Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Louis, Pierre, Piazzalunga naît le  le 26 février 1912 dans une maternité au 25 rue Gazan à Paris 14e, fils de Marthe (Édith ?) Piazzalunga, 17 ans, journalière, domiciliée au 78 rue de Fontainebleau au Kremlin-Bicêtre (Seine / Val-de-Marne), et de père “non dénommé”.

En 1936, Pierre Piazzalunga est domicilié au 6, avenue des Mésarmes à Bondy [1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93). Il vit en ménage avec Germaine Langlois, née le 15 août 1909 aux Pavillons-sous-Bois (93). Ils ont une fille, qui porte le nom de son père : Louise Berthe, née le 25 juin 1931 à Livry-Gargan (Seine-et-Oise / Seine-Saint-Denis). En 1937, Pierre Piazzalunga se déclare comme couvreur. Le 17 avril de cette année-là, son fils Pierre Louis naît à Bondy.

En 1936, Pierre Piazzalunga adhère au Parti communiste. Il deviendra également membre du Secours populaire de France.

À une date restant à préciser, il rejoint le Comité des chômeurs de Bondy.

Pendant la guerre d’Espagne, il part s’engager dans les Brigades internationales pour défendre la République espagnole contre la rébellion du général Franco soutenue militairement par Hitler et Mussolini.

Le 19 juillet 1937, sur une liste établie à la base des brigades internationales d’Albacete, il est inscrit parmi les volontaires rapatriés la veille : Pierre Piazzalunga – désigné comme italien (?) rentre chez lui pour « raisons de famille ».

Insigne de l’Association des volontaires pour l’Espagne républicaine, ayant appartenu à Christophe Le Meur. Produit entre la mi-1938 et la mi-1939. Coll. André Le Breton.

Insigne de l’Association des volontaires
pour l’Espagne républicaine,
ayant appartenu à Christophe Le Meur.
Produit entre la mi-1938 et la mi-1939.
Coll. André Le Breton.

Il devient terrassier.

Le 11 février 1939, Louis, Pierre, Piazzalunga et Germaine Langlois officialisent leur union en se mariant à la mairie de Bondy. Au moment de son arrestation, Pierre Piazzalunga est domicilié au 14, avenue des Mésarmes.

Le 24 décembre 1941, peu après 6 heures du matin, dans le cadre d’une vague d’arrestations organisées par la police française contre 33 anciens membres des brigades internationales (dont Voltaire Cossart, Maurice Fontès,…), Pierre Piazzalunga est arrêté à son domicile par des agents du commissariat de la circonscription de Noisy, amené dans leurs locaux, puis interné administrativement à la caserne désaffectée des Tourelles, boulevard Mortier, Paris 20e, “centre surveillé” dépendant de la préfecture de police de Paris.

La caserne des Tourelles, vers la Porte des Lilas, entre l’avenue Gambetta, à gauche, et le boulevard Mortier. Le bâtiment A est parallèle au “stade nautique”, dont on aperçoit les gradins au deuxième plan. Carte postale d’après guerre. Coll. Mémoire Vive.

La caserne des Tourelles, vers la Porte des Lilas, entre l’avenue Gambetta, à gauche, et le boulevard Mortier.
Le bâtiment A est parallèle au “stade nautique”, dont on aperçoit les gradins au deuxième plan.
Carte postale d’après guerre. Coll. Mémoire Vive.

Le 5 mai 1942, Pierre, Piazzalunga fait partie des 24 internés des Tourelles, pour la plupart anciens Brigadistes, que viennent « prendre des gendarmes allemands » afin de les conduire au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Enregistré sous le matricule n° 5189, il est assigné pendant un temps au bâtiment C1.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Pierre Piazzalunga est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45981, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Pierre Piazzalunga.

Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp, alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès (Sterbebücher) en deux jours ; probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [2].

Le 26 mars 1946, en s’appuyant sur les témoignages de Henri Gorgue (“45617”) et de Raymond Saint-Lary (“46088”) – qui n’ont pas été témoins directs de sa disparition -, Madeleine Dechavassine (“31639”), secrétaire de l’Amicale d’Auschwitz et des camps de Haute-Silésie signe un certificat attestant du décès de Louis Pierre Piazzalunga à Auschwitz « début 1943 ».

Vers décembre 1957, Germaine Piazzalunga remplit un formulaire de demande d’attribution du titre de Déporté Résistant pour son époux décédé. Lors de sa séance du 30 octobre 1956, la Commission départementale d’attribution de la Seine émet un avis défavorable à cette demande. Le directeur interdépartemental émet un « Avis conforme à celui de la Commission ». Le 10 février 1961, la Commission nationale reprend à son compte ces deux avis. Le 22 juin suivant, le ministère des Anciens combattants et victimes de guerre ne délivre donc à “Louis” Piazzalunga que le titre de Déporté politique, à titre posthume (carte n° 1101.27691 envoyée à sa veuve).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 14-12-1997).

Notes :

[1] Bondy : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 384 et 417.
- Dossiers des brigades internationales dans les archives du Komintern, fonds du Centre russe pour la conservation des archives en histoire politique et sociale (RGASPI), Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), campus de l’Université de Paris X-Nanterre, microfilms acquis par la BDIC et l’AVER-ACER, bobines cotes Mfm 880/47 (542.2.112), 880/48 (545.2.290).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande” (BA ?) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 683-22708).
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94), carton “Association nationale des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes (4075).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 926 (31450/1942).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : dossier de Louis, Pierre, Piazzalunga (21 P 525.296), recherches de Ginette Petiot (message 01-2014).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 12-05-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.