Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Roger, Jean, Le Bras naît le 4 mai 1906 à Paris 18e, chez ses parents, François Jean Le Bras, 30 ans, employé, et Marie-Louise Cloarec, 26 ans, son épouse, domiciliés au 3, rue Championnet.

Le 25 juin 1936, à la mairie du 18e arrondissement, Roger Le Bras se marie avec Georgette Bajot, née le 5 mai 1902 à Paris 12e, brodeuse, alors qu’ils habitent déjà ensemble au 111, rue Damrémont. Son frère René Le Bras, habitant alors à Vernon (Eure) – comme leurs parents -, est venu en tant que témoin au mariage.

Peu après et jusqu’au moment de son arrestation, Roger Le Bras est domicilié au 200, rue Championnet à Paris 18e, vers la rue Vauvenargues.

Il est ouvrier menuisier à l’Assistance publique de Paris.

Militant actif, membre du Comité de défense de L’Humanité (CDH), il est vend L’Humanité Dimanche avenue de Saint-Ouen jusqu’en septembre 1939 ; probablement entre les stations de métro Porte de Saint-Ouen et Marcadet-Balagny (renommée Guy-Moquet le 27-01-1946).

Roger Le Bras est membre de la CGT, et secrétaire national du Secours populaire.

Le 16 mai 1941, il est arrêté au cours d’une distribution de L’Humanité clandestine. Il en avait glissé un exemplaire sous la porte d’un immeuble derrière laquelle se trouvait un inspecteur de police s’apprêtant à promener son chien. Celui-ci appelle deux agents commissariat de police du quartier des Grandes carrières (17e arrondissement) pour qu’ils l’arrêtent. Il est trouvé porteur de 61 exemplaires de L’Humanité du 29 janvier 1941, de 25 exemplaires datés du 1er mai 1941 et de divers autres tracts.

Le 20 mai, inculpé d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939, Roger Le Bras est conduit au dépôt de la préfecture de police (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité).

Le 26 mai, il comparaît avec un autre prévenu devant la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine qui le condamne à sept mois d’emprisonnement (il ne fait pas appel…).

Le 9 juin, il est transféré à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne) ; n° d’écrou “correction homme” 8459.

Mais il n’y reste que quelques jours : le 20 juin 1941, pour une raison qui reste à préciser, il est transféré à la Maison centrale de Clairvaux (Aube).

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 13 février 1942, le préfet de l’Aube reçoit des autorités d’occupation l’ordre le faire transférer avec cinq autres détenus – tous futurs “45000” – au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Le 23 février, Roger Le Bras est interné au camp, bâtiment A 8, matr. 3637.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne,
futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Roger Le Bras est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45743 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Roger Le Bras se déclare alors sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Roger Le Bras est probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

En effet, à une date restant à préciser, il est admis au Block 28 (chambrée 7) de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I.

Il meurt à Auschwitz le 15 septembre 1942, selon plusieurs registres tenus par l’administration SS du camp.
Il est déclaré “Mort pour la France” (19-7-1947).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 370 et 411.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen – Lettre de Madame Le Bras à un rescapé du convoi (23-6-1945) – Témoignage d’Alex Le Bihan (FNDIRP du 18e arrondissement), R. Dray de Marseille – Etat civil de la Mairie du 18e.
- Archives départementales de l’Aube, site internet (310w114).
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : état civil du 18e arrondissement, registre des naissances, année 1906 (18N 331), acte n° 2078 (vue 26/31).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 730-27780).
- Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 31 mai au 3 septembre 1941 (D1u6-5856).
- Archives Départementales du Val-de-Marne, Créteil : Prison de Fresnes, registre d’écrou n° 151, “correction hommes” du 20 avril au 7 juillet 1941 (2742w18).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 127, « Bras Le » (30684/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 8-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.