Jules Huon naît le 20 janvier 1890 à Reims (Marne – 51), chez ses parents, Paul Huon, 28 ans, tisseur, et Françoise Félicité Devise, son épouse, 26 ans, tisseuse, tous deux natifs de Rethel (Ardennes) où ils se sont mariés et domiciliés au 8, rue de Contrai ; un des deux témoins pour l’enregistrement à l’état-civil est Jules, Jean-Baptiste, Huon, 30 ans, matelassier. À sa naissance, Jules a déjà deux frères : Léon (Aristide ?), né en 1881 à Réthel, et Narcisse Alexis, né en 1887 à Reims. Puis naitront Arthémise, née en 1892, Henri, né en 1894, Léon, né en 1896, Clara, née en 1898, et Eugène, né en 1899, tous à Reims. En dernier lieu, la famille habite au 25 ou 55 rue Chanzy.

Le 27 novembre 1902, leur père, âgé de 41 ans, décède prématurément à Reims.

En 1906, Jules vit avec sa mère et sept de ses frères et sœurs au 60, rue Sutaine à Reims ; lui est alors blanchisseur chez Choseau (?).

En 1911, leur mère est remariée avec Émile Alexandre Briot, un veuf (?) de 47 ans, lequel s’est installé chez eux, rue Sutaine, avec sa fille de 18 ans, Amélie (Marie Emmélie Louise).

Le 15 avril 1911 à Reims, Jules Huon épouse Marie Gabrielle Gary, née à Saint-Denis (Seine / Hauts-de-Seine) le 17 décembre 1891. Ils ont deux filles, Paulette, née le 25 août 1910, et Renée, le 5 juin 1913, toutes deux à Reims.

Le 10 octobre 1911, Jules Huon est incorporé comme soldat de deuxième classe au 132e régiment d’infanterie. Le 8 novembre 1913, il est renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un certificat de bonne conduite, et se retire au 132 rue de Courlancy à Reims.

Rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale, Jules Huon rejoint son unité le 3 août 1914. Le 23 mai 1916, au Mort Homme, il est blessé par balle à la main droite et évacué sur l’hôpital de secteur n° 24. Le 6 juillet il est dirigé sur à l’hôpital complémentaire annexe n° 6 de Romans-sur-Isère (Drôme – 26), rue Sainte-Marie. Le 17 novembre suivant, il est admis à l’hôpital mixte de Romans. Il en sort le 29 décembre pour entrer au centre de neurologie de Valence (26). Il en sort le 9 février 1917, pour un congé de convalescence. Il rentre au dépôt le 24 février. Le 30 août 1917, il est admis à l’hôpital 72 à Plouguervenel (Côtes-du-Nord / Côtes-d’Armor). Le 10 septembre 1918, il est cité à l’ordre de son régiment : « Brancardier courageux et dévoué. A évacué avec un beau mépris du danger des blessés sous de violents feux de mitrailleuses. » Il reçoit la Croix de guerre avec étoile de bronze. Le 29 octobre, il rentre au dépôt. Le 1er novembre 1918, à Vouziers (Ardennes), il est blessé par balle au mollet droit. Évacué le lendemain à l’ambulance d’Auve (?), il est dirigé le 6 novembre sur l’hôpital temporaire 78 de Clermont-Ferrand. Le 29 décembre, il est cité à l’ordre de la division : « Brancardier d’une bravoure et d’un dévouement magnifique a été grièvement blessé en transportant des blessés sous de violentes rafales de mitrailleuses. » Il reçoit la Croix de guerre avec étoile d’argent. Il sort de l’hôpital le 28 février 1919 pour une convalescence de deux mois. Rentré au dépôt le 24 avril, il est dirigé sur l’hôpital mixte de Guingamp un mois plus tard. Après trente jours de convalescence, il est affecté au 22e régiment de tirailleurs algériens. Le 22 juillet 1919, il est envoyé en congé illimité de démobilisation et se retire à Romans ; habitant au 6 rue Bistour en octobre. Il recevra la Médaille militaire. En juin 1927, la commission de réforme de Metz lui reconnaitra une « gène très légère de la marche par cicatrice faiblement adhérente à la face interne de la jambe droite sans amyotrophie ».

Mobilisé dès le 1er août 1914, lors de la première guerre mondiale, Jules Huon combat notamment à Verdun et rentre dans ses foyers le 22 juillet 1919. Blessé à deux reprises, il est titulaire de la Croix de guerre, de la Médaille militaire, faisant l’objet de deux citations.

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Jules Huon vers 1919.

En septembre 1920, Jules Huon habite de nouveau au 132 rue de Courlancy à Reims. En 1921, il est livreur (colporteur ?) Au Planteur de Caïffa, torréfacteur parisien ayant ouvert une chaîne d’épiceries spécialisées dans la vente de café.

En mars 1923, il déclare comme domicile les établissements Goulet-Turpin [1] à Crugny, entre Fismes [1] et Reims ; probablement gère-t-il un magasin de détail alimentaire, avec logement à l’étage…

Fin novembre 1928, il déclare habiter route de Vitry, à Reims.

En mars 1933 et jusqu’au moment de sa première arrestation, il est domicilié au 17, rue du Chemin (route) de Bétheny au Petit-Bétheny, quartier nord de Reims.

Entre les deux guerres, Jules Huon est marchand de fruits sur les marchés de la ville (« commerçant »).

Reims, les “nouvelles halles”, halles centrales du Bouligrin, ouvertes au public en octobre 1929, fermées fin août 1988, classées Monument Historique le 9 janvier 1990. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Reims, les “nouvelles halles”, halles centrales du Bouligrin,
ouvertes au public en octobre 1929, fermées fin août 1988,
classées Monument Historique le 9 janvier 1990.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Jules Huon est militant de l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC) et sympathisant communiste.

Après le décret de mobilisation générale de septembre 1939, il est rappelé à l’activité militaire dans le service auxiliaire, affecté au dépôt d’infanterie 64. Le 17 septembre, il passe à la 10e compagnie du 68e R.R. Le 2 novembre 1939, il est renvoyé dans ses foyers.

Le 4 décembre 1940, à la suite d’une distribution de tracts, la police française effectue une perquisition à son domicile au cours de laquelle sont saisis des tracts des Jeunesses communistes clandestines, « À bas les camps de travail », et des exemplaires de La Champagne ouvrière et paysanne, organe local du PC qui deviendra La Champagne en novembre 1941. Le 23 décembre, le tribunal correctionnel de Reims le condamne à huit mois d’emprisonnement pour infraction au décret du 26 septembre 1939 (« activité communiste »). Le 14 (ou le 18) janvier 1941, il est transféré à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e). Le 3 février, sa peine est ramenée à six mois par décision de la cour d’appel de Paris. Le 20 avril suivant, à l’expiration de sa peine, il est libéré.

C’est probablement alors que Jules Huon emménage avec son épouse au 11, rue du Fossé Briotin à Reims.

Le 25 février 1942, une manifestation de ménagères réclamant du pain est organisée sur la place de l’Hôtel de ville de Reims et devant la sous-préfecture.

Le lendemain, 26 février, Jules Huon est arrêté par quatre Feldgendarmes, pris comme otage à la suite d’attentats commis contre les troupes d’occupation à Chalon-sur-Saône et Montceau-les-Mines. Appréhendé en même temps que Marcel Gauthier, René Manceau, Félix Reillon, Maurice Roussel, Henri Roy et Roland Soyeux – tous suspectés d’activité communiste clandestine et futurs compagnons de déportation -, Jules Huon est conduit à la Maison d’arrêt de Reims, boulevard Robespierre, où il reste quelques jours, puis à la prison de Châlons-sur-Marne (51).

Le 8 mars, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le 11 mars, le préfet de la Marne semble intervenir en sa faveur auprès des autorités d’occupation, mais se heurte à une fin de non-recevoir.

Le 5 avril 1942, Jules Huon écrit une lettre à sa famille dans laquelle il signale la présence à ses côtés de René Manceau.

Entre fin avril et fin juin 1942, Jules Huon est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Comme la plupart de ses camarades, Jules Huon jette depuis le convoi un message qui parviendra à ses proches par l’intermédiaire d’un cheminot qui l’a trouvé sur les voies : « Nous allons en Allemagne pour travailler – je crois en Silésie – nous ne savons pas dans quelles conditions […]. Sois courageuse […], je reviendrai. »

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Jules Huon est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45675 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [2]).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Jules Huon. Néanmoins, André Montagne, rescapé du convoi, estime qu’il a disparu à Birkenau.

Jules Huon meurt à Auschwitz le 30 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Le 29 mars 1943, son épouse écrit au maréchal Pétain, chef de l’État français, pour demander sa grâce : « Je suis moi-même malade et voudrais bien revoir mon pauvre cher mari avant de mourir… ».

À la suite d’une démarche de Renée Gravelet (lien de parenté ?), qui engage une demande d’information sur la situation de Jules Huon, celle-ci parvient à l’agence centrale des prisonniers de guerre du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), basé à Genève (Suisse). Le 21 mai 1943, l’organisation transmet cette demande sa “filiale” germanique. Le 7 octobre, la Croix-Rouge allemande s’adresse à son tour au Bureau central de sécurité du Reich (la « Gestapo ») à Berlin. Le 28 octobre, la police répond à la Croix-Rouge allemande en utilisant un formulaire sur lequel il suffit de rayer la mention inutile : « b) pour des raisons de police d’État, aucun renseignement ne peut être donné sur son lieu de séjour ni sur son état de santé. » On ne sait pas si cet avis a été transmis à Madame Gravelet ou à Marie Huon.

Le 26 avril 1946, La Marne ouvrière, organe de l’Union départementale CGT de la Marne, contient un article consacré à Jules Huon dans lequel il est écrit que celui-ci a été arrêté parce que les Allemands le soupçonnaient d’avoir organisé la manifestation des femmes du 25 février 1942.

Le 3 mai 1946, Guy Lecrux, Rémois rescapé du convoi, atteste de la disparition de Jules Huon à Auschwitz-Birkenau, qu’il estime avoir eu lieu avant le mois de novembre 1942. Le 14 mai, André Montagne, autre rescapé, signe une attestation dans laquelle il déclare : « Je puis me porter garant qu’il y est décédé, car, sans pouvoir préciser la date de sa mort, je puis affirmer que Huon Jules ne figurait pas le 13 août 1943 parmi les survivants de notre convoi [rassemblés en “quarantaine”]. Son décès est donc antérieur à cette date ».

En avril 1947, suite à une demande officielle déposée par Madame Huon, la mention « mort pour la France » est apposée en marge des actes d’état civil de Jules Huon.

Le 7 décembre 1949, Le secrétaire d’État aux forces armées, sur proposition de la Commission nationale d’homologation, prononce l’homologation de Jules Huon au grade de sergent au titre de la Résistance intérieure française (RIF).

Le 13 février 1962, Marie Huon signe un formulaire de demande d’attribution du titre de déporté résistant au nom de son mari. Le 25 septembre 1962, la Commission départementale des déportés et internés politiques émet un avis défavorable, « l’intéressé n’ayant pas été arrêté pour un motif qualifié de résistance, mais à la suite d’une manifestation », suivi par la commission nationale le 17 janvier… 1969. Le 6 mai suivant, la demande du titre de déporté résistant est rejetée par le ministère des Anciens combattants et Victimes de guerre et, le 14 décembre, le chef du bureau des fichiers et de l’état-civil déporté envoie une carte de déporté politique délivrée à « Madame Veuve Huon » (n° 1157.1019).

Une plaque commémorative a été apposée à l’emplacement de son domicile (11, rue du Fossé-Briotin ?) : « …Jules HUON, patriote, mort en déportation en Allemagne… ». Son nom est inscrit sur le monument aux martyrs de la résistance et de la déportation, situé sur les Hautes Promenades à Reims. La mention “Mort en déportation” est portée sur les actes de décès (arrêté 10-08-1992 – J.O. n° 226).

Notes :

[1] Les établissements Goulet-Turpin : société succursaliste fondée à Reims et spécialisée dans le commerce de détail alimentaire. La crise des années 1970 oblige Goulet-Turpin à cesser toute activité. Actuellement, Goulet-Turpin n’existe plus. Source : site internet de Laurent Leroy, https://www.leroy-goulet-turpin.com/ À Crugny, avant 1914, une boutique (succursale n° 99) existait déjà sur la place du village, dans un bâtiment d’un étage qui fut détruit au cours la Première Guerre mondiale.

[2] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n°21 de mai-juin 1948).

Sources :

- Jocelyne et Jean-Pierre Husson, site Scéren, Histoire et mémoires des deux guerres mondiales.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 14, 366 et 408.
- Archives départementales de la Marne (AD 51), site internet, archives en ligne : registre des naissances de Reims, année 1890 (2 E 534/308), acte n° 171 (vue 47/409).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 480 (33716/1942).
- Site internet Mémorial GenWeb, relevé de Claude Richard (2006).
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Jules Huon (21 p 466 637), recherches de Ginette Petiot (message 05-2013).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 24-09-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.