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Auschwitz-I, le 3 février 1943
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Lucienne Proux naît le 11 octobre 1922 à Ville-d’Avray [1] (Hauts-de-Seine – 92), mais elle grandit à Rochefort (Charente-Maritime [2] – 17) où son père est cheminot. Après le certificat d’études, elle apprend la coiffure. Mais on ne sait si elle a exercé son métier avant de se marier, très jeune.

Avant la guerre, elle est membre de l’Union des jeunes filles de France.

En mai-juin 1940, son mari est fait prisonnier de guerre et envoyé dans un Stalag en Allemagne.

Au début de 1942, Renée Michaux, assurant la liaison du PCF clandestin entre le Sud-Ouest et Paris, charge Gilberte Tamisé de recruter Lucienne Ferré qu’elle avait connue à Rochefort. Au retour de sa mission, Gilberte fait observer que Lucienne lui semble jeune et peu solide. Renée Michaux, qui n’a elle-même que vingt-deux ans, ne partage pas ce jugement et Lucienne devient « Annie ».

En juillet 1942, Annie est arrêtée à Bordeaux (Gironde – 33) – il faudrait connaître la date exacte… Elle est écroué au Fort du Hâ.

Les “Bordelaises” l’accuseront d’avoir dénoncé un grand nombre de ses camarades. Au cours des interrogatoires qu’elle subit, “charge”-t-elle ou identifie-t-elle des personnes déjà arrêtées et/ou ses déclarations favorisent-elles de nouvelles arrestations de résistants ? Parmi ceux-ci, y a-t-il des “31000” ? (Renée Michaux et les sœurs Tamisé ont été arrêtées avant). À vérifier…

Le 16 octobre 1942, “Annie” est parmi les 70 hommes et femmes – dont 33 futures “31000” (les “Bordelaises” et les Charentaises) – transférés depuis le Fort du Hâ et la caserne Boudet de Bordeaux au camp allemand du Fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas [3] (Seine-Saint-Denis – 93), premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122. Lucienne Ferré y est enregistrée sous le matricule n° 945. Pendant trois semaines, les nouveaux arrivants sont isolés, sans avoir le droit d’écrire, puis ils rejoignent les autres internés (hommes et femmes étant séparés mais trouvant le moyen de communiquer).

Le 22 janvier 1943, Lucienne Ferré fait partie des cent premières femmes otages transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquant « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »). Le lendemain, un deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris). À ce jour, aucun témoignage de rescapée du premier transfert n’a été publié concernant les deux nuits et la journée passées à Royallieu, et le récit éponyme de Charlotte Delbo ne commence qu’au jour de la déportation… Mais Betty Jégouzo confirme ce départ en deux convois séparés, partis un jour après l’autre du Fort de Romainville. Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).

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En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit. Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

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Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II)
par lequel sont passés les “31000”
(accès depuis la rampe de la gare de marchandises
et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.

Lucienne Ferré y est enregistrée sous le matricule 31722.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie : vues de trois-quart, de face et de profil (la photo d’immatriculation de Lucienne Ferré a été retrouvée, puis identifiée par des rescapées à l’été 1947).

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où se trouvent quelques compagnes prises à la “course” du 10 février. Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.

“Annie” est admise au Revier, l’« hôpital » du camp, pour des gelures aux pieds. Avant de mourir, elle dit à Hélène Bolleau : « Moi, je n’ai que ce que je mérite. »

Lucienne Ferré meurt à Birkenau le 5 mars 1943, d’après l’acte de décès du camp.

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 111-112.
- Marion Quény, Un cas d’exception : (…) le convoi du 24 janvier, mémoire de maîtrise d’Histoire, Université Lille 3-Charles de Gaulle, juin 2004, notamment une liste réalisée à partir du registre de Romainville (copie transmise par Thomas Fontaine), pp. 197-204, et pages 95, 114.
- Liste des photos d’Auschwitz identifiées, Après Auschwitz, bulletin de l’Amicale, n°17 septembre-octobre 1947, page 3.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 283 (13334/1943).

MÉMOIRE VIVE

(dernière modification, le 14-04-2010)

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