Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Marcel, Aimé Martel naît le 27 novembre 1897 à Art-sur-Meurthe (Meurthe-et-Moselle – 54), chez ses parents, Aimé Martel, 27 ans, cantonnier, et Maria Claude, 30 ans, son épouse, habitant au village (rue de la Cour ?).

Sa mère décède au domicile familial le 8 octobre 1898, âgée de 31 ans. Le 11 mars 1899, son père se remarie avec Émilie Lader, 19 ans, domiciliée à Péronne.

Au printemps 1911, le nouveau couple a six autres enfants, mais Marcel – 12 ans – n’habite pas alors avec cette famille recomposée…

Marcel Martel commence à travailler comme garçon épicier.

De la classe 1917 et du recrutement de Nancy, il s’engage (en 1915 ?) pour la durée de la guerre au 13e régiment d’artillerie de campagne (RAC). Le 23 janvier 1918, il passe au 38e RAC. Le 3 mars suivant, il rejoint l’Armée d’Orient à Salonique. Le 3 avril 1818, il est affecté à la 4e batterie du 2e groupe du 274e RAC. Le 7 février 1919, il rejoint le dépôt du 2e R.A.M. (?).
Il est décoré de la Croix de guerre et de la Médaille militaire.

Fin 1925, il habite au 11 passage Alexandrie à Paris, et travaille comme presseur.

Le 19 décembre 1925, à Paris 11e, il se marie avec Augustine Louise Morand, 26 ans, née le 27 juin 1899 à Paris 14e, cartonnière, habitant à la même adresse. Ils auront neuf enfants, dont Louise, née en 1920, Suzanne, née en 1924, Maria, née en 1927, Aimé, né en 1929, André, né en 1930, Marguerite, née en 1934…

En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Marcel Martel est domicilié dans un immeuble au 159, rue du Château-des-Rentiers à Paris 13e, vers la rue Ricault.

L’immeuble du 159, rue du Chateau-des-Rentiers, côté rue, en 2013. © Photo Mémoire Vive.

L’immeuble du 159, rue du Chateau-des-Rentiers, côté rue, en 2013.
© Photo Mémoire Vive.

Marcel Martel est cisailleur (coupeur en maroquinerie) aux établissements Wagner, sis au 18, rue Duclos, à Paris 20e. Pendant ses loisirs, il cultive un jardin au barrage de Vitry (près du barrage éclusé de Port-à-l’Anglais, à Vitry-sur-Seine ?). Pour s’approvisionner, il fait ses courses place Jeanne d’Arc.

Il adhère au Parti communiste en 1936 – membre du rayon du 13e de la région Paris-Ville – et y reste jusqu’à sa dissolution en septembre 1939. Il est également membre de l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC).

En 1936, il est trésorier du Club sportif des HBM du 13e arrondissement, affilié à la Fédération sportive et gymnique du Travail (FSGT). Il milite aussi au Syndicat des Locataires de l’arrondissement.

Sous l’Occupation, il reste actif au sein du Parti communiste clandestin.

En avril 1941, « à la suite de la recrudescence de la propagande communiste clandestine dans le 13e arrondissement et principalement dans le quartier de la gare », deux inspecteurs de la brigade spéciale 1 des Renseignements généraux commencent « à effectuer diverses surveillances et enquêtes à l’issue desquelles [ils acquièrent] la certitude que [Marcel Martel et Édouard Ch., monteur en chauffage, habitant le même groupe d’immeubles], membres actifs de l’ex-parti communiste [participent] de façon active à la propagande des théories de la troisième Internationale par la diffusion de tracts et brochures clandestines… ».

Le 23 avril 1941 au soir, les deux inspecteurs arrêtent Marcel Martel à son domicile en même temps que son voisin. Le premier remet les imprimés clandestins qui se trouvent chez lui avant la perquisition de son appartement : un opuscule et un tract qu’il dit avoir trouvé dans son atelier, deux opuscules et deux tracts qu’il dit avoir trouvé dans une poubelle, et six tracts qu’il dit avoir trouvé sous la porte de son appartement, représentant dix intitulés différents (La Vie du Parti, Nous accusons, Deux ans de désordre, Vive la Paix, Les camps de concentration [d’internement] sont la honte de la France, Les conseillers de Pétain…, et les journaux La Vie Ouvrière du 1er mai 1941, L’Humanité datée du même jour, deux autres exemplaires de L’Huma et L’Avant-Garde. Interrogé le lendemain, Marcel Martel déclare avoir conservé ces documents dans l’intention de les lire, sans en avoir eu le temps ni l’intention de les diffuser ou de les distribuer. Au motif des pièces saisies et du rapport des inspecteurs, le commissaire de police André Cougoule inculpe Marcel Martel d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939, mais celui-ci est laissé libre en raison de ses nombreux enfants, à charge « par » lui de déférer à toute convocation de justice. Son voisin est conduit au Dépôt de la préfecture de police.

Le 26 mai, Marcel Martel et son camarade comparaissent devant la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine, laquelle le libère en raison de ses nombreuses charges de famille.

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée.
(montage photographique)

Le 28 avril 1942, Marcel Martel est de nouveau arrêté lors d’une vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine, avec le concours de la police française, et visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin ayant précédemment fait l’objet d’une procédure judiciaire, avec ou sans condamnation. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; matricule 4088.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Marcel Martel se trouve dans le même wagon qu’Auguste Monjauvis.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marcel Martel est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45841 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Marcel Martel est probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

En effet, à une date restant à préciser, il est admis au bâtiment des maladies contagieuses (Block 20) de l’hôpital des détenus du “camp souche”.

Il meurt à Auschwitz le 13 août 1942, selon le registre d’appel quotidien (Stärkebuch) et l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Il est homologué comme “Déporté politique”.

Après la guerre, une plaque commémorative est apposée sur l’immeuble où il habitait au moment de son arrestation.

Plaque apposée sur le local du gardien (?), à droite du portail et de la grille. © Mémoire Vive.

Plaque apposée sur le local du gardien (?), à droite du portail et de la grille.
© Mémoire Vive.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 372 et 413.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Témoignage d’Auguste Monjauvis – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (dossier individuel).
- Comité du 13e arrondissement de l’ANACR, La résistance dans le treizième arrondissement de Paris, imprimé par l’École Estienne en 1977, page 87.
- Louis Chaput, Auguste et Lucien Monjauvis (entre autres), Le 13e arrondissement de Paris, du Front Populaire à la Libération, les éditeurs français réunis, Paris 1977, page 226.
- Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 31 mai au 3 septembre 1941 (D1u6-5856).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier des Renseignements généraux de la préfecture de police, brigade spéciale anticommuniste (BS 1), Affaire Charpentier – Martel (GB 61 – 233).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 784 (20393/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 13-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.