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Collection Lucien Goguet. Droits réservés.

Roger, Eugène, Désiré, Goguet naît le 26 septembre 1910 à Gonneville-sur-Dives (Calvados – 14), fils de Victor Arthur Amand Goguet, 24 ans, et de Marie, Eugénie Marie, 23 ans, son épouse, tous deux domestiques de ferme domiciliés à Villers-sur-Mer (14).

En avril 1911, la petite famille habite à Douville-en-Auge (14). Fin janvier 1912, ils habitent à Dives-sur-Mer (14). Le 27 avril 1913, Berthe Victorine Angelina Goguet (dite Suzanne ?) naît chez ses parents, rue de la Baronnie à Dives. Victor Arthur est alors ouvrier d’usine.

Le 4 août 1914, rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale, Victor Goguet rejoint le 74e régiment d’infanterie à Rouen, où il a accompli son service militaire. Dès le 8 août, il « part aux armées ». Le 22 juin 1915, il est nommé caporal. Le 24 septembre suivant, il est « détaché du corps » à la Société Électrométallurgique de Dives, jusqu’au 28 mars 1919, jour date à laquelle il est « envoyé en congé illimité » de démobilisation, se retirant à Dives.

Dives-sur-Mer, l’usine entre la ville, Cabourg au loin et la mer. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Dives-sur-Mer, l’usine entre la ville, Cabourg au loin et la mer.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

En 1921, la famille habite rue des Brocs à Dives. Victor Arthur est toujours ouvrier d’usine. Fin janvier 1923, la famille habite plus précisément au 31 rue des Brocs.

Le 11 avril 1931, à Douville, Roger Goguet se marie avec Odette Ernestine Marie Larcher, née le 20 février 1910 dans cette commune, où elle vivait avec son père, journalier, et sa jeune sœur. Le 28 décembre suivant, le jeune couple a un garçon : Lucien, Jules, Victor Louis, né à Dives-sur-Mer (14).

Le 15 octobre 1932, Berthe (dite Suzanne ?), sœur de Roger, se marie à Dives avec Eugène Durand, 21 ans, ouvrier d’usine à l’Électro.

En 1936 et jusqu’à son arrestation, Roger Goguet est domicilié avec son épouse et son fils rue des Frères-Claus à Dives.

Mécanicien automobile, il y possède un petit garage.

Avant-guerre, il est communiste et syndicaliste CGT.

Résistant depuis juin 1940, selon sa veuve, Roger Goguet est arrêté une première fois à son domicile quand saute le pont de Cabourg, sur la Dives (date ?). Avec son camarade Henri Greslon [1], il est fiché.

Le 20 ou 21 octobre 1941, alors qu’il est en dépannage chez un confrère, Roger Goguet est arrêté par la police allemande, pour “propagande communiste”, comme Jean Bourget et Henri Greslon. Sans jugement, il est transféré quelques jours plus tard au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Enregistré sous le matricule 1869, il est affecté pendant un temps au bâtiment A1.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 24 octobre, il figure sur une liste d’otages, détenus en différents endroits, établie par la Feldkommandantur 723 de Caen.

Le 20 janvier 1942, il figure – n°5 – sur une liste de onze otages communistes du Calvados internés à Compiègne pour lesquels la Feldkommandantur de Caen demande à son échelon supérieur une « vérification » avant de les proposer pour l’exécution.

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Cinq futurs “45000” figurent sur cette liste d’hommes pouvant être fusillés ; le tampon « Geheim » signifiant « Secret »).

Fin juin 1942, sa femme obtient l’autorisation de le voir dix minutes au camp de Royallieu. Il lui dit : « Cela va bien, j’ai bon espoir d’être libéré ». Il envoie une carte quelques jours avant de départ.

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Collection Lucien Goguet. Droits réservés.

Ensuite, sa famille reçoit une valise avec toutes ses affaires et les objets qu’il a façonné pendant sa détention (un jeu d’échec…), mais plus aucune nouvelle.

Entre la fin avril et la fin juin 1942, Roger Goguet est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Henri Greslon, qui est resté à Compiègne, écrit à sa propre femme le jour-même et lui demande de prévenir Madame Goguet du départ de son mari, pour une destination inconnue qu’il suppose être l’Allemagne ; mais ce message n’est pas connu de la famille.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Roger Goguet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45614 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Roger Goguet.

Il meurt à Auschwitz le 27 octobre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Déclaré “Mort pour la France” , Roger Goguet est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 8-12-1993).

À Dives-sur-Mer, son nom figure sur le monument dédié Aux victimes des camps de concentration nazis, sur la face où sont inscrits les Divais décédés dans les camps d’extermination….

   

Le 26 août 1987, à Caen, est inaugurée une stèle apposée par la municipalité sur la façade de l’ex-Petit Lycée, côté esplanade Jean-Marie Louvel, en hommage aux otages déportés le 6 juillet 1942, à la demande de David Badache, rescapé caennais du convoi.

Le nom de Roger Goguet est inscrit sur la plaque commémorative dévoilée le 19 décembre 2008 sur le pignon de l’ex-Petit Lycée de Caen côté avenue Albert Sorel afin de rendre hommage à tous les otages calvadosiens déportés suite à la répression de mai 1942.

© Photo Mémoire Vive.

© Photo Mémoire Vive.

Sources :

[1] Henri Greslon, né le 9 avril 1904, ouvrier d’usine domicilié au 49, rue de Normandie, est déporté le 24 janvier 1943 au KL Sachsenhausen. Il y meurt en août 1943.

Sources :

- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’associationMémoire Vive, éditions Les Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, pages 28-29, 45, 47, 48, 51, 62-65, 98, 101 (témoignage de son fils, Lucien Goguet, 9/03/2001).
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 362 et 406.
- Claude Doktor, Le Calvados et Dives-sur-Mer sous l’Occupation, 1940-1944, La répression, éditions Charles Corlet, novembre 2000, Condé-sur-Noireau, pages 135, 139 et 140, 151.
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; cotes XL III-85 et XL III-79 (n°5).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), 823 “45000” y sont répertoriés ; tome 2, page 358 (37765/1942).
- Archives départementales du Calvados, archives en ligne.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 26-07-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.