Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

 

Roger, Henri, Prévost naît le 4 février 1911 à Saint-Maur-des-Fossés [1] (Seine / Val-de-Marne – 94), chez ses parents, Auguste Prévost, 25 ans, chauffeur, et Léontine Caron, son épouse, 21 ans, blanchisseuse, domiciliés au 24, rue du Four ; la famille comptera douze enfants, au titre desquels la mère recevra un diplôme et la médaille d’argent des familles nombreuses (les parents habiteront au 18, rue Jules-Joffrin…).

Pendant un temps, Roger Prévost habite au 17, avenue Madelon à Champigny-sur-Marne [1] (94).

Le 20 avril 1932, il est incorporé au 151e régiment d’infanterie.

Le 2 septembre 1932 à Champigny, Roger Prévost se marie avec Georgette Chauvin.

Le 22 avril 1933, il est renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un certificat de bonne conduite. En novembre suivant, il habite au 12, avenue Diane, à Champigny. En mars 1934, il demeure au 19, rue du Chemin-Vert dans la même commune.

Roger Prévost est monteur électricien (déclaré comme monteur en bâtiment ou manœuvre après son arrestation).

En mars 1936, il est domicilié au 18, rue Garibaldi à Saint-Maur. En août 1937 et jusqu’au moment de son arrestation, il demeure au 18 bis, rue Béranger à La Varenne, quartier de Saint-Maur.

Le 10 septembre 1939, il est mobilisé à la 22e section d’infirmiers. N’étant pas fait prisonnier lors de la Débâcle, il retourne dans ses foyers

Le 6 décembre 1940, à 6 heures du matin, Roger Prévost est arrêté à son domicile par la police française : le préfet de police a signé un arrêté d’internement administratif en application du décret de la loi du 3 septembre 1940. Aussitôt après son arrestation, il est conduit au “centre de séjour surveillé” d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé un mois plus tôt dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan,  le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.  Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan,
le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.
Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Le 9 février, Georgette, son épouse écrit au préfet de police pour obtenir de ses nouvelles.

Le 25 mars 1941, Léontine, sa mère, alors domiciliée au 4, grande-Rue à Créteil, écrit au préfet de Seine-et-Oise pour solliciter l’autorisation de rendre visite à son fils, alors assigné à la chambre D.R. [?] Un mois plus tard, le 28 avril, faute d’avoir obtenu satisfaction, c’est au préfet de la Seine qu’elle s’adresse afin d’obtenir ce droit de visite, sans plus de résultat.

Le 5 mai 1942, après un an et demi d’internement à Aincourt, Roger Prévost fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” de Voves (Eure-et-Loir). Enregistré sous le matricule n° 405, il ne reste que cinq jours dans ce camp.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943. Musée de la Résistance nationale (MRN). Champigny-sur-Marne.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943.
Musée de la Résistance nationale (MRN). Champigny-sur-Marne.

Le 10 mai, il fait partie des 81 internés remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp vu depuis le mirador central.  Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)  Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin, Roger Prévost est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Henri Prévost est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46014 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée). Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau – Roger Prévost est dans la moitié des membres du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est assigné au Block 17.

Le 27 août, atteint par le typhus, Roger Prévost est admis au Block 20 (maladies contagieuses) de l’hôpital d’Auschwitz.

Il meurt à Auschwitz le 29 août 1942, d’après l’acte de décès du camp. Mais, ce jour-là, sous prétexte d’enrayer une épidémie de typhus dans le camp principal, le nouveau médecin SS de la garnison, Kurt Uhlenbroock, ordonne d’effectuer une sélection dans les Blocks de l’hôpital, notamment le Block 20. 746 détenus atteints du typhus et convalescents sélectionnés dans la cour fermée séparant les Blocks 20 et 21 sont chargés dans deux grands camions bâchés qui les transportent par rotation jusqu’aux chambres à gaz de Birkenau.

Départ en camion pour la chambre à gaz. Dessin de François Reisz, in Témoignages sur Auschwitz, 1946, page 149. Coll. Mémoire Vive.

Départ en camion pour la chambre à gaz.
Dessin de François Reisz, in Témoignages sur Auschwitz, 1946, page 149. Coll. Mémoire Vive.

Il s’agit de la première grande opération d’extermination des détenus malades. La désinfection du Block 20 dure dix jours ; du 29 août au 8 septembre, le registre du Block ne comporte aucune inscription.

Le nom de Roger Prévost est inscrit sur la plaque apposée dans le hall de la mairie de Saint-Maur « à la mémoire des fusillés et morts en déportation en Allemagne ».

Notes :

[1] Saint-Maur-des-Fossés et Champigny-sur-Marne : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 389 et 417.
- Archives départementales du Val-de-Marne, site internet du département, archives en ligne : registre des naissances de Saint-Maur-des-Fossés (4E 3542 1), acte n° 52 (vue 16/155).
- Archives de Paris : registres matricules du recrutement militaire, classe 1932, 4e bureau de la Seine (D4R1 3095), n° 1743.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 531-13989).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt, listes d’internés (1W76 et 1W80) ; dossier individuel du bureau politique du cabinet du préfet (1W148).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Auschwitz, camp de concentration et d’extermination, ouvrage collectif sous la direction de Franciszek Piper et Teresa Swiebocka, éd. du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau à Oświęcim, version française 1993-1998, p. 175
- Auschwitz 1940-1945, Les problèmes fondamentaux de l’histoire du camp, ouvrage collectif sous la direction de Wacław Długoborski et Franciszek Piper, éd. du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau à Oświęcim, version française 2011, volume II, pages 391 et 409-410.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 965 (26356/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus, Biuro Informacji o Byłych Więźniach ; page du registre du Block 20 ; liste de la morgue (« Leihenshalle »).
- Site Mémorial GenWeb, 94-Saint-Maur-des-Fossés, relevé de Bernard Laudet (12-2002).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 8-09-2018)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.