Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

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Ernest, Frédéric, Rossignol naît le 25 décembre 1910 au village d’Essart-le-Vicomte (Marne), fils de Camille Rossignol, 31 ans, charretier chez un propriétaire agricole, et de Marie Pingot, son épouse, 29 ans, dans une famille qui compte déjà trois enfants.

Pendant un temps, Ernest Rossignol habite au 50, boulevard Gambetta à Issy-les-Moulineaux [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92).

Le 30 juin 1934, il épouse Anne Marie Sefrin (?), née le 15 novembre 1904 à Contwig (Palatinat). Ils ont deux enfants : Marie Jeanne, née le 25 novembre 1929, et Guy Ernest, né le 18 juin 1931.

Ernest Rossignol est rectifieur ou mécanicien.

Le 27 avril 1936, il est embauché à l’usine de la Société des Moteurs Gnome et Rhône (SMGR), sise au 70, boulevard Kellerman (Paris 13e).

L’usine Gnome et Rhône du boulevard Kellerman (Paris 13e). Carte postale colorisée des années 1920.

L’usine Gnome et Rhône du boulevard Kellerman (Paris 13e).
Carte postale colorisée des années 1920.

De 1936 à 1937, il est adhère à la cellule Victor-Hugo du Parti communiste, sur une sollicitation des camarades de son atelier, mais ne participe pas aux réunions de cellule, aux fêtes et aux manifestations.

Membre d’une société de pêche, c’est à ce loisir qu’il consacre ses dimanches en famille.

À partir du 1er juillet 1937 et jusqu’au moment de son arrestation, Ernest Rossignol est domicilié au 26, allée Hoche à Issy-les-Moulineaux. Dans le voisinage, il n’attire pas |’attention au point de vue politique.

Pendant les « hostilités », il est “affecté spécial” dans son entreprise, qui produit pour la Défense nationale.

Le 30 juin 1940, date de la fermeture de l’usine pour cause d’occupation militaire, Ernest Rossignol est porté sorti sur sa fiche d’employé avec la mention « Arnage », ce qui laisse supposer qu’il se serait porté volontaire pour rejoindre ce site de la Sarthe, où l’entreprise avait construit une usine moderne en 1938.

Au retour de l’exode, il s’inscrit au fonds de chômage d’Issy-les-Moulineaux.

Au printemps 1941, il est embauché au garage Aubry et Simonin, sis au 28, boulevard de Parc à Neuilly-sur-Seine (92).

Le 3 mai 1941, Ernest Rossignol est arrêté par les services du commissariat de police de la circonscription de Vanves (92) avec Paul Dumont, ex-conseiller municipal communiste : ils sont pris en flagrant délit sur le boulevard Gambetta à Issy-les-Moulineaux – près de chez lui – alors qu’ils reproduisent sur les murs, à l’aide d’un rouleau imprimeur en caoutchouc, la mention « Le Gouvernement du peuple fera la France Libre » (en rivalité avec la résistance gaulliste ?). Inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939, ils sont écroués le lendemain à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

Le 10 mai, la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine les condamne tous deux à dix mois d’emprisonnement.

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée.
(montage photographique)

Le 29 avril, Ernest Rossignol est transféré à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne).

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 28 juillet, la 10e chambre de la Cour d’appel de Paris réduit la peine des deux hommes à six mois de prison..

Le 20 septembre, Ernest Rossignol et Paul Dumont ne sont pas libérés, mais conduits au dépôt de la préfecture de police de Paris (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité) : le même jour, le préfet de police signe des arrêtés ordonnant leur internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939, les Renseignements généraux ayant désigné Ernest Rossignol comme un « militant communiste très actif ».

Le 9 octobre, les deux hommes sont parmi les 60 militants communistes (40 détenus venant du dépôt, 20 venant de la caserne des Tourelles) transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne) ; départ gare d’Austerlitz à 8 h 25, arrivée à Rouillé à 18 h 56.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 22 mai 1942, Ernest Rossignol et Paul Dumont font partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec eux – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, ils sont sélectionnés avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le 8 juillet 1942, Ernest Rossignol est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46071 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau – Paul Dumont est dans la moitié des membres du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

À une date restant à préciser, il est admis au Block 20 de l’hôpital d’Auschwitz-I.

Il meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement gazés [2]).

Le 26 décembre 1942, à la suite de l’abandon de plusieurs centaines de tracts sur la voie publique des communes de Clamart et d’Issy, le commissaire de police de la circonscription de Vanves opère des « visites domiciliaires » à la nuit tombante chez trois habitants d’Issy notés comme militants communistes dans les archives, dont Ernest Rossignol, perquisitions qui ne donnent aucun résultat.

Après la guerre, le nom d’Ernest Rossignol est inscrit sur le monument dédié aux 67 ouvriers de la Snecma (ex-SMGR) « Morts pour que vive la France », alors installé à l’intérieur de l’usine du boulevard Kellerman, puis déplacé dans la nouvelle usine de Corbeil (Essonne) après le déménagement de celle-ci en 1968 (nouvelle cérémonie d’inauguration le 8 novembre 1974). Avec lui figurent trois autres “45000” : Henri Bockel, Roger Desmonts et Maurice Fontès (au bas du monument est inscrit : « Et à la mémoire de tous ceux dont les noms n’ont pas trouvé place sur cette plaque », comme Lucien Godard).

Le nom d’Ernest Rossignol est également inscrit sur le monument « à la mémoire des combattants et de toutes les victimes de guerre » d’Issy-les-Moulineaux, place Bonaventure-Lecat, derrière la mairie.

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Sur une des stèles du monument d’Issy-les-Moulineaux,
les “45000” : Delbès Camille, Dumont Paul, Lacour Louis
et Rossignol Ernest. Cliché Mémoire Vive.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 2-12-1998).

Notes :

[1] Issy-les-Moulineaux : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 382 et 419.
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94), carton “Association nationale de des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes.
- Serge Boucheny, Gnome et Rhône 39-45, parcours de 67 salariés, Association d’Histoire Sociale CGT de la SNECMA, Paris 2018, pages 4, 9, 12, 28, 29,  159-160.
- Archives Départementales du Val-de-Marne : prison de Fresnes, dossier des détenus “libérés” (511w).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : carton “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 50-100590).
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1026 (31732/1942).
- Site Mémorial GenWeb : 92-Issy-les-Moulineaux, relevé de Jérôme Charraud (11-2002).
- MPLF 14-18, moteur de recherche.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 31-08-2018)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.