- Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.
Albert Morin naît le 14 août 1897 à Paris 12e (75), fils de Marie Juliette Morin, 23 ans, domestique, domiciliée au 2, rue de Cotte et d’un « père non dénommé ».
Considérant son âge, Albert Morin devrait avoir été mobilisé au cours de la guerre 1914-1918 (à vérifier…). Dans la réserve, il est affecté au Génie du chemin de fer.
Le 10 novembre 1919, Albert Morin est embauché par une compagnie de chemin de fer qui fusionnera avec d’autres au sein de la SNCF début 1938 [1].
Le 14 février 1920 à Amiens, il épouse Françoise Labitte. Ils ont un enfant.
Au moment de son arrestation, Albert Morin est domicilié au 22, rue Sapostolle à Amiens (Somme – 80).
Il est alors mécanicien de route au dépôt SNCF d’Amiens.
- Façade de la gare d’Amiens dans les années 1920.
Carte Postale. Collection Mémoire Vive.
Il est délégué syndical CGTU de 1933 à 1935.
- Carte syndicale CGT, Fédération des chemins de fer.
Collection Mémoire Vive.
Le 30 novembre 1938 (jour d’une tentative de grève générale mise en échec par le gouvernement et le patronat), il commet « une infraction grave contre la discipline » (?).
Il est également membre du Parti communiste.
Le 10 mai 1942, Albert Morin est arrêté comme otage par la police allemande, parmi quatorze cheminots du dépôt d’Amiens dans la même période, à la suite du sabotage de la grue de relevage du dépôt SNCF d’Amiens dans la nuit du 30 avril au 1er mai. Il est écroué à la Maison d’arrêt d’Amiens « à la disposition des autorités allemandes ».
Dans une notice individuelle réalisée après coup par la police française, il est dit de lui : « N’a jamais manifesté de sentiments politiques depuis 1939 ».
Le 10 juin, ils sont dix cheminots du dépôt d’Amiens (dont neuf futurs “45000”) [2] à être transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Albert Morin est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
- Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Albert Morin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45898 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).
Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.
Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire – au cours duquel Albert Morin se déclare comme cheminot (Eisenbahner) -, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage publié à ce jour ne permet de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Albert Morin.
Il meurt à Auschwitz le 7 octobre 1942, d’après l’acte de décès du camp, qui indique pour cause mensongère de sa mort « insuffisance (du muscle) cardiaque » (Herzmuskelinsuffizienz) ; l’état civil français a enregistré la date du 30 décembre 1942.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 369 et 414.
Archives départementales de Paris, site internet, archives en ligne, extrait du registre des naissances du 12e arrondissement à la date du 15-08-1897 (registre V4E 9390, acte n° 2207, vue 20/31).
Archives départementales de la Somme, Amiens, correspondance de la préfecture sous l’occupation, cotes 26w592.
Base de données des archives historiques SNCF ; service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (cote 0110LM0108).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 829 (34713/1942).
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; copie de l’acte de décès du camp.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 4-09-2013)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.
[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.
[2] Les neuf cheminots, futurs “45000” : Roger Allou et Clovis Dehorter, de Camon ; Émile Poyen, de Longeau ; Paul Baheu, Fernand Boulanger, Fernand Charlot, Albert Morin, Georges Poiret et François Viaud, d’Amiens (ce dernier étant le seul rescapé des “45000” d’Amiens, Camon et Longueau).
Le dixième cheminot interné à Compiègne est Joseph Bourrel, mécanicien de manœuvre, domicilié au 102 rue Richard-de-Fournival à Amiens. Son sort en détention reste à préciser (il n’est pas déporté, selon le mémorial FMD)…
Un onzième cheminot reste à la prison d’Amiens, Jean Mayer, ouvrier au dépôt, domicilié au 36 rue Capperonnier à Amiens, arrêté la nuit même de l’attentat. Il est probablement condamné par un tribunal militaire allemand. Le 26 avril 1943, il est transféré dans une prison du Reich à Fribourg-en-Brisgau. Il est libéré à Creussen le 11 mai 1945.