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Géraud, Justin, Jean, Tardieu naît le 10 février 1905 à Paris 14e, chez ses parents, Jean Marie Tardieu, 45 ans, boulanger, et  Marie Bonnafous, 36 ans, couturière, domiciliés au 34 rue Pierre-Larousse.

Pendant un temps, Géraud Tardieu habite chez ses parents, alors domiciliés sentier du Val-Robert, à Fontenay-aux-Roses (Seine / Hauts-de-Seine), et commence à travailler comme boulanger.

Le 10 mai 1925, il est incorporé au 61e régiment d’artillerie de campagne hippomobile. Mais, le 7 juillet suivant, la commission de réforme de Metz le réforme temporairement n° 2  pour « instabilité cardiaque avec accélération au moindre effort chez un obèse ». Il est aussitôt « renvoyé dans ses foyers ». En avril 1926, la 3e commission de réforme de la Seine le classe “service auxiliaire” pour « faiblesse légère du myocarde, obésité précoce ». Le 8 juillet suivant, il est rappelé à l’activité militaire à la 22e section de commis et ouvriers d’administration (COA). Mais, le 3 août, la même commission prononce de nouveau sa réforme temporaire pour les mêmes motifs de santé. En mai 1928, cette commission prononce une réforme « définitive »…

Géraud Tardieu devient ouvrier du Livre. Le 3 janvier 1937, il entre comme clicheur à l’imprimerie du Journal Officiel, 33, quai Voltaire à Paris 7e. Militant au Syndicat du Livre CGT, il y est élu délégué du personnel, la direction ne lui connaissant qu’une activité syndicale.

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Géraud Tardieu au travail, nettoyant un cliché “plomb” de
rotative. Coupure d’un journal édité à la fin novembre 1938.
Collection José Martin.

Adhérent au PCF en 1936, Géraud Tardieu aurait effectué un voyage en URSS, selon une note de Roger Arnould. Il participe aux activités pour la défense de l’Espagne républicaine contre la rébellion du général Franco.

À partir de 1938 et jusqu’au moment de son arrestation, Géraud Tardieu est domicilié au 23, rue Roger-Salengro à Montrouge [1] (Seine / Hauts-de-Seine).

Le 16 janvier 1940, la 3e commission de réforme de la Seine le classe bon pour le service armé en raison de son « bon état général » ; il est peut-être rappelé à la 22e COA…

Le 22 février 1941, à la mairie de Montrouge, il épouse Charlotte Héloïse Pompon, née le 19 avril 1903 à Paris 14e, coupeuse en chaussures, divorcée sans enfant ; eux-mêmes n‘en auront pas.

Le 7 mai 1941, Géraud Tardieu est surpris sur la voie publique par les agents du commissariat de police de la circonscription de Montrouge, en flagrant délit de distribution de tracts communistes. Il oppose « une résistance énergique » à cette interpellation, jetant ses imprimés à la face des policiers : vingt exemplaires de L’Humanité clandestine titrant « Vive le 1er mai », un numéro de La Vie Ouvrière et deux tracts intitulés « La vérité sur l’Union des Républiques socialistes soviétiques ».

Puis les policiers se rendent à son domicile pour y effectuer une perquisition au cours de laquelle sont découverts plusieurs tracts, journaux et brochures « de même nature » : dix-huit exemplaires du numéro spécial de La Vie Ouvrière de mars 1941, huit tracts intitulés Pour le salut du peuple de France, une brochure Jeunesse de France, deux brochures Le parti communiste a 25 ans, un Cahier du bolchévisme du 1er trimestre 1941, six brochures Histoire du parti communiste de l’URSS, diverses brochures intitulées Révolution et contre-révolution au 20e siècle, Vers la réalisation du communisme (cours n° 3), Staline, « le tout enveloppé dans un imperméable [que Charlotte Tardieu] avait tenté de soustraire aux recherches des policiers en le cachant sur le rebord extérieur de la fenêtre des WC ».

Celle-ci est également arrêtée et le couple est « mis à la disposition » de la brigade anticommuniste du commissariat. Le 8 mai, inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939 (propagande communiste), les époux Tardieu sont conduits au dépôt de la préfecture de police, à la disposition du procureur de la république. Après leur passage devant celui-ci, Géraud est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé, à Paris 14e.

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée.
(montage photographique)

Le 5 juillet, trois prévenus comparaissent devant la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine, lequel condamne Géraud Tardieu à 8 mois d’emprisonnement. Son épouse est condamnée à 4 mois de prison avec sursis.

Géraud Tardieu est successivement transféré à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne), puis à la Maison centrale de Clairvaux (Aube).

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Le 13 février 1942, le préfet de l’Aube reçoit des autorités d’occupation l’ordre le faire transférer avec cinq autres détenus – tous futurs “45000” – au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Ce transfèrement a probablement lieu le 23 février, comme pour Roger Le Bras.

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol. Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol.
Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Après sa propre libération, Monique Tardieu est entrée dans la clandestinité, devenant agent de liaison du PCF et vivant dans une planque du 13e arrondissement.

Elle sort clandestinement du camp de Compiègne beaucoup de messages confiés par des camarades de son mari, notamment ceux d’Angel Martin, de Vitry-Sur-Seine, dans la famille duquel elle va dîner.

Entre fin avril et fin juin 1942, Géraud Tardieu est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 5 juillet, Géraud Tardieu écrit une dernière lettre qui parviendra à ses proches.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Géraud Tardieu est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46128, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Géraud Tardieu se déclare également sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Géraud Tardieu.

Il meurt à Auschwitz le 27 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Son nom est inscrit (ses prénoms étant réduits aux initiales) sur une des plaques dédiées « aux Montrougiens morts pour la France… », situées dans le hall de la mairie.

Fin 1950, sa veuve complète et signe un formulaire du ministère des Anciens combattants et Victimes de guerre (ACVG) pour demander l’attribution du titre de Déporté Résistant à son mari.

Vers novembre 1953, certainement déboutée de sa demande initiale, sa veuve complète et signe un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’attribution du titre de Déporté politique. Le 20 octobre 1954, la carte DP n° 11750 3436 lui est attribuée. Le 13 juin 1960, lui est délivré la carte de Combattant volontaire de la Résistance (n° 1018769).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 28-10-1999).

Notes :

[1] Montrouge : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes industrielles de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 383 et 421.
- Informations réunies par José Martin, frère d’Angel Martin, de Vitry-sur-Seine, pour Roger Arnould (voir dédicace ci-dessous).
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : registre des naissance du 14e arrondissement, année 1905 (14N 368), acte n° 1276 (vue 18/31) ; registres matricules du recrutement militaire, classe 1925, 3e bureau de la Seine (D4R1 2559), n° 1373.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 741-28157) ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 1509-77981).
- Archives de Paris : registre du greffe du Tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 5 juin au 22 septembre 1941 (D1u6-5857).
- Archives départementales de l’Aube, site internet : (310W114).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1237 (37561/1942).
- Site Mémorial GenWeb, 92-Montrouge, relevé de Claude Richard (08-2006).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 10-10-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.