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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

René, Jean, Martinet naît le 24 janvier 1899 à Paris 18e, chez sa mère, Marie, Léonie, Martinet, 24 ans, couturière, domiciliée au 40, rue Trézel. Sur l’acte de naissance, il est de « père non dénommé ». Sa mère le reconnaît à la mairie du 17e arrondissement le 10 mars suivant.

Le 29 juin 1907 à Paris 20, Marie Martinet se marie avec Jacques Gondol. Par ce mariage, celui-ci légitime l’enfant, qui prend alors son nom.

Pendant un temps, René Gondol habite chez ses parents au 36, rue Festrier, à Paris 18e, et travaille comme tailleur.

Le 15 avril 1918, il est mobilisé au 82e régiment d’infanterie. Le 7 janvier 1919, il passe à la 4e section de commis et ouvriers d’administration (COA) et, le 20 mars suivant, à la 6e section. Du 4 mai au 30 juin 1920, il est affecté dans les pays rhénans. Il est renvoyé dans ses foyers le 19 mars 1921, titulaire d’un certificat de bonne conduite. En août suivant, il habite au 6, rue Lamoricière, à Dieppe (Seine-Inférieure / Seine-Maritime).

Le 27 juillet 1929 à Paris 19e, René Gondol se marie avec Lucienne Dufaud, née le 21 mai 1903 à Villebougis (Yonne). Mais ils divorceront le 28 décembre 1936 ; dans des rapports de police ultérieurs, René Gondol est déclaré célibataire.

À partir de mars 1924 et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié au 86, rue du Cherche-Midi à Paris 6e, vers la rue Jean-Ferrand.

Employé de commerce, René Gondol est membre du Conseil d’administration du Syndicat général unitaire de l’Alimentation. Il est également adhérent de l’Association des Amis de l’Union Soviétique et de la Caisse nationale de solidarité ouvrière.

Du 28 septembre au 1er octobre 1938, il est rappelé à l’activité militaire dans la 22e section de COA (crise des Sudètes et accords de Munich).

Rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale du 1er septembre 1939, il rejoint le dépôt de la 221e COA le lendemain. Le 14 décembre suivant, il est réformé n° 2 par la 5e commission de réforme de la Seine, pour albuminurie légère permanente avec hématurie et leucocyturie histologiques…

Le 26 juillet 1940, René Gondol est arrêté par des inspecteurs de la police judiciaire (à vérifier…) à la permanence du Syndicat général de l’Alimentation de la région parisienne, au 5 rue Sauval à Paris 1er, à proximité des Halles centrales et de la Bourse de commerce, en même temps que Georges Poursain, pour confection de tracts communistes « non autorisés par l’autorité allemande » (ordonnance du 20 juin 1940) ; lors de la perquisition des locaux, la police enlève dans les bureaux une machine duplicateur Gestetner électrique. Une perquisition effectuée au domicile de René Gondol amène la saisie de plusieurs tracts communistes. Il est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé, à Paris 14e (1ère division, cellule 31), mis à la disposition des autorisations allemandes, qui ne semblent pas prendre immédiatement de mesure à son encontre.

Son amie Mathilde Goulet, domiciliée au 13, rue Jean-Jacques-Rousseau, à Paris 13e, lui écrit régulièrement à la prison.

Le 14 novembre 1940, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en application des décrets du 18 novembre 1939 et du 3 septembre 1940 : il est considéré comme un « meneur communiste très actif ».

Le 21 novembre, il est transféré au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois d’octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 26 mars 1941, son amie Marie-Louise Lacoste, domiciliée au 56, rue Sedaine à Paris 11e écrit au préfet de police pour solliciter l’autorisation de lui rendre visite au camp, « sa mère, impotente, ne pouvant se déranger ». Le 4 avril, le chef du 1er bureau du cabinet du préfet écrit au commissaire du quartier de la Roquette pour lui demander de faire connaître à Madame Lacoste que « satisfaction ne peut lui être accordée, le règlement intérieur du camp interdisant les visites ». Sans doute convoquée au commissariat, elle en prend connaissance le 8 avril. Dans la même période, Marie Gondol sollicite la libération de son fils. Le 25 avril, le chef du 1er bureau écrit au commissaire du quartier de Charonne pour qu’il lui fasse savoir que « sa demande ne peut être favorablement accueillie dans les circonstances actuelles ». Elle prend connaissance de ce refus le 1er mai. Le 5 mai, Marie Gondol signe une procuration autorisant son amie Marie-Louise Lacoste à aller voir son fils « en son lieu et place ». Le 11 mai, un docteur du 11e arrondissement signe un certificat médical attestant que Madame Gondol « immobilisée par une maladie très grave (hémiplégie et rhumatismes) ne peut quitter sa chambre ». Le 13 mai, Marie-Louise Lacoste renouvelle sa demande de visite au préfet de police. La réponse est identique à la précédente et elle en prend connaissance le 23 mai.

Le 27 mai, le préfet délégué du ministre de l’Intérieur écrit au préfet de police pour lui transmettre une nouvelle demande de libération envoyée par Marie Gondol, accompagné d’une attestation du Docteur François, d’Aincourt, certifiant que René Gondol est atteint d’hémiplégie gauche.

Le 6 septembre 1941, René Gondol fait partie d’un groupe de 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne).

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 9 février 1942, René Gondol est parmi les 52 « communistes » (dont 36 seront déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits par des Feldgendarmes à la gare de Poitiers. Enfermés dans deux wagons à bestiaux, ils sont transférés – via Paris – au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, René Gondol est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, René Gondol est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45616 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau – René Gondol est probablement dans la moitié des membres du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

À une date restant à préciser, il est admis à l’étage du Block 28 (médecine interne) de l’hôpital des détenus d‘Auschwitz-I [1].

René Gondol meurt à Auschwitz le 12 septembre 1942, d’après certains registres du camp [2].

Le 22 novembre 1950, Alphonsine veuve Guillemain (quel lien avec lui ?), domiciliée au 3, rue Alfred-de-Vigny à Levallois-Bécon (Seine) ? complète et signe un formulaire de demande de régularisation de l’état civil d’un « non-rentré », agissant à défaut de parents nommés, « intéressée au règlement de la succession ».

La mention « Mort en déportation » est apposée sur les actes et jugements déclaratifs de décès le concernant (JORF n°0253 du 30 octobre 2011).

Notes :

[1] L’hôpital d’Auschwitz : en allemand Krakenbau (KB) ou Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus. Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.
Mais les « 31000 » et Charlotte Delbo – qui ont connu l’hôpital de Birkenau – ont utilisé le terme “Revier” : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. », Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24.

[1] La date du décès de René Gondol est indiquée sur la liste partielle du convoi établie par le Musée d’Auschwitz, mais on ne retrouve pas son nom dans les Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrit, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 373 et 406.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002).
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : registre des naissances du 18e arrondissement à la date du 25-02-1899 (V4E 10409), acte n°976 (vue 12/31).
- Archives de Paris : registres matricules du recrutement militaire, 6e bureau de la Seine, classe 1919 (D4R1 2147), matricule 2991.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 558-14113).
- Archives départementales des Yvelines, Montigny-le-Bretonneux : camp d’Aincourt (1W76).
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Direction des archives des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de René Gondol (21 P 457 239), recherches de Ginette Petiot.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 9-08-2018)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.