Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Marcel, Raphaël, Wolff naît le 9 octobre 1897 à Épinal (Vosges), chez ses parents, Abraham, Alfred, Wolff, 30 ans, négociant (en tissus), et Pauline Moch, son épouse, 32 ans, domiciliés au 4, rue des Halles ; probablement d’une famille d’Alsaciens ayant fuit l’annexion après 1871. Les témoins pour la présentation du nouveau-né à l’état civil sont deux autres négociants.

Son frère Georges Emmanuel Wolff, naît le 7 avril 1899. Les deux témoins pour la présentation du nouveau-né à l’état civil sont des oncles maternel et paternel, eux aussi négociants. Leur sœur Jeanne naît le 9 septembre 1901 ; un des deux témoins est son oncle Charles Wolff, 27 ans, employé de commerce.

Pendant un temps, Marcel Wolff étudie à l’École Industrielle et Commerciale (« l’Indus »), installée en 1910 dans les bâtiments de l’ancienne institution Saint-Joseph, sur le coteau des Corvées, au 44, rue Abel Ferry ; aujourd’hui lycée Claude Gellée (?).

Il n’est pas mobilisé au cours de la Première Guerre mondiale, étant « ajourné » en 1915, 1916, 1917, 1918 et 1919 pour « faiblesse » par la commission de réforme d’Épinal.

Épinal. La rue des Halles vue depuis la place des Vosges. À droite, derrière le garçon en noir et le militaire en imperméable, entre la pâtisserie et la pharmacie, le magasin d’A. Wolff. Carte postale voyagée en juin 1918. Collection Mémoire Vive.

Épinal. La rue des Halles vue depuis la place des Vosges.
À droite, derrière le garçon en noir et le militaire en imperméable,
entre la pâtisserie et la pharmacie, la boutique d’A. Wolff.
Carte postale voyagée en juin 1918. Collection Mémoire Vive.

Gros plan extrait de la carte postale ci-dessus : « A. WOLF - TISSUS NOUVEAUTÉS - COUPONS ».

Gros plan extrait de la carte postale ci-dessus :
« A. WOLF – TISSUS – NOUVEAUTÉS – COUPONS ».

De la classe 1919, son frère Georges commence à travailler comme employé de préfecture, habitant alors à Meysieu en Isère. Il est exempté de service militaire pour « infantilisme » (?).

En 1926, Marcel Wolff, célibataire, est installé au 1, rue de Lormont à Épinal, près du quai sur la Moselle, avec sa tante paternelle Élise Wolff, 64 ans, née à Ottrott, laquelle y vivait déjà avec sa propre mère jusqu’au décès de celle-ci. Il habitera à cette adresse jusqu’au moment de son arrestation.

Marcel Wolff est secrétaire général de la Chambre de Commerce d’Épinal.

Épinal. La bourse de commerce derrière la statue de Jeanne d’Arc. Aujourd’hui, n’existe plus que le centre de la façade, sur un bâtiment abritant l’espace judiciaire Julie Victoire Daubie. Carte postale des années 1910, collection Mémoire Vive.

Épinal. La bourse de commerce derrière la statue de Jeanne d’Arc.
Aujourd’hui, n’existe plus que le centre de la façade, sur un bâtiment abritant l’espace judiciaire Julie Victoire Daubie.
Carte postale des années 1910, collection Mémoire Vive.

Son frère Georges se marie à Épinal le 7 mai 1928 (il divorcera le 19 décembre 1939).

En 1936, leur sœur, Jeanne Wolff, est installée avec leur père au 15, rue de la Maix à Épinal, toujours en centre-ville.

Sous l’occupation, Marcel Wolff fait partie d’une organisation pour le secours et l’évasion des prisonniers de guerre français.

En mars 1942, des Allemands se présentent à son bureau pour l’arrêter, mais il parvient à fuir.

Appréhendé en tentant de franchir la ligne de démarcation, Marcel Wolff est écroué le 3 avril à la division allemande de la Maison d’arrêt de Besançon (Doubs). Le 10 avril, le tribunal militaire de la Feldkommandantur de Besançon le condamne à trois mois de détention. Il quitte la prison de Besançon le 17 juin. Pendant une période restant à préciser (peut-être auparavant), il passe par la Maison d’arrêt de Dole (Jura).

Son frère Georges est déjà parti en zone libre.

Marcel Wolff est finalement au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). Marcel Wolff est déporté comme otage juif.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marcel Wolff est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46314 (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172, ce qui inclut tous les détenus juifs).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Marcel Wolff est alors inscrit comme appartenant à la religion mosaïque (Mosaisch). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Marcel Wolff.

Il meurt à Auschwitz le 10 août 1942, d’après  plusieurs registres du camp ; un mois après l’arrivée de son convoi, le même jour que dix-neuf autres “45000”.

À une date restant à préciser, sa sœur, Jeanne Wolff, est arrêtée et conduite au camp de Drancy, où elle arrive le 12 octobre 1943 (matricule 6336). Le 28 octobre, elle est déportée dans le convoi n° 61 (1000 personnes) parti de la gare de Bobigny à destination d’Auschwitz, où elle meurt le 2 novembre suivant (à moins qu’elle n’ait été sélectionnée pour être gazée dès l’arrivée, le 30 ou 31 octobre) [1].

Déjà passé en zone sud, son frère Georges rejoint l’armée secrète dans un maquis d’Auvergne. Puis, il s’engage volontairement dans la 1re armée française, débarquée en Provence puis amalgamée aux Forces françaises de l’Intérieur (FFI), au sein du 4e bataillon de chasseurs à pied. Il est démobilisé en août 1945.

Le 5 juin 1946, Georges Wolff, alors domicilié au 49 bis, rue Saint-Michel à Épinal, complète et signe un formulaire du ministère des anciens Combattants et victimes de guerre (ACVG) afin d’obtenir la régularisation de l’état civil d’un « non-rentré ». Ayant reçu le 6 septembre suivant l’acte de disparition demandé, il dépose une requête auprès du parquet d’Épinal afin de faire déclarer judiciairement le décès de Marcel. Le 18 juin 1947, le tribunal civil d’Épinal prononce un jugement déclarant Marcel Wolff “mort pour la France” à Compiègne en avril 1942 (sic).

Le 25 juin 1949, le ministère des ACVG envoie au directeur départemental de Meurthe-et-Moselle, pour une affaire concernant le département des Vosges, une note afin que lui soit précisé les conditions de départ et la catégorie dans laquelle il convient de classer Marcel Wolff. Y sont mentionnés les faits “connus” : « D.C.D. le ? Avril 1942 à Compiègne (Oise) – Interné à Compiègne, Déporté le 6.7.1942 à Auschwitz ». Avec une telle information, les circonstances de sa disparition pourraient être précisées. Mais une main inconnue a biffé cette dernière mention en la remplaçant par « inhumé à Compiègne », sans doute afin de ne pas créer de contradiction avec le jugement déclaratif de décès déjà rendu. Selon l’hypothèse ainsi retenue d’une inhumation à Compiègne, la dernière demande va de soi : « Enquête urgente dont le résultat est indispensable pour statuer sur le droit à la restitution du corps de Monsieur Wolff ». L’erreur ne sera pas relevée…

Le 9 décembre 1957, Georges Wolff – en qualité de frère – complète et signe un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’attribution du titre de Déporté politique à Marcel Wolff à titre posthume. Conjointement dans cette période, Georges Wolff demande la carte de Combattant volontaire de la Résistance pour son frère. Le 4 décembre 1958, le ministère des ACVG écrit au directeur interdépartemental siégeant à Nancy (Meurthe-et-Moselle) pour lui faire connaître que la demande d’attribution du titre de déporté politique à Marcel Wolff n’est pas recevable ; en effet, au terme de plusieurs dispositions du code des pensions, les « cartes de l’espèce » ne peuvent être délivrées qu’aux conjoints et descendants (puisqu’elles visent essentiellement à octroyer lesdites pensions).

Les noms de Marcel et de Jeanne Wolff sont inscrits sur le monument dédié Aux Israélites Vosgiens, victimes de la barbarie nazie, placé à l’entrée du cimetière Saint-Michel à Épinal, chef-lieu du département.

Leurs noms sont également inscrits sur le Monument aux morts d’Épinal, face à la préfecture : Marcel Wolff est désigné comme “militaire” sans autre précision, et sa sœur, Jeanne Wolff, comme “victime civile”.

Enfin leurs noms – avec leurs années de naissance – sont également inscrits sur le Mur des noms du Mémorial de la Shoah, 17 rue Geoffroy-l’Asnier à Paris 4e, mais sur des dalles différentes correspondant à l’année de leur déportation (Marcel y est inscrit sous le prénom « Marc »).

Le Mémorial de la Shoah. À gauche, dans son état en 2011, le panneau du Mur des noms pour les déportés de l’année 1942 avec les « noms modifiés et identifiés depuis l’achèvement du mur » (janvier 2005). De nombreux otages juifs du convoi du 6 juillet 1942 y ont été ajoutés ensuite… Photo Mémoire Vive.

Mémorial de la Shoah. À gauche, dans son état en 2011, le panneau du Mur des noms pour les déportés
de l’année 1942 avec les « noms modifiés et identifiés depuis l’achèvement du mur » (janvier 2005).
De nombreux otages juifs du convoi du 6 juillet 1942 y ont été ajoutés ensuite… Photo Mémoire Vive.

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Notes :

[1] Après trois jours et trois nuits de trajet, le convoi n° 61 arrive à Auschwitz-Birkenau le 30 octobre 1943, où 284 hommes sont sélectionnés pour les travaux forcés et tatoués des numéros 159546 à 159829. Le lendemain, 31 octobre, 103 femmes sont sélectionnées pour les travaux forcés et tatouées des numéros 66451 à 66553. Les 613 déportés restants sont gazés dès leur arrivée.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 380 et 423.
- Archives départementales des Vosges, archives en ligne : état civil d’Épinal, registre des naissances de l’année 1897 (10NUM102946/4E162/75), acte 486 (vue 3/30).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registre d’appel avec la liste des détenus décédés (Verstorben Häftlinge).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1361 (19358/1942).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : dossier de Wolff Marcel (21 P 693 431), recherches de Ginette Petiot (message 02-2017).
- Site de Yad Vashem, convoi n° 61 : https://deportation.yadvashem.org/?language=fr&itemId=5092633.
- Site Mémorial GenWeb, 88-Épinal  : relevé n° 2257 par René Lehimas (2000-2002) relevé n° 33094 par Martine Mangeolle et Jacky Vinière, mis en ligne fin 2006.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 18-06-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.