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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Marcel, Francis, Eugène, Thibault naît le 22 novembre 1898 à Rochefort-sur-Loire (Maine-et-Loire), fils de Louis Thibault, 35 ans, tonnelier, et de Marie Bourgeois, son épouse, 28 ans. Marcel a – au moins – un frère, Ernest, né le 8 mars 1900, et une sœur, Carmen, née le 10 novembre 1902, tous deux à Rochefort-sur-Loire.

Alors qu’il vit encore chez ses parents, il commence à travailler comme cordonnier.

Le 12 février 1917 à Angers, Marcel Thibault s’engage volontairement pour quatre ans comme soldat de 2e classe au 118e régiment d’artillerie lourde hippomobile. Le 24 juin suivant, il « part aux armées » (8e corps) avec le 1er groupe de “105 L.” (canons de moyen calibre), en position au bois de Thuisy, en Champagne (Marne).

Artillerie lourde française, mise en batterie d’une pièce de 155 long. Carte postale, collection mémoire Vive.

Artillerie lourde française, mise en batterie d’une pièce de 155 long.
Carte postale, collection mémoire Vive.

Le 28 octobre 1919, il passe au 25e régiment d’artillerie (de campagne ?). Le 1er janvier 1920, il est évacué sur l’hôpital de Mourmelon-le-Grand (Marne), entouré d’un grand camp militaire. Le 12 février 1921, il est démobilisé, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Début juillet 1921, il habite chez Madame Galais, au 63 rue Deslandes à Tours (Indre-et-Loire).

Le 10 septembre 1921 à Rochefort-sur-Loire, Marcel Thibault se marie avec Yvonne Henriette Venon, laquelle décède prématurément le 14 décembre 1923.

À la mi 1925, domicilié au 31 rue Bouilly à Tours, dans le quartier de la Fuye entre la Loire et le Cher, Marcel Thibault travaille comme ouvrier des Postes, Télégraphes et Téléphone.

Le 2 juillet de cette année, à Richelieu (Indre-et-Loire), il épouse en secondes noces Albertine Marie Honoré, 20 ans, née le 5 janvier 1905 dans cette ville. Son épouse vient habiter avec lui. Ils ont un fils, Jacques, né en 1922 à Tours.

Début janvier 1928, la famille s’installe au 29 rue Roquet-de-Patience – une impasse montant derrière le jardin des Cordeliers – à Laval (Mayenne).

Marcel Thibault est agent des lignes (monteur ?) aux PTT.

Laval. À gauche, la Poste sur la place de la mairie. Carte postale envoyée en 1949. Collection Mémoire Vive.

Laval. À gauche, la Poste sur la place de la mairie.
Carte postale envoyée en 1949. Collection Mémoire Vive.

C’est un militant syndical et communiste.

En 1934, Marcel Thibault est secrétaire de la commission exécutive du comité antifasciste de Laval (Mayenne), créé à la suite du meeting commun du 12 février et regroupant les organisations de gauche et les syndicats.

Le 5 mai 1935, il est candidat aux élections municipales de Laval sur la liste du Parti communiste (564 voix sur 5668 suffrages exprimés).

Il milite activement pour l’unité d’action contre les décrets-lois. En 1936, il succède à Albert Brossaud au secrétariat de la section mayennaise de la Fédération postale. En avril, il est candidat sans succès aux élections législatives dans la première circonscription de Mayenne (seulement 86 voix sur 13 906 inscrits).

En 1936 et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 38, rue Saint-Jean à Laval. En 1936, elle compte également Félix Honoré, père d’Albertine, 58 ans, boulanger chez Besnard.

En 1937, il est secrétaire de la section communiste locale. À partir de mars, il s’occupe activement du Comité d’accueil aux enfants d’Espagne. Le 10 octobre 1937, il est candidat sans succès au Conseil général dans le canton de Laval-Ouest.

Le 21 février 1941, pour un motif restant à préciser, Marcel Thibault est arrêté à Laval par la police française, suspendu de ses fonctions aux P.T.T. dès le lendemain, puis libéré le 17 mai suivant (est-il ensuite réintégré ?).

Le 24 juin 1941, il est arrêté de nouveau pour distribution de tracts communistes et anti-allemands, de nouveau (?) suspendu de ses fonctions aux P.T.T., interrogé sur place durant 16 jours, puis est transféré à la prison de Rennes (le 10 juillet).

Il est finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments
du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marcel Thibault est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46139 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Marcel Thibault est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À la mi-août 1943, Marcel Thibault est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, Marcel Thibault est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.

Le 28 août 1944, il est dans le petit groupe de trente-et-un détenus dont vingt-neuf “45000” transférés au KL [1] Flossenbürg (Haut-Palatinat bavarois, proche de la frontière tchèque) et enregistrés dans ce camp le 31 août (M. Thibault : matricule n° 19889).

Le 25 octobre suivant, il est transférés au KL Mauthausen (matricule n° 108785). Le 26 janvier 1945, Roger Pélissou et Marcel Thibault sont transférés à Gusen-II, Kommando de Mauthausen pour l’aménagement d’une usine souterraine d’armement, où ils arrivent le 1er février.

Marcel Thibault meurt d’épuisement le 15 mai 1945 (avant son rapatriement, dans le camp libéré, selon Cl. Cardon-Hamet ; à son retour en France selon le Maitron). Cette année-là, le 14e congrès de l’Union départementale CGT de Mayenne le nomme « membre d’honneur ».

Marcel Thibault est le seul “45000” domicilié en Mayenne lors de son arrestation.

Son nom est inscrit sur la plaque commémorative apposée sur la façade de la Poste, place Mendes-France, « 1939-1945, hommage du personnel des PTT à ses morts ».

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 2-09-2000).

Notes :

[1] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

 

Sources :

- Jacques Omnès, notice in Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières 1990-1997, CD-rom version 3.61, citant : Arch. Dép. Mayenne, 1 W 467, 2758, 2922, 3 M 2810, 2826 – La Mayenne laïque, mai 1934 – Le Travailleur unitaire, juin 1934 – La Vigie postale de l’Ouest, mai 1936 – Les Nouvelles mayennaises, 21 mars 1937, 29 juillet 1945.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 310 et 311, 346 à 348, 367 et 421.
- Site MémorialGenWeb, relevé n° 51723 par Claude Richard (01/2011).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 20-10-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.