Fichier:Lucien siouville.jpg

(portrait de Lucien Siouville sur le site WikiManche)

Lucien  Léon Jacques Auguste Siouville naît le 16 décembre 1908 à Saint-Lô (Manche – 50), fils de Louis Siouville, 24 ans, et d’Albertine Angèle Mahaut, son épouse.

Son père est employé de l’administration des Postes de la Manche, facteur de ville à Saint-Lô.

Le 24 août 1914, rappelé à l’activité militaire, celui-ci rejoint le 1er régiment d’infanterie coloniale. Le 19 septembre suivant, il est nommé sergent. Le 14 juillet 1915, il est tué à l’ennemi devant Vienne-le-Château.

Le 27 février 1932, Lucien Siouville se marie avec Renée Madeleine Alice Defrance, née le 23 septembre 1907 à Cherbourg (50),  employée de commerce, gérante d’épicerie à Octeville. Ils auront une fille née vers 1937.

Avant-guerre, Lucien Siouville habite Cherbourg (50) où il travaille à l’Arsenal comme chaudronnier.

Cherbourg. Le port militaire et les ateliers des forges de l’Arsenal  dans les années 1900. Carte Postale. Coll. Mémoire Vive.

Cherbourg. Le port militaire et les ateliers des forges de l’Arsenal
dans les années 1900. Carte Postale. Coll. Mémoire Vive.

Syndicaliste CGT, Lucien Siouville est élu délégué ouvrier à l’Arsenal.

Communiste connu, il est candidat aux municipales à Cherbourg.

Pendant la guerre, il est révoqué pour ses opinions politiques et mobilisé en avril 1940.

Après la défaite de l’été 1940, il s’évade du camp de prisonniers de guerre de Fourchambault (Nièvre). En février 1941, il retrouve le contact avec le Parti communiste clandestin grâce à André Defrance (frère de son épouse), qui organise le secteur et dont il devient l’agent de liaison. Il est membre du Front national (Résistance) à partir du mois de juillet 1941. Il trouve refuge au moulin de Gonneville près de Bricquebec (50), avec sa femme et son enfant, travaillant alors comme bûcheron et effectuant de petits travaux.

Il retrouve la liaison avec le Parti communiste clandestin grâce à André Defrance (frère de son épouse), qui organise le secteur et dont il devient l’agent de liaison.

Le 27 octobre 1941, Lucien Siouville est arrêté à son domicile par la police allemande (sa femme le sera deux jours après). Il est conduit à la prison maritime de Cherbourg, puis au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le 7 novembre suivant, Renée Siouville est internée au camp de Choisel à Châteaubriant (Loire-Inférieure / Loire-Atlantique) sur un arrêté pris le 30 octobre par le sous-préfet de Cherbourg. Le 4 avril, elle est interrogée sur place par le chef de camp : « Résolution de l’intéressée à l’égard du gouvernement de la libération nationale en cas de libération. – Je continuerai comme par le passé. […] Avis du chef de camp (mentionner lors de l’envoi du procès-verbal ) : Assez bonne conduite. Il a gardé un mutisme extraordinaire au cours de cette déclaration, il m’a fallu lui arracher les mots. » Le 12 mai 1942, elle est transféré au camp français d’Aincourt (C.I.A.) en Seine-et-Oise, alors vidé de ses internés masculins. Mais elle est libérée le 26 juin suivant par le préfet de Seine-et-Oise, en vertu d’une instruction ministérielle, après avoir dû s’engager « sur l’honneur à se rallier au nouvel ordre social, et à respecter l’œuvre et la personne du Maréchal de France, chef de l’État. » Cette libération est décidée au désagrément du commandant de ce camp – le commissaire spécial Andrey – qui note qu’elle « avait été particulièrement remarquée par son attitude franchement hostile envers les surveillantes. De plus, il est certain que Madame Siouville est restée foncièrement communiste et se trouvait toujours en compagnie des internées restées soumises aux directives du Parti communiste de la IIIe Internationale. Elle était même considérée comme une des détenues les plus attachées à ce parti. Je pense qu’il serait souhaitable que sa conduite soit surveillée… ». Elle se retire au 145 rue de la Polle à Cherbourg.

Entre fin avril et fin juin 1942, Lucien Siouville est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Lucien Siouville est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46106 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Lucien Siouville.

Il meurt à Auschwitz le 30 octobre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Il est reconnu comme « Déporté-Résistant ».

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 366 et 420.
- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’associationMémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice par Cl. Cardon-Hamet, page 129.
- site Wikimanche.
- http://beaucoudray.free.fr/1940.htm
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1120 (38051/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 11-06-2022)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.