JPEG - 67 ko
IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Raymond Pierre L. naît le 7 septembre 1920 chez une sage-femme au 7, rue Saint-Laurent à Paris 10e, fils de Julia Anaïs Lebas, 27 ans, née en 1892 (Seine), journalière, mariée avec Henri L., 30 ans, journalier, domiciliés rue des Cités à Aubervilliers [1] (Seine / Seine-Saint-Denis). Mais, le 4 février précédent, le tribunal civil de la Seine a prononcé le jugement de divorce du couple. Puis, le 19 juin 1922, le même tribunal prononce un jugement selon lequel l’enfant est désavoué par Henri L., « qui n‘est pas son père, dont il ne pourra porter le nom, et à la famille duquel il ne peut appartenir ». Raymond prend alors le nom de famille de sa mère…

En 1936, Raymond Lebas et sa mère habitent au 94, rue de la Goutte-d’Or à Aubervilliers, chez Pierre Marie Rivoal, né le 14 novembre 1897 à Carnoët (Côtes-du-Nord [2]), manœuvre. Celui-ci a deux enfants qui portent son nom : Rolande, née en 1924, et Pierre, né en 1934, tous deux dans le département de la Seine.

Le 2 décembre 1939, à Aubervilliers, Raymond est légitimé par le mariage de sa mère avec Pierre Rivoal, dont il prend le patronyme.

Raymond Rivoal est manœuvre.

Sous l’occupation, il est actif dans le “groupe des jeunes”.

Le 10 janvier 1940, il est arrêté par les services du commissariat de circonscription d’Aubervilliers et conduit à la préfecture de police.

Raymond Rivoal est placé sous mandat de dépôt « pour participation à la reconstitution du groupement des Jeunesses communistes à Aubervilliers » avec sept autres camarades, dont Marceau Lannoy, après qu’une jeune fille de son groupe de Résistance ait parlé.

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage.
(montage photographique)

Le 19 juin 1941, les huit inculpés comparaissent devant la chambre des mineurs (15e) du Tribunal correctionnel de la Seine ; un père et quatre mères ont été convoqués à l’audience comme civilement responsables, dont la belle-mère de Raymond Rivoal. Celui-ci est condamné à six mois d’emprisonnement, mais fait appel auprès du procureur de la République. Il est écroué successivement dans les maisons d’arrêt de la Santé (Paris 14e) et de Fresnes [1] (Seine / Val-de-marne) ; quartier des mineurs ? (à vérifier…). Il est probablement libéré à l’expiration de sa peine.

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 28 avril 1942, il est arrêté à son domicile, comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine – avec le concours de la police française – et visant majoritairement des militants du Parti communiste. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le 7 mai suivant, une note allemande adressée à la préfecture de police ordonne : « Si les personnes suivantes sont encore en liberté, prière de les interner. Vous me désignerez le camp où elles auront été menées afin que l’on puisse prendre des décisions par la suite. » Parmi les onze hommes désignés figure Raymond Rivoal, ainsi qu’André Duret, de Levallois-Perret, Valentin Garreau, de Bagnolet, et Roland Pannetrat, de Paris 12e, arrêtés en même temps et qui seront déportés avec lui.

Entre fin avril et fin juin 1942, Raymond Rivoal est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Raymond Rivoal est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46062, selon les listes reconstituées (la photo d’immatriculation correspondant à ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Raymond Rivoal.Il meurt à Auschwitz à une date inconnue, probablement avant la mi-mars 1943 (l’état civil français a fixé la date du 15 février 1943 [2]). Il a 22 ans.

Son nom est inscrit sur le Monument aux morts d’Aubervilliers, situé dans le cimetière communal.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 14-12-1997).

Notes :

[1] Aubervilliers et Fresnes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Aubervilliers et Fresnes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[3] La date de décès inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 384 et 419.
- Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 5 juin au 22 septembre 1941 (D1u6-5857) ; jugement du samedi 8 février 1941 (D1u6-3719).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt (1W150), note constatant qu’il n’a pas été interné à Aincourt !
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94) : carton “Association nationale des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes.
- Archives communales d’Aubervilliers : recensement de population de 1936, Pages d’histoire d’Aubervilliers, luttes ouvrières de 1900 à nos jours, brochure éditée par le Comité de ville d’Aubervilliers du PCF.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande” (BA ?) ; archives des Renseignements généraux de la préfecture de police (consultation sur écran), brigade spéciale anticommuniste, registre des affaires traitées 1940-1941 (G B 29) ; dossier individuel des RG (77 W 1575-54890).
- Site Mémorial GenWeb, 93-Aubervilliers, relevé d’Alain Claudeville (2000-2002).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 25-05-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.