Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Marcel Starck (parfois orthographié STARK) naît le 12 juin 1901 à Paris 11e arrondissement, fils de Jacob Starck, 26 ans, ébéniste,, célibataire, domicilié 113, rue de Montreuil. Pour l’inscription du nouveau-né à l’état civil – sur un acte de reconnaissance établi le 18 juin, alors que l’acte de naissance n’avait pas été établi – les témoins sont Jean Starck, 56 ans, et Philippe Starck, 21 ans, respectivement père et frère de Jacob, tous deux ébénistes et domiciliés au 127, rue de Montreuil ; la mère de Marcel, Alexandrine Multier, 28 ans, “journalière”, n’y est pas mentionnée.

Le 11 mars 1907, son père, âgé de 32 ans, domicilié au 268, rue Étienne-Marcel à Bagnolet (Seine / Seine-Saint-Denis) décède à l’hôpital Tenon (Paris 20e).

Le 23 juillet 1919, sa mère, âgée de 47 ans, et habitant avec lui au 83, rue de la Réunion (Paris 20e), décède à l’hôpital Saint-Antoine (Paris 12e).

À l’approche de ses vingt ans, Marcel Starck n’a pas de tuteur. Pendant un temps, il habite encore au 83, rue de la Réunion et commence à travailler comme tourneur sur métaux.

Le 9 avril 1921, il est affecté au 21e régiment d’infanterie afin d’y accomplir son service militaire. Du 2 juillet au 15 septembre suivant, il participe à l’occupation de la Ruhr, en Allemagne, avec son unité ; puis, de nouveau, du 9 février au 15 mai 1923. Le 30 mai, il est “renvoyé dans ses foyers”, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Le 7 juillet 1923, à la mairie du 20e arrondissement, Marcel Starck se marie avec Lucienne Marcelle Egloff, née le 16 octobre 1902 à Paris 11e (peut-être une cousine par son père). Mais ils se sépareront.

À une date restant à préciser, il commence à fréquenter Marie Faure, née le 18 mai 1904 à Saint-Étienne (Loire), bobineuse, domiciliée au 77, rue d’Avron à Paris 11e.

Le 1er novembre 1930, leur fils René, Marcel, naît au 24, rue Trousseau (Paris 11e).
Un mois et demi plus tard, le 13 décembre, le premier mariage de Marcel Starck est dissous par jugement de divorce rendu par défaut par le tribunal civil de la Seine au profit de l’épouse.
En avril 1931, Marcel Starck habite au 40, rue de Turcy à Fontenay-sous-Bois (Seine / Val-de-Marne). L’année suivante, il loge au 13, rue Nungesser dans cette commune. Vit-il avec Marie Faure et leur fils ?
Le 13 février 1932, il reconnaît son fils René à la mairie du 11e arrondissement ; Marie Faure le reconnaîtra dans cette mairie le 22 août 1936 (?).

Le 4 février 1933, Marcel Starck entre comme chef d’équipe aux usines Renault de Boulogne-Billancourt (Seine / Hauts-de-Seine – 92).

Boulogne-Billancourt, place Jules-Guesde, entrée des usines Renault. Collection Mémoire Vive.

Boulogne-Billancourt, place Jules-Guesde, entrée des usines Renault. Collection Mémoire Vive.

Marcel Starck est membre du Syndicat des agents de maîtrise, filiale du Syndicat des Métaux de la région parisienne (CGT) et sera considéré par ses employeurs comme « sympathisant communiste ».

En octobre 1933, Marcel Starck habite au 32, rue Lecourbe à Clamart (92) ; seul ?

Vers 1936, il se met en ménage avec une nouvelle compagne, Olga D., née le 9 janvier 1912 à Ath (Belgique), naturalisée française, elle-même séparée de son mari, et ayant déjà de celui-ci un enfant, né vers 1933 et élevé par les grands-parents. René, le fils de Marcel Starck, vit alors avec sa mère.

En novembre 1937, Marcel Starck loge au 85, rue des Martyrs, à Paris 18e.

Au moment de son arrestation, il est domicilié avec sa compagne au 4, rue Burq, à Paris 18e, vers la rue des Abbesses.

Le 24 novembre 1938, Marcel Starck est renvoyé des usines Renault pour sa participation au mouvement national de grève organisé afin de protester contre l’abandon des acquis du Front Populaire.

Du 16 décembre suivant jusqu’à son arrestation, il est ouvrier aux établissements Ragonot, Construction électrique mécanique, sis 13, rue de Montrouge (boulevard Gabriel Péri), à Malakoff [1] (Seine / Hauts-de-Seine), fabrique de moteurs électriques pour toutes sortes de machines.

À la suite de la mobilisation, Marcel Starck est affecté pendant deux mois au 405e régiment de pionniers, à Blois (Loir-et-Cher). Puis, le 26 octobre 1939, il est réintégré comme “affecté spécial” dans son entreprise, considérée alors comme produisant pour la Défense nationale.

Début août 1941, la brigade de gendarmerie de Malakoff est « informée » (probablement une lettre de dénonciation) qu’un individu demeurant au 1, avenue Jules-Ferry à Malakoff détient des tracts communistes, notamment des exemplaires de L’Humanité clandestine, qu’il remet à Roger B., tourneur, 31 ans, Gaston G., tourneur, 42 ans, et Marcel Starck, ouvriers de l’usine Ragonot, afin qu’ils en assurent la diffusion.

Le 11 août 1941, la surveillance effectuée par les gendarmes (« revêtus de leur uniforme » ?), leur permet de procéder à l’arrestation de Fernand Treich, 36 ans, en flagrant délit de transport et de détention de tracts. Interrogée, la direction de Ragonot leur « donne la certitude » que les trois autres ouvriers sont « reconnus comme militants du Parti communiste ».

Le même jour, les trois hommes sont arrêtés sur leur lieu de travail par trois gendarmes. Aucun tract n’est alors trouvé dans leurs affaires ni dans leurs casiers.

Lors de la perquisition opérée au domicile de Marcel Starck en sa présence sont découverts un exemplaire d’une « feuille spéciale » de La Vie ouvrière, journal de la CGT clandestine, datée de mai 1941, deux brochures consacrées l’une à la Constitution de l’URSS, l’autre à sa littérature, ainsi que les photographies de Marcel Cachin, Léon Blum et Maurice Thorez. Lors de son interrogatoire à la brigade, Marcel Starck déclare d’abord : « Je ne fais partie d’aucun groupe politique. Jamais je n’ai distribué de tracts au personnel de l’usine Ragonot. L’opuscule La Littérature m’a été donné à l’usine Renault en 1937, par un camarade que je ne connais pas. Le livre Constitution, je l’ai acheté au Marché aux Puces de Saint-Ouen en 1938. La feuille spéciale de La Vie Ouvrière m’a été remise à la station de métro Vanves en mai 1941. »

Fernand Treich et Marcel Starck ont pu être amenés à se connaître auparavant : ils sont entrés aux usines Renault la même année et ils en ont été licenciés tous deux à la suite de la grève de novembre 1938. Ils ont pu ensuite se retrouver aux établissements Ragonot, où Starck travaillait déjà et où Treich a été employé du 3 février 1939 jusqu’à son licenciement le 10 juin 1940 « en raison de ses opinions extrémistes ». [2]

Interrogé, Gaston G. déclare : « Les deux brochures [L’État et la révolution, et Le Parti bolchevik en lutte pour activer la construction de la société socialiste…] que vous avez trouvées chez moi m’ont été vendues par Starck à l’atelier. J’ai acheté celles-ci dans un but d’humanité, Starck disant que l’argent provenant de cette vente était destiné aux familles des emprisonnés politiques… ». Confronté à Gaston G., Marcel Starck reconnaît lui avoir remis un opuscule, mais sans le faire payer, « à titre de propagande ».

Interrogé à son tour, Roger B. – embauché chez Ragonot seulement depuis février 1941 – déclare : « L’opuscule que vous avez trouvé chez moi [Le parti bolchevik en lutte… constitution] m’a été remis un jour que je me trouvais au marché de la Convention à Paris avec ma femme. Un individu que je ne connais nullement m’a abordé en me disant : “On ne fait rien pour la solidarité avec les gosses”. Je lui ai alors remis la somme de un franc. Quant au livre [L’agonie du capitalisme], il m’a été remis il y a trois ou quatre ans environ par un camarade ; je ne me rappelle même plus de son nom. La feuille L’Humanité n° 119 de juin 1941 m’a été remise il y a quelque temps à la sortie du métro Pasteur par un inconnu. Je ne connais pas Treich et je n’ai jamais entretenu de relations avec cet homme, et ne fais pas partie du Parti communiste. »

Les gendarmes téléphonent ensuite au procureur de la République, qui leur prescrit de mettre leurs trois suspects en état d’arrestation pour infraction au décret du 26 septembre 1939. Ceux-ci sont alors placés dans la chambre de sûreté de la caserne en attendant le passage de la voiture cellulaire qui doit les conduire à disposition du procureur.

Les trois hommes sont ensuite écroués à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

À la suite de ces arrestations, un “Comité populaire” diffuse un tract à l’intérieur de l’usine : « Dans l’après-midi du 11 août, à l’atelier des tours, un capitaine de gendarmerie, assisté d’inspecteurs en civil, est venu arrêter trois ouvriers. Ce sont René B., père de trois enfants, G., père de trois enfants, trésorier du syndicat, et Marcel Starck. Quels crimes avaient-ils commis ? Ils sont accusés, sans l’ombre d’une preuve, d’avoir participé à la diffusion d’un journal dévoilant le scandale du marché noir à l’intérieur de l’usine. Ouvriers, ouvrières ! De toutes opinions, vous ne permettrez plus que l’on vienne arrêter vos camarades à leur tour, à leur établi, sans protester, sans les défendre. Déjà, dans de nombreux endroits, de telles actions ont porté leurs fruits. Les policiers ont dû lâcher leurs proies. La force de l’occupant n’est faite que de votre désunion et de la servilité d’une poignée de traitres indignes du nom d’homme. Groupez-vous dans votre “Comité Populaire”, aidez par tous les moyens vos camarades emprisonnés, leurs femmes et leurs enfants. Tous unis dans un “Front national” pour l’indépendance de la France, nous chasserons les brutes fascistes et leurs auxiliaires qui déshonorent la France et les Français. »

Le 5 novembre, les trois hommes sont relaxés par la Justice – très probablement faute de charges suffisantes – mais ils ne sont pas relâchés pour autant : dès le lendemain, le préfet de police signe pour chacun un arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939. Ils sont probablement conduits au Dépôt de la préfecture de police en attendant leur transfert.

Le 10 novembre 1941, tous trois font partie d’un groupe de 58 militants communistes transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne).

Le 8 avril 1942, Olga D. écrit à un préfet (celui de la Vienne ?), afin de solliciter la libération de Marcel Starck, « ses deux compagnons […] furent touchés par une demande de libération qu’ils ont émargée, et mon compagnon de vie ne fut pas touché par cette faveur. Espérant toujours le retour, dans ces moments difficiles, pour nous permettre de nous régulariser notre situation ».

Le 27 avril, le ministre secrétaire d’État à l’Intérieur écrit au préfet de police pour lui indiquer que son attention a été attirée sur Marcel Starck, en lui demandant de lui « faire connaître, d’urgence, les raisons de la décision prise à l’encontre de l’intéressé, ainsi que votre avis sur l’opportunité d’une mesure de clémence à son égard » (formule administrative stéréotypée). Le 27 mai suivant, le préfet transmet en retour une notice biographique établie par les Renseignements généraux et s’achevant par « la libération de Starck ne semble pas devoir être envisagée pour le moment », le préfet concluant lui-même par : « J’estime inopportune, dans les circonstances actuelles, la libération de ce détenu » (autre formule administrative stéréotypée).

Entre temps, le 22 mai, Marcel Starck a fait partie d’un groupe de 148 détenus (pour la plupart déportés avec lui) [3] remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Marcel Starck est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marcel Starck est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46118 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Marcel Starck est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».
« Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Il meurt à Auschwitz le 13 janvier 1943, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher). Selon Marcel Cimier, il attend avec lui la visite de consultation devant le Block 28 un matin après le départ des Kommandos quand ils sont encerclés par des gardiens SS pour une sélection “surprise”. Le major SS oriente Marcel Starck vers un groupe qui comptera finalement près de 300 détenus. « Dix minutes après, des camions découverts à benne basculante arrivaient où tous les internés du côté opposé au mien furent obligés d’y monter à coups de matraques et ce fut la direction Birkenau, Block 7 (block d’attente pour passer à la chambre à gaz) ».

Départ en camion pour la chambre à gaz. Dessin de François Reisz, in Témoignages sur Auschwitz, 1946, page 149. Coll. Mémoire Vive.

Départ en camion pour la chambre à gaz.
Dessin de François Reisz, in Témoignages sur Auschwitz, 1946, page 149. Coll. Mémoire Vive.

Le 21 mars 1946, Marie Faure, épouse M., « mère et tutrice », domiciliée au 32, rue Lacombe à Clamart (92), remplit, au nom du père de son fils, une fiche de renseignement sur un déporté.

Le 15 novembre suivant, René Starck, âgé de 17 ans, remplit un formulaire du ministère des Anciens combattants et victimes de guerre (ACVG) en vue d’obtenir la régularisation de l’état civil d’un « non-rentré ».

Le 25 novembre, Lucien Penner, de Vanves (92), rescapé du convoi, complète et signe un formulaire à en-tête de l’Amicale d’Auschwitz-FNDIRP, par lequel il certifie que Marcel Starck est décédé au camp d’Auschwitz à la date du… « septembre 1942 ».

Le 28 janvier 1947, l’officier de l’état civil alors en fonction au ministère des ACVG dresse l’acte de décès officiel de Marcel Starck « sur la base des éléments d’information figurant au dossier du de cujus, qui nous a été présenté ce même jour » (en l’occurrence l’attestation de L. Penner) et en fixant la date à « septembre 1942 ».

Le 23 septembre 1961, René Starck remplit un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’attribution du titre de déporté politique à son père. À la rubrique à remplir pour mentionner les enfants vivants et reconnus nés du déporté, il inscrit son nom et biffe les lignes suivantes en y inscrivant « seul enfant » en grosses lettres capitales (afin de bien signifier qu’il ne saurait y avoir d’autre bénéficiaire). Dans sa séance du 25 septembre 1963, la commission départementale des déportés politiques rend un avis favorable, suivie par le ministère qui notifie sa décision au demandeur le 14 octobre suivant (carte n° 1175.17096).

La mention “Mort en déportation” est apposée en marge de l’acte de décès de Marcel Starck (JORF du 6-05-2003).

Notes :

[1] Malakoff : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Fernand Treich comparaît le 1er décembre 1941 devant la section spéciale de la Cour d’appel de Paris, qui le condamne à dix ans de travaux forcés pour « activité ayant pour but de propager les mots d’ordre de la IIIe Internationale ». Le 4 décembre, il est écroué à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne). Plus tard, il est transféré à la Maison centrale de Fontevrault (Maine-et-Loire), puis à celle de Blois (Loir-et-Cher) ; cellule 75. Au cours du mois de février 1944, il est remis aux autorités d’occupation qui le transfèrent à Compiègne. Le 28 février, il est déporté dans un convoi “NN” de 49 hommes arrivé le lendemain à Sarrebruck (camp de Neue Bremm). Le 23 mars, tous sont dirigés vers le KL Mauthausen où ils arrivent trois jours plus tard ; Fernand Treich y est immatriculé sous le matricule n° 60763. Transféré ensuite au KL Flossenburg, il est affecté au Kommando de Zschachwitz, créé en novembre 1944 près de Pirna, sur l’Elbe, au sud-est de Dresde. Le 17 juin 1945, après avoir été libéré, Fernand Treich décède à Prague (République tchèque). Source : Livre-Mémorial de la Déportation, I.182, pages 230-232.

[3] Gaston G. n’est pas choisi par les autorités d’occupation le 22 mai 1942 pour être transféré de Rouillé au camp de Royallieu à Compiègne. Le 31 octobre suivant, il est transféré au CCS de Voves (Eure-et-Loir). Maurice Foulon – ex-premier adjoint de Pierre Laval, maire d’Aubervilliers, ex-sous-secrétaire d’État au Travail et à la Prévoyance sociale en 1931 dans les gouvernements de Pierre Laval, ex-sous-secrétaire d’État à l’Intérieur en 1932 – intervient en sa faveur. Le 12 mars 1943, avec l’accord du préfet de police, le préfet d’Eure-et-Loir rapporte la mesure d’internement prise à l’encontre de Gaston G. Au préalable, celui-ci doit signer un « engagement d’honneur de se rallier à l’ordre social nouveau et de respecter l’œuvre et la personne du Maréchal Pétain, chef de l’État ». Par la suite, il ferait partie du groupe de résistance “Honneur de la police” (dans quel contexte ?).
Roger B. n’est pas non plus transféré à Compiègne. Son épouse et lui multiplient les courriers auprès de diverses autorités. « … je vous l’affirme de toutes mes forces, Monsieur le Préfet, je ne suis pas, je n’ai jamais été et ne serai jamais un communiste », « … je n’éprouve aucune sympathie pour ce parti, au contraire. J’ai été syndiqué de 1936 à 1939, puis en 1941 au syndicat légal, reconnu par le gouvernement du Maréchal et purgé de ses éléments perturbateurs. […] j’ai toujours protesté contre la mainmise des éléments communistes sur le Syndicat des Métaux, et j’en appelle au témoignage de mon ami G. Gaston […], avec lequel j’ai eu l’occasion de travailler en 1937 et qui a lutté avec moi contre l’ingérence communiste. Je me désolidarise complètement de Marcel Starck, arrêté le même jour que moi, que je ne connaissais que de vue et avec lequel je n’avais aucune relation amicale ou autre. […] Je tiens à déclarer que j’adhère sans réserve à la politique du Maréchal Pétain et de son gouvernement, et que je suis prêt à suivre fidèlement leurs directives. Et cela, je le jure sur la mémoire de mon père [mort au champ d’honneur le 3 octobre 1918] ». Le 3 mai 1943, finalement, le préfet de police écrit au préfet de la Vienne pour lui faire connaître qu’il ne s’oppose pas à la libération du nommé B. « qui paraît animé de bonnes résolutions à l’égard des institutions nouvelles ». Cependant, il faut encore attendre l’avis de la Commission de révision des internements administratifs, laquelle se montre favorable à cette libération le 18 juin. Le 19 août, le préfet de la Vienne envoie un télégramme au préfet de police pour lui faire savoir qu’il a libéré conditionnellement pour trois mois Roger B., astreint à résidence à son domicile avec obligation de se présenter aux Renseignements généraux dès son retour. Roger B. retrouve alors son emploi chez Ragonot. Le 14 décembre 1943, le préfet de police rapporte définitivement l’arrêté d’internement de Roger B., libération qui lui est notifiée quatre jours plus tard lors d’une convocation à la direction des RG.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 374 et 420.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (dossier individuel – fichier central).
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : extrait du registre des naissances du 11e arrondissement à la date du 18-06-1901 (V4E 9291), acte n° 2603 (vue 3/31).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 47-25621) ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 1762-107578).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 171.
- Marcel Cimier, Les incompris, souvenirs présentés par Béatrice Poulle, conservateur aux Archives départementales du Calvados, Les cahiers de Mémoire : déportés du Calvados, textes publiés par le Conseil Général du Calvados, 1995, p. 97.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1164 (1746/1943).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen ; dossier de Starck Marcel (21 P 540 664), recherches de Ginette Petiot (message 01-2019).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 4-02-2019)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.