secteur : fin mars-début avril, il ira continuer la lutte armée en Franche-Comté.

Cette équipe est également composée de Pierre Benoit (« l’étudiant »), 17 ans, Marcel Beauclair (« Thaïs »), Maurice Dupic (« Hervé »), Jean Rozinoer, interne des hôpitaux et médecin du groupe.

Sans constituer un maquis localement enraciné, ce petit groupe d’action couvre un large périmètre en multipliant sabotages – ferroviaires, surtout – et “coups de main” (affaires de la rue de Buci et de la rue Daguerre à Paris…).

Marcelle Gourmelon se fait embaucher aux cuisines du camp de Montdésir, au sud-est d’Étampes (91), sur la route nationale n° 20, une base de la Lutfwaffe (l’armée de l’air allemande).

Son groupe prépare un coup hardi : faire sauter les avions militaires allemands au sol. Marcelle, alors âgée de dix-huit ans, doit en être l’agent principal. Elle entrepose des armes et des explosifs dans le pavillon familial (une cache sous le plancher) ; sa mère le sait. Le coup doit être tenté vers la fin août…

L’arrestation

Le 11 août, Raymonde Georges et Lucien Charpentier montent dans le train à Avon quand le sac à dos de la jeune fille se défait : des objets se répandent, un revolver tombe. Des voyageurs alertent la police. Les deux partisans essaient de s’échapper sans y parvenir. Aussitôt après leur arrestation, plusieurs centaines d’hommes – policiers, gendarmes, soldats allemands – ratissent le sud de la Seine-et-Marne.

Le groupe du Calvaire décroche et se disperse, la plupart réussissant à s’enfuir en passant le Loing en bateau. Au cours d’un engagement à Montereau, André Boissière est tué. Blessé, Jean Beauclair rejoindra le maquis de Saint-Mammès et combattra jusqu’à la Libération. Charles Blanstier et Maurice Dupic sont arrêtés le 17 août à Colombes (Hauts-de-Seine).

Pierre Benoît, Maurice Le Berre, Jean Rozinoer, Rousseau, Jean Pelet, 22 ans, domicilié à Mornant (Seine-et-Marne), et Marcelle Gourmelon sont alors hébergés par Gustave Bonnet, 37 ans, dans le pavillon dont il est propriétaire au 7, boulevard des Deux-Communes à Fontenay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis – 93), à la limite de Neuilly-Plaisance.

Vers la fin août, la direction des renseignements généraux apprend que des militants communistes doivent haranguer les ouvriers sortant des usines SNCASO, quai de Gallieni, à Suresnes, sous la protection d’un groupe armé. Le 27 août, vers 17 h 30, des gardiens de la paix en civil, postés sur la berge, repèrent trois individus qui leur paraissent suspects. Ayant compris qu’un piège leur était tendu, ceux-ci prennent la fuite sous les coups de feu des policiers. Jean Rozinoer, blessé, est arrêté, en possession d’un revolver et d’une mitraillette, porteur d’une pièce d’identité au nom de Claude Romagne. André Pelet, qui a abandonné une valise contenant une mitraillette, un poignard et une matraque, est abattu sur le toit de l’immeuble où il s’est réfugié alors qu’il a encore un revolver. Le troisième réussit à prendre la fuite à vélo en direction de Saint-Cloud. Mais, la plaque d’immatriculation de sa machine ayant pu être relevée, Auguste R., 33 ans, chauffeur de chaudière, est arrêté à son domicile le lendemain à 23 heures par des policiers du commissariat de Puteaux.

Le 27 août (le soir-même ?), « les enquêtes, surveillances et filatures entreprises » (selon le langage convenu de la police), permettent à la brigade spéciale n° 2 d’apprendre l’existence du pavillon de Fontenay-sous-Bois et d’y arrêter Gustave Bonnet et Marcelle Gourmelon, alors désignée comme « liaison entre les exécutants » et « maîtresse » d’André Pelet.

« Les investigations poursuivies durant toute la nuit et le lendemain matin », 28 août, permettent aux policiers d’arrêter Pierre Benoît à la gare Saint-Lazare. Maurice Le Berre est pris le même jour, alors qu’il revient au pavillon de Fontenay-sous-Bois où était tendue une souricière : il s’évadera…

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Pierre Benoit
après son arrestation.

Le 31 août, la mère de Marcelle, Jeanne Gourmelon, est arrêtée à son tour, chez elle. La perquisition ne donne rien : les armes ont changé de place. Madame Gourmelon joue l’étonnement, en vain.

La mère et la fille sont interrogées aux Renseignements généraux de la préfecture de police à Paris, puis envoyées au dépôt (la Conciergerie, sous le Palais de Justice, île de la Cité). Elles sont ensuite écrouées à Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e). « Remises aux autorités d’occupation sur leur demande », elles sont transférées au quartier allemand de la Maison d’arrêt de Fresnes (Val-de-Marne).

Le 21 octobre – en même temps que Raymonde Georges -, elles sont conduites au Fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas (Seine-Saint-Denis – 93), premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122.

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L’unique entrée du Fort de Romainville (Haftlager 122),
surplombée par un mirador.
© Musée de la résistance nationale (MRN),
Champigny-sur-Marne (94).

Marcelle y est enregistrée sous le matricule n° 1039 (sa mère sous le n° 788 ?). Le 3 novembre, en envoyant une carte pré-remplie fournie par l’administration du camp, Marcelle peut faire savoir à ses sœurs où elles se trouvent. Restées seules au domicile familial, Jacqueline et Louisette seront prises en charge par Monsieur et Madame Leroy.

Le 22 janvier 1943, cent premières femmes otages sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »).

Le lendemain, Marcelle Gourmelon fait partie du deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris) ; sa mère reste au fort.

Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire). Marcelle Gourmelon lance le message suivant, qui parviendra à destination : « S.V.P. Prière de bien vouloir prévenir à l’adresse suivante Melle Gourmelon 26 Cité Jardin Arpajon (Seine et Oise) que Mme Gourmelon Jeanne est emprisonnée au Fort de Romainville et sa fille Marcelle a été déportée en Allemagne le 24.1.43. Vive la France et la liberté. Merci. Et s’adresser à la Croix Rouge, recherche. Marcelle ». Par ailleurs, deux messages d’auteurs inconnus sont également parvenus à ses sœurs : « Le 26 janvier 1943. Je m’empresse de vous faire connaître que votre parente a quitté Romainville. Le dimanche 24 elle était de passage à Compiègne à destination de l’Allemagne. » « Paris le 29 janvier 1943. Madame, Nous vous informons que nous avons apprit par voies détournées que votre parente de passage à Compiègne est partie à destination de l’Allemagne depuis le 24 janvier 1943. Elle indique également que son moral est supérieur et elle espère un prompt retour parmi les siens. »

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En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit.

Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

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Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II)
par lequel sont passés les “31000”
(accès depuis la rampe de la gare de marchandises
et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.

Marcelle Gourmelon y est enregistrée sous le matricule 31753. Lors de l’interrogatoire d’identité, elle se déclare sans religion (Glaubenslos) et couturière (Näherin) de profession (ce que ses sœurs réfutent), certainement afin de déclarer un métier “utile” au camp. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail dans les Kommandos, mais pas de corvée.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie de la police judiciaire allemande : vues de trois-quart coiffée d’un couvre-chef (foulard), de face et de profil.

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Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive). Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.

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Les châlits du Block n° 26. La partie inférieure, au ras du sol,
est aussi une “couchette” où doivent s’entasser huit détenues.
Les plus jeunes montent à l’étage supérieur, où il est possible
de s’assoir. Photo Mémoire Vive.

En mars, atteinte de dysenterie, Marcelle est admise au Revier [2].

Le 2 juillet, elle est autorisée à écrire. Elle rempli le verso d’une carte postale émise par les autorités du camp, demandant à sa sœur Louise l’envoi d’un colis de nourriture et des nouvelles de leur mère. Mais il est possible que ce courrier ne soit pas parti, son décès ayant pu survenir avant qu’il soit posté.

Ayant contracté le typhus, Marcelle Gourmelon meurt le 12 juillet 1943, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp, qui indique pour cause de sa mort une pneumonie (Lungenentzündung), peu probable au début de l’été. Elle a dix-neuf ans.

Le 18 juillet, Madame Gourmelon est libérée du fort de Romainville quand la mort de sa fille a été enregistrée. Mais elle ne l’apprendra qu’au retour des rescapées.

Après la Libération, elle l’a l’inscrite comme « massacrée (sic) en juin 1943 ».

Le 20 mai 1951, a lieu à Arpajon une grande cérémonie d’hommage à Marcelle Gourmelon à l’initiative de l’union locale des Jeunes filles de France et en présence du maire de la ville et du conseiller général du canton, Louis Namy ; un cortège de 400 personnes défile depuis la mairie jusqu’à la maison familiale de la cité jardin, rue du 22 août, sur laquelle est dévoilée une plaque à son nom (cette plaque a disparu à la fin des années 1990 à l’occasion d’un ravalement des habitations).

Le 3 février 1995, les pages du Convoi du 24 janvier, de Charlotte Delbo, consacrée à Marcelle Gourmelon sont lues par deux comédiennes au lycée Michelet d’Arpajon lors de l’initiative nationale lancée par la compagnie Bagages de sable, acte artistique animant 160 communes où étaient domiciliées les déportées “31000”.

Le 26 avril 2015, une rue « Marcelle Gourmelon » a été inaugurée à Saint-Germain-lès-Arpajon (91).


Pierre Benoit – Les cinq étudiants du Lycée Buffon

Pierre Benoit naît le 7 mars 1925 à Nantua, fils d’un officier de police judiciaire et d’une directrice d’école maternelle. Il est domicilié au 6, square Desnouettes, à Paris 15e.

À la la déclaration de guerre, il n’a que 14 ans. Au cours de l’année scolaire 1940-1941, il est en classe de seconde au lycée Buffon. Scolairement, il est capable, mais néglige ce qui ne l’intéresse pas. Il aime la peinture et la littérature, et est attiré par la politique.

Le même désir d’agir, de lutter par tous les moyens contre l’occupant, anime également ses condisciples Jean-Marie Arthus (15 ans en 1940), Jacques Baudry (18 ans), Pierre Grelot (17 ans) et Lucien Legros (16 ans).

Distribuant des tracts, collant des papillons, ils multiplient les appels auprès de leurs camarades. Ils s’efforcent de leur faire comprendre que la guerre n’est pas finie, qu’il faut lutter contre l’armée d’occupation. Ils installent une petite imprimerie qui leur permet de reproduire leurs appels chez l’un d’entre eux où ils cachent également leurs premières armes. Ils prennent chacun un pseudonyme : Francis, Marchand, André, Paul et Jeannot. Les services de police s’inquiètent des activités de ces jeunes gens dont ils ne connaissent pas encore l’identité.

Au cours de l’année 1941, les groupes et les réseaux de résistance se développent ; les attentats et les sabotages se multiplient contre l’occupant dont les mesures de répression s’intensifient.

Durant l’hiver, les cinq condisciples décident de s’engager plus avant dans la résistance armée en adhérant au mouvement qui donnera naissance aux Francs-Tireurs et Partisans (FTP).

En avril 1942, leur professeur d’histoire, Raymond Burgard, chef du mouvement de résistance “Valmy”, est arrêté à son domicile par la Gestapo.

La réaction de ses élèves est immédiate. Ils décident de protester publiquement. Durant les vacances de Pâques, ils organisent une manifestation qui se déroule le jeudi 16, jour de la rentrée.

À la récréation du matin, une cinquantaine d’élèves d’autres établissements, conduits par Lucien Legros, force l’entrée du lycée et rejoint le groupe de Buffon, mené par Pierre Benoit. Jean-Marie Arthus, Jacques Baudry et Pierre Grelot sont chargés de surveiller et de donner l’alerte en cas de danger. Pendant dix minutes, tracts et appels sont lancés. Les élèves commencent à se disperser alors que la cloche retentit, mais un agent du lycée a fait fermer les issues et prévenir la police. Les cinq jeunes gens réussissent à s’enfuir.

Lucien Legros et Pierre Benoit, exclus du lycée, fichés comme « jeunes gens très dangereux », recherchés, sont désormais obligés de vivre dans la clandestinité.

Loin de cesser, l’activité des cinq amis s’intensifie. Ils participent à des attentats contre des officiers allemands, lancent des grenades contre un amiral allemand et ses invités au cours d’une réception donnée à bord d’une vedette sur la Seine. Ils glissent des tracts sous des portes, collent des affiches… accomplissant tous ces gestes, “petits” et “grands”, qui contribuent à saper le moral de l’occupant et à entretenir un climat d’insécurité.

Le 31 mai, leur groupe protège une manifestation contre la pénurie alors que 150 personnes environ font la queue devant le magasin ECO situé au 77 rue de Seine et à l’angle de la rue de Buci, dans le 6e arrondissement. Madeleine Marzin – née en 1908 à Loudéac, institutrice jusqu’en juin 1942 au Plessis-Robinson – y prend la parole. Des gardiens de la paix interviennent, une fusillade éclate : deux policiers sont tués.

Les 3 et 4 juin 1942, Lucien Legros, Jean-Marie Arthus et Pierre Grelot sont arrêtés sur dénonciation. Seul Pierre Benoit parvient à s’échapper.

Le 17 juin, Grelot, Baudry, Arthus et Legros comparaissent devant le Tribunal spécial de Paris pour leur participation à l’action de la rue de Buci. Lors du procès, Madeleine Marzin, également arrêtée et inculpée, revendique ses actions dans la Résistance communiste.

Le 23 juin, la sanction est sans appel : travaux forcés à perpétuité pour les trois jeunes garçons. Impliqués par ailleurs dans des attentats contre les troupes d’occupation, ils sont remis, ainsi que Jacques Baudry, à la Gestapo.

Pierre Benoit, en fuite, est condamné à mort par contumace.

Afin d’échapper à la police, il est versé dans un nouveau groupe FTP qui, sous prétexte de camping, s’installe dans la forêt de Fontainebleau, au camp de Calvaire près de Moret-sur-Loing, dirigeant des opérations de sabotage contre des voies ferrées et des aérodromes sous le pseudonyme de “L’Étudiant”.

Blessé par balle au cours d’une action menée par son groupe (incendie de dix avions au sol), il gagne Paris à pied pour y recevoir des soins. Il reste caché pendant huit jours dans un égout. Signalé comme chef terroriste très dangereux, il est activement recherché dans toute la France.

Le 28 août, il est arrêté près de la gare Saint-Lazare et est conduit à la Maison d’arrêt de la Santé où se trouvent déjà ses camarades.

Le 15 octobre, après un nouveau procès devant le tribunal de la Luftwaffe, les cinq jeunes gens sont condamnés à mort et transférés à la Maison d’arrêt de Fresnes.

Ils poursuivent leur action au sein même de la prison où ils s’efforcent de rallier leurs gardiens et refusent de recevoir la visite de l’aumônier allemand car il porte l’uniforme SS.

Considérés comme fortes têtes, ils sont privés de courrier et de visites. Jacques Baudry et Lucien Legros tentent à deux reprises de s’évader mais sont repris in extremis à la dernière enceinte et mis aux fers.

Le 8 février 1943 à 11 heures, ils sont fusillés au stand de tir d’Issy-les-Moulineaux et enterrés au cimetière d’Ivry. Chacun a pu écrire une dernière lettre à sa famille.

Condamnée à mort avant que sa peine soit commuée le 22 juillet en prison à vie, Madeleine Marzin réussit à s’évader gare Saint-Lazare à Paris, avec la complicité de cheminots, lors de son transfert à la prison pour femmes de Rennes (Ille-et-Vilaine). Elle poursuit la Résistance dans l’Est de la France, au sein de l’Union des Femmes Françaises. De retour à Paris pour l’insurrection, elle devient en 1945 conseillère municipale du 20e, puis députée (de 1951 à 1958).

Jean-Marie Arthus, Jacques Baudry, Pierre Benoit, Pierre Grelot et Lucien Legros ont été décorés à titre posthume de la Légion d’honneur, de la Croix de guerre et de la Médaille de la Résistance et cités à l’Ordre de la Nation. Leurs services ont été homologués au ministère des Armées avec le grade d’officier.

En leur mémoire, une voie du 13e arrondissement a été dénommée rue des Cinq Martyrs du lycée Buffon.

Dans le lycée même, une plaque porte cette inscription :

« À la mémoire des Lycéens Résistants fusillés le 8 février 1943

Jean Arthus 15 ans

Jacques Baudry 18 ans

Pierre Benoit 15 ans

Pierre Grelot

Lucien Pierre Grelot 17 ans

Lucien Legros 16 ans »

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), page 131.
- Alain Bouyssy, président du Comité pour la mémoire des Résistants au nazisme dans la région arpajonnaise (COMRA), Comité local de l’Amicale de Chateaubriant-Voves-Rouillé ; documents transmis par la famille de Marcelle Gourmelon (message 03-2013).
- COMRA, brochure Marcelle Gourmelon (1924-1943) La vie volée d’une jeune Arpajonnaise morte à Auschwitz à 19 ans (à commander au COMRA, 29 rue Dauvilliers 91290 ARPAJON).
- Claude Cherrier (et René Roy), La Résistance en Seine-et-Marne (1939-1945), Etrépilly, Presses du Village, 2002, pages 66 et 67.
- Archives de la préfecture de police (Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; dossiers de la BS1 (GB 51 ; erreur de classement ?), « affaire Boisseau Georges (affaire Romagne) », 08/09-1941.
- Musée de la Résistance nationale (MNR), Champigny, fichier de l’association des fusillés-massacrés.
- Marion Queny, Un cas d’exception : (…) le convoi du 24 janvier, mémoire de maîtrise d’Histoire, Université Lille 3-Charles de Gaulle, juin 2004, notamment une liste réalisée à partir du registre de Romainville (copie transmise par Thomas Fontaine), pp. 197-204, et p. 114.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 380.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; copie de l’acte de décès du camp (25171/1943).

Concernant Pierre Benoit et les lycéens du lycée Buffon :

- Adam Raïski, Au stand de tir – Le massacre des Résistants, Paris 1942-1944, brochure éditée par la Mairie de Paris, octobre 2006, 80 p.
- Site Les plaques commémoratives, sources de mémoire (aujourd’hui désactivé – nov. 2013).
- Site : http://www.ac-bordeaux.fr/Etablisse…

MÉMOIRE VIVE

(dernière modification, le 30-01-2015)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

[1] Arpajon : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine-et-Oise (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Revier, selon Charlotte Delbo : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient «  révir  », car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. ». In Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24. Le terme officiel est pourtant “hôpital” ; en allemand Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus ou Krakenbau (KB). Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation KB.