Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Marcel, Marius, Couriol naît le 18 octobre 1921 à Sainte-Christine (Puy-de-Dôme – 63)au lieu-dit Montaligère à Sainte-Christine (Puy-de-Dôme – 63), chez ses parents, Pierre Jean-Marie Couriol, 30 ans, agriculteur, et Marie-Louise Chomard, 30 ans, son épouse. Marcel a deux sœurs aînées : Marie Odette, née en 1916, et Lucienne, née en 1918.

Soldat de 2e classe au 139e régiment d’infanterie, leur père a été blessé par obus dès le 26 août 1914 au combat de Doncières, subissant une commotion du labyrinthe (cavités sinueuses de l’oreille interne), occasionnant une « audition presque nulle, surtout à gauche et diminuée à droite ». Plus tard, la commission spéciale de réforme lui attribuera une pension d’invalidité de 50 % pour surdité complète de l’oreille gauche et hyperacousie de l’oreille droite.

Au printemps 1926, la famille est installée au 40, rue de Joinville à Paris 19e, à l’angle de l’avenue de Flandre et près de la station de métro Crimée. Le père est employé à la préfecture de la Seine et/ou agent des perceptions municipales.

À partir de 1935, Marcel Couriol est étudiant au lycée Voltaire.

Au moment de son arrestation, il habite toujours chez ses parents. Il est célibataire (il a 19 ans).

Avant-guerre, s’il est « sympathisant de la philosophie communiste », il n’est pas membre des Jeunesses communistes.

En mars 1940, durant la “drôle de guerre”, il adhère au Centre laïque des Auberges de la Jeunesse.

En septembre suivant, sous l’Occupation, « Fernand », un étudiant peut-être entrevu au lycée Voltaire mais surtout connu comme “ajiste”, vient le voir chez lui pour lui demander s’il s’intéresse toujours aux questions politiques. Sur sa réponse positive, celui-ci lui donne rendez-vous quelques jours plus tard au métro Goncourt, où il lui remet un paquet contenant une dizaine de tracts imprimés intitulés « Peuple de France ». Lors d’un second rendez-vous fixé quelques jours plus tard, l’étudiant lui remet une dizaine de tracts intitulés « Jeunesse de France ». Marcel Couriol déclarera à la police n’avoir fait qu’entreposer ces tracts chez lui à l’insu de ces parents. Lesquels les ont cependant découvert peu après, puis – notamment sa mère – lui ont demandé de les détruire après l’avoir « sévèrement admonesté ».

Au début de l’année 1941, deux inspecteurs de la 1re brigade spéciale des renseignements généraux de la préfecture de police sont chargés d’enquêter sur la propagande communiste clandestine diffusée dans les milieux étudiants et notamment au sein du lycée Voltaire.

Le 9 janvier, ils arrêtent un étudiant de 21 ans, Volico L., dit Fernand, après avoir acquis la certitude que celui-ci « continue à propager les mots d’ordre de la IIIe internationale par la distribution de tracts clandestins divers et par l’apposition de papillons gommés portant des slogans communistes ». La perquisition effectuée à son domicile n’amène pourtant la découverte que de quatre exemplaires de trois documents différents : L’Avant-Garde (journal des JC), Notre jeunesse, de décembre 1940 (6 pages) et Coup de force contre le sport français. Le même jour, les policiers arrêtent Marcel Couriol. Chez lui, la visite domiciliaire ne donne aucun résultat. Cependant, après avoir nié toute implication, le lycéen finit par reconnaître que son camarade lui a remis des tracts lors de deux rendez-vous. Inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939, l’étudiant L. est conduit au Dépôt (la Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité). Inculpé pour le même motif, Marcel Couriol est laissé libre, à charge pour lui de déférer à toute convocation de Justice.

Il prévient un autre lycéen, Luzer, dit Lucien, W., étudiant polonais de 17 ans, d’avoir à détruire tout document compromettant pour échapper à une inculpation possible. Mais cette avertissement arrive trop tard…

Le 15 janvier, les deux mêmes inspecteurs, ayant acquis la certitude qu’un autre lycéen, Luzer W., dit Lucien, 17 ans, prend une part active à cette diffusion de propagande, ils l’arrêtent. Le garçon ayant rapidement indiqué qu’il a été mis en relation avec l’étudiant L. (dit aussi « Lézé ») par Marcel Couriol, les inspecteurs appréhendent de nouveau celui-ci. Le lycéen W. implique également Isidore Grunberg, autre lycéen de Voltaire, mais celui-ci a quitté le domicile paternel depuis le 11 décembre pour ne plus y revenir.

Le 17 janvier, Marcel Couriol est conduit au dépôt de la préfecture de police. Dans la même affaire sont pris cinq jeunes militants, inculpés d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939.

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage.
(montage photographique)

Le 3 mai 1941, tous les inculpés comparaissent devant la Chambre pour mineurs (15e) du tribunal correctionnel de la Seine ; quatre pères, dont celui de Marcel Couriol, et une mère ont été convoqués comme civilement responsables. Marcel Couriol est condamné à six mois d’emprisonnement. Il fait appel auprès du procureur de la République.

Le 31 mai, il est transféré au quartier des mineurs de l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne).

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 8 juillet, la Cour d’Appel de Paris maintient la durée de sa peine.

Le 9 juillet, les Renseignements généraux le désignant comme « sympathisant des doctrines moscoutaires », le préfet de police de Paris signe un arrêté ordonnant son internement administratif. Marcel Couriol quitte Fresnes le 17 octobre 1941, très certainement remis en liberté à l’expiration de sa peine.

Le 28 avril 1942 à quatre heures du matin, Marius Couriol est arrêté à son domicile par des policiers allemands (« Gestapo » selon M. Chomard), comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations collectives (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation », avec le concours de la police française et visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin ayant précédemment fait l’objet d’une poursuite policière ou judiciaire et ayant été libérés, soit après avoir bénéficié d’un non-lieu, d’un acquittement ou d’un sursis, soit après avoir fini de purger une courte peine, parmi lesquels beaucoup de jeunes gens. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122).

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Marcel Couriol est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marcel Couriol est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45405, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage actuellement connu ne permet de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Marcel Couriol.

Il meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement gazés [1]). Il a 20 ans.

Il est déclaré “Mort pour la France”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 29-01-1988).

Notes :

[1] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 373 et 400
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : État civil de la Mairie du 19e – Mairie de Sainte-Christine – Témoignages de M. Chomard, son cousin, et Mme Botton, sa sœur – Liste partielle du convoi, Musée d’Auschwitz.
- Archives de Paris, archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 28 mars au 5 juin 1941, cote D1u6-5855.
- Archives Départementales du Val-de-Marne (AD 94), Créteil : Maison d’arrêt de Fresnes, “correction hommes”, 20 avril-7 juillet 1941 (2742W18), registre d’écrou n° 151.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande” (BA … ?) ; archives des Renseignements généraux de la préfecture de police (consultation sur écran), brigade spéciale anticommuniste, registre des affaires traitées 1940-1941 (G B 29) ; dossiers de la BS1 (GB 55), n° 87, « affaire L.-Couriol », 10–1-1941 ; n° 95, « affaire W.-Couriol », 16–1-1941.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 186 (31921/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 23-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.