Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Jean, Alfred, Petit naît le 8 mai 1899 à Ludes, village à la lisière de la Forêt de la montagne de Reims (Marne – 51), fils de Noëlie, Rœgina, Petit, 27 ans (11 septembre 1872), manouvrière (puis cuisinière) ; Joseph ? Alfred Petit, 57 ans, vigneron, sans doute son grand-père, est un des deux témoins lors de l’enregistrement du nouveau-né à l’état civil. Le 7 décembre 1901, Eugène Nageot, alors âgé de 32 ans, « domestique de culture » chez un propriétaire vigneron rue des Murreaux à Bouzy (51), 12 km au sud-est de Ludes 1901, reconnaît et légitime l’enfant en se mariant avec sa mère à la mairie de Ludes.

En 1911, la famille est installée au 5, rue Veuve Pommery à Verzenay (51), 5 km à l’est de Ludes. Le père de famille est charretier chez Walbaum. Jean a trois sœurs plus jeunes : Marguerite, née en 1904 à Bouzy, Yolande, née en 1906, et Jeanne, née en 1910, toutes deux à Verzenay.

Au début de la Première Guerre mondiale, vivant avec sa mère, alors veuve, Jean Nageot commence à travailler comme vigneron.

Le 21 avril 1918, il est mobilisé comme soldat de 2e classe au 168e régiment d’infanterie afin d’y recevoir sa formation militaire. Le 15 juillet suivant, il passe au 36e R.I. Le 16 janvier 1919, il est nommé soldat de 1re classe. Le 12 septembre, il est nommé caporal. À partir du 24 octobre, il participe à l’occupation des Pays Rhénans. Le 8 mars 1920, il est nommé sergent. Le 23 mars 1921, il est renvoyé dans ses foyers et se retire à Ludes, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Le 24 juin 1922 à Bazancourt (51), Jean Nageot se marie avec Lucienne Renée Cousin, née le 19 octobre 1902 à Verzenay.

Pendant un temps, il est employé de commerce.

En juillet 1925, il est domicilié au 28, rue de Rü à Verdun (Meuse). Il est alors employé commercial pour Le Bon Génie – Paris. À partir de 1931, et jusqu’au moment de son arrestation, il habite au 21, avenue de la 42e Division, avec son épouse et leur fils Jean Gilbert, né en 1929 à Verdun. En 1931, Jean Nageot est voyageur de commerce pour Mondial Nouveautés, et, en 1936, il est employé commercial pour les Classes Laborieuses (une coopérative ?).

En 1938, lors de la crise des Sudètes, achevée par les “accords” de Munich (30 septembre), il est rappelé à l’activité militaire au sein du 46e R.I.F., arrivant au corps le 25 septembre et rentrant chez lui le 2 octobre.

Le 27 août 1939, avant la déclaration de guerre, Jean Nageot est rappelé à l’activité militaire et rejoint le dépôt d’infanterie 66. Mais, le 1er décembre suivant, il est classé dans l’affectation spéciale comme métallurgiste (?) aux usines Renault de Boulogne-Billancourt (Seine / Hauts-de-Seine).

À des dates et pour un motif restant à préciser, Jean Nageot est arrêté puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Il peut écrire une lettre à sa femme depuis se camp.

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments
du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Jean Nageot est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45917 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Jean Nageot se déclare comme « jardinier » (Gärtner). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Jean Nageot.

Il meurt à Auschwitz le 22 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), qui indique « typhus » (Fleckfieber) pour cause crédible – mais pas forcément véridique – de sa mort.

Il semble qu’un rescapé écrive à son épouse pour lui apprendre la mort de son mari.

Le nom de Jean Nageot est inscrit sur le monument à la mémoire des Enfants de Verdun morts pour la France (guerre 1939-1945) comme « prisonnier ou déporté ».

Lucienne Nageot décède à Verdun le 5 décembre 1993.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Jean Nageot (J.O. 26-04-1995).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 369 et 415.
- Jean Éloi, son neveu (message 29-03-2006).
- Archives départementales de la Marne (AD 51), site internet, archives en ligne : état civil de Ludes, registre des naissances, année 1899 (2 E 380/12), acte n° 17 (vue 57/313) ; registre des mariages (2 E 380/12), année 1901, acte n° 11 (vue 231/313) ; registres matricules du recrutement militaire, bureau de Reims, classe 1919 matr. 1-500 (1 R 1462) n° 78 (vue 93/630).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 848.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; relevé clandestin du registre de la morgue.
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : copies de pages du Sterbebücher provenant du Musée d’Auschwitz et transmises au ministères des ACVG par le Service international de recherches à Arolsen à partir du 14 février 1967, carton de L à R (26 p 842), acte n° 23836/1942.
- Site Mémorial GenWeb, relevé de Bernard Butet (02-2008).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 10-05-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.