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IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

René, Subtil, Lucien, Guiboiseau naît le 28 juillet 1899 à Paris 14e, fils d’Eugène Guiboiseau, 20 ans, employé, et de Jeanne Ledain, 21 ans, ouvrière, domiciliés au 134, avenue du Maine.

Il commence à travailler comme garçon-boucher.

Le 3 septembre 1917, à la mairie du 15e arrondissement, il s’engage volontairement pour cinq ans au titre du 80e régiment d’infanterie, arrivant au corps dix jours plus tard. Le 8 mars 1918, il passe au 53e R.I. Le 16 juin suivant, il passe au 327e R.I. Le 23 janvier 1920, il passe au 43e R.I. Le 14 avril 1922, la commission de réforme de Lille le réforme temporairement et propose une pension temporaire de 10 % pour « otite chronique moyenne droite, large perforation du tympan, surdité incomplète… ».
En avril 1922, il est domicilié au 40 place de l’Esplanade à Lille.

En novembre 1929, il habite au 21 rue des Écoles à Chaville (Seine-et-Oise / Hauts-de-Seine).

En juin 1929, il demeure au 16 rue du Caire à Paris 2e.

À une date restant à préciser, il habite au 70 avenue Louis Roche à Gennevilliers [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92).

Au moment de son arrestation, René Guiboiseau est domicilié au 13, rue Henri-Vuillemin (ou Henri-Le-Gall, fusillé, anciennement rue de l’Espérance) à Gennevilliers.

Il est marié, sans enfant (ou en ayant trois, selon les registres de Voves et quatre selon un document d’Aincourt).

René Guiboiseau est d’abord livreur en produits chimiques, puis employé (cantonnier-porteur) aux Pompes funèbres municipales (au moment de son arrestation, il est déclaré comme boucher).

Militant communiste, il est élu aux municipales partielles d’octobre 1934 sur la liste de Jean Grandel, mais ne se représente pas en mai 1935.

Le 1er octobre 1940, René Guiboiseau est « signalé (…) par le commissaire de police de la circonscription d’Asnières comme se livrant depuis les hostilités à l’agitation communiste et à la distribution de tracts ».

Le 5 octobre, il est arrêté à Gennevilliers par la police française comme « militant communiste notoire » lors de la grande vague d’arrestations ciblées organisée dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain contre des hommes connus avant guerre pour être des responsables communistes (élus, cadres du PC et de la CGT) ; action menée avec l’accord de l’occupant.

Après avoir été regroupés en différents lieux, 182 militants de la Seine sont conduits le jour-même en internement administratif au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche.
Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 25 février 1941, sur le formulaire de « Révision trimestrielle du dossier » de René Guiboiseau, à la rubrique « Avis sur l’éventualité d’une mesure de libération », le commissaire spécial, directeur du camp, émet un avis défavorable en s’appuyant sur le constat que cet interné « est resté un communiste sûr, dont l’internement n’a pas modifié les opinions », lui reconnaissant une « attitude correcte » mais ajoutant à sa charge : « propagandiste des mots d’ordre ».

Le 24 juin, René Guiboiseau fait partie des 31 « meneurs indésirables » écroués à la Maison d’arrêt de Rambouillet (Seine-et-Oise / Yvelines), 5 rue Pasteur, à la suite d’« actes d’indiscipline » collectifs. Ils y conservent le statut d’internés administratifs. Dans une cellule de trois, René Guiboiseau se trouve avec Alexandre Hurel et Fernand Salmon.

Le 30 juin, tous les transférés signent une pétition adressée au préfet de Seine-et-Oise pour solliciter : « un lieu de séjour correspondant à [leur] état d’internés politiques » ou, sinon, de meilleurs conditions de détention.

Le 27 septembre suivant, René Guiboiseau est parmi les 23 militants communistes de la Seine transférés au “centre d’internement administratif” (CIA) de Gaillon (Eure), un château Renaissance isolé sur un promontoire surplombant la vallée de la Seine et transformé en centre de détention au 19e siècle, puis en caserne.

Le château de Gaillon. Les internés sont assignés au pavillon Colbert, le haut bâtiment transversal de l’arrière plan (qui a perdu sa toiture après la guerre). Carte postale envoyée en 1955. Collection Mémoire Vive.

Le château de Gaillon. Les internés sont assignés au pavillon Colbert,
le haut bâtiment transversal de l’arrière plan (qui a perdu sa toiture après la guerre).
Carte postale envoyée en 1955. Collection Mémoire Vive.

Le 4 mai 1942, René Guiboiseau fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir – 28). Enregistré sous le matricule n° 286, il n’y reste que deux semaines. Sa dernière lettre connue – datée du 16 mai 1942 à Voves – décrit le départ « de 80 copains, dont Louis Castel ». Il ajoute : « Si nous étions déportés… On se forge dans le malheur, et c’est avec fermeté que nous regardons passer les jours et les nuits ».

Le 20 mai, d’après les registres de Voves, il fait partie d’un groupe de 28 détenus que viennent chercher des gendarmes français. Pensant qu’on les emmène pour être fusillés, les partants chantent La Marseillaise. En fait, remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci, ils sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Mais selon une autre source, le transfert de René Guiboiseau n’a lieu que le 3 juillet (?), trois jours avant le départ du convoi. Il est enregistré au camp sous le matricule 5783, assigné pendant un temps au Block C4.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, René Guiboiseau est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny,  et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, René Guiboiseau est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45635, selon les listes reconstituées (la photo d’immatriculation correspondant à ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté René Guiboiseau.Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS, alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp au cours de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [2]).

Il est homologué comme “Déporté politique”.

Son nom est inscrit sur la plaque commémorative dédiée aux Conseillers municipaux morts pour la France (hall de la Mairie de Gennevilliers) et sur le Monument aux morts de Gennevilliers, situé dans le cimetière communal.

Notes :

Sources :

- Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, tome 17, page 55, citant : Arch. Dép. Seine, DM3, versement 10451/76/1 ; listes électorales et nominatives – État civil de Paris 14e arr.- Renseignements recueillis par Claude Pennetier et Nathalie Viet-Depaule.
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 356, 382 et 407.
- Claudine Cardon-Hamet, notice réalisée pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” du nord des Hauts-de-Seine, citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier national).
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : registre des naissances du 14e arrondissement à la date du 30-07-1899 (V4E 9739), acte n° 5807 (vue 16/31).
- Archives de Gennevilliers : (liste de déportés, noms de rues, biographie).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : occupation allemande, communistes fonctionnaires internés… (BA 2214), Le préfet de police au préfet de la Seine, courrier et liste du 7 octobre 1940 ; cabinet du préfet sous l’occupation, dossier individuel de René Guiboiseau (1 W 1004-47651).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1w71, 1w74 (révision trimestrielle), 1w76.
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 409 (31366/1942).
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de René Guiboiseau (21 P 257 222), recherches de Ginette Petiot (message 09-2012) ; un seul document (une fiche).
- Site Mémorial GenWeb, 92-Gennevilliers, relevé de Sylvain Aimé (2000-2002).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 16-10-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Gennevilliers : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail”. Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés montent dans des camions qui les conduisent à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.