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IDENTIFICATION INCERTAINE
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
(le détenu a bougé lors de la prise de vue)
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Henri, Louis, Ferchaud naît le 14 décembre 1895 à Gonnord [1] (Maine-et-Loire – 49), chez ses parents, Jean Ferchaud, 35 ans, tailleur d’habits, et Anne Onillon, son épouse, 29 ans.  Henri a deux sœurs, Marie Joséphine, née le 19 mars 1889 (décédée le 23 septembre 1915), Isabelle Henriette, née le 23 août 1890 (décédée le 13 août 1919), et deux frères plus âgés, Jean, né le 11 août 1892, Alphonse, né le 12 septembre 1893, et une sœur cadette, Adrienne, 19 décembre 1898, tous à Gonnord.

Devenu adulte, Henri Ferchaud est un homme plutôt grand pour l’époque : 1 m 77.

Pendant un temps, il habite à Chemillé (49) [2] et travaille comme maréchal-ferrant.

Le 17 décembre 1914, il est mobilisé comme soldat de 2e classe au 32e régiment d’infanterie. Le 21 mars 1915, après l’achèvement de sa période d’instruction, il passe au 409e R.I., nouvellement créé avec à sa tête des officiers ayant déjà combattu depuis l’entrée en guerre (il y restera affecté jusqu’après l’armistice). Le 7 mai suivant, Henri Ferchaud part « en campagne » avec la 5e compagnie, rejoignant le secteur de Lassigny (Oise).

Le 2 mars 1916, au nord-est de Verdun, le 409e R.I. monte en première ligne dans le secteur de Vaux-devant-Damloup (village de la Meuse complètement détruit) après une avancée allemande. De nombreuses reconnaissances sont opérées afin de déterminer exactement l’emplacement des premières lignes ennemies. À partir du 6 mars, offensives et contre-offensives se multiplient sous des avalanches d’obus, sans être décisives : plus de 1600 hommes sont mis hors de combat. Le 9 mars, le régiment est relevé. Le 16 mars, le soldat Ferchaud est cité à l’ordre de son régiment : « S’est brillamment comporté au cours d’un coup de main, qui a d’ailleurs pleinement réussi ». Le 9 avril, il est nommé soldat de 1re classe.

À partir du 10 octobre 1916, le 409e R.I. est à l’offensive dans le secteur d’Ablaincourt, village de la Somme alors complètement détruit, et reprend un peu de territoire sur l’ennemi, dont les contre-attaques échoueront. Le régiment est relevé le 27 octobre. Le 2 novembre, Henri Ferchaud est de nouveau cité : « Agent de liaison, malgré des tirs de barrage ennemis et de violents bombardement, a porté des ordres à sa section et a assuré la liaison avec les unités voisines, montrant ainsi le plus beau mépris du danger ».

En mai 1917, le 409e R.I. est engagé dans les combats devant Cauroy-lès-Hermonville (Marne), l’objectif « limité » de la 167e division étant de « rectifier son front et de conquérir des observatoires possédant des vues plus étendues sur la position ennemie ». Le 9 mai, lors d’une attaque montant depuis le canal de la Marne à l’Aisne vers la tranchée von Hoesler, devant le petit bois du Champ du Seigneur, Henri Ferchaud aide puissamment « à la progression dans la tranchée conquise en s’exposant à découvert pour briser les dernières résistances et fait des prisonniers » (une centaine sont capturés au total). Après les contre-attaques adverses, le terrain est abandonné. Le fantassin est néanmoins cité à l’ordre du régiment le 14 juin.

Le 23 octobre 1917, le 2e bataillon du 409e R.I. étant chargé de ravitailler en munitions les troupes d’assaut de la 42e division d’infanterie au cours de l’offensive victorieuse de La Malmaison, sur les commune de Chavignon (Aisne), Henri Ferchaud est blessé par éclat d’obus à l’épaule droite, puis évacué. Le 27 novembre, il est cité à l’ordre de la division. Ces multiples actes de courage lui valent la Croix de guerre avec une étoile d’argent et trois étoiles de bronze. Le 1er juillet 1918, il est nommé caporal. Par le décret du 7 juin 1928, il recevra la Médaille militaire.

Le 4 janvier 1919 à Saint-Denis-en-Val, près d’Orléans (Loiret – 45), Henri Ferchaud se marie avec Marguerite Poitou, couturière, née le 14 juillet 1895 dans cette commune.

Le 10 avril suivant, Henri Ferchaud est mis à la disposition de la Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans (P.O.), laquelle fusionnera avec d’autres au sein de la SNCF début 1938 [3]. Le 29 septembre, Henri Ferchaud est classé dans l’“affectation spéciale” à la 3e section des Chemins de fer de campagne, comme ouvrier d’entretien à Orléans. Le 20 décembre, il est mis en congé de démobilisation, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Il est alors ouvrier ferreur aux ateliers d’entretien du matériel des Aubrais.

La gare des Aubrais dans les années 1900. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La gare des Aubrais dans les années 1900. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 21 janvier 1920, à Orléans, Marguerite met au monde leur premier fils, Henri, Raymond. Puis Robert naît le 24 octobre 1921.

Henri Ferchaud adhère au Parti communiste dès sa création, en 1920, mais le quitte un an plus tard en raison de désaccord politique (comme Froissard…).

Par contre, dès 1921, il est secrétaire du Syndicat des cheminots à Orléans.

Au cours des années 1930, il devient secrétaire de la section des Aydes, Saran et Fleury du Comité antifasciste.

Dans cette période, ses fils adhèrent aux Jeunesses communistes.

À partir de juin 1939 et jusqu’au moment de son arrestation, Henri Ferchaud père est domicilié avec sa famille dans un petit immeuble avec jardin au 36, rue des Aydes à Saran (45).

Il est alors toujours ouvrier à l’entretien (matériel traction) aux ateliers SNCF des Aubrais-Orléans, réseau de la région Sud-Ouest.

En 1938, Henri Ferchaud père adhère de nouveau au Parti communiste, mais sans y avoir de véritable activité, se consacrant prioritairement à son mandat syndical.

Carte syndicale CGT, Fédération des chemins de fer.  Collection Mémoire Vive.

Carte syndicale CGT, Fédération des chemins de fer.
Collection Mémoire Vive.

À l’automne 1940, un délégué du Parti communiste clandestin, Roger Tellier, venu de la capitale, mais ayant une résidence à Nogent-sur-Vernisson (45), contacte Eugène Saint-Simon, retraité, ancien secrétaire de la cellule locale, afin de relancer l’activité militante dans le Loiret. En septembre, Saint-Simon organise chez lui une rencontre entre des délégués parisiens et Émile Cousin, 47 ans, préparateur en pharmacie à Montargis, Jean Roy, 18 ans, dirigeant des Jeunesses communistes, et d’autres anciens militants. En décembre, une petite réunion présidée par Pierre Rebière, cadre clandestin venu de Paris, se faisant appeler « Petitjean », se tient chez Désiré Marcellot, 44 ans, ancien adhérent de la cellule des cheminots, qui s’emploie ensuite à élargir le groupe de Montargis, notamment auprès des travailleurs de la SNCF.

Un dimanche de la mi-décembre 1940, vers midi, Jean Roy se présente au domicile des Ferchaud, à Saran, arrivant depuis Pannes (45) en tandem avec un autre camarade. Ils sont invités à déjeuner, mais ne parlent pas politique au cours du repas.

Début 1941, les fils Ferchaud travaillent tous deux à Orléans : Henri comme électricien chez Harmey, rue Pasteur, et Robert comme ajusteur mécanicien chez Morin, rue Carnot.

Le 5 février 1941, au cours d’une réunion, le groupe de Montargis décide de passer à l’action le lendemain : il se divise en deux secteurs et cinq équipes afin d’apposer des “papillons” portants différents slogans. Pierre Rebière distribue des “billets” fabriqués par André Roy, chez lui, à Pannes, en utilisant une imprimerie pour enfant.

Un des colleurs de papillons est-il surpris en flagrant délit par des gendarmes, et désigne-t-il des camarades lors d’un interrogatoire ?

Toujours est-il que, dès le 8 février, les gendarmes de Montargis procèdent à neuf arrestations, frappant huit jeunes gens de 16 à 21 ans. Puis, la 5e brigade de police mobile poursuit l’enquête.

Le 11 février, le préfet du Loiret délivre un mandat de perquisition « prescrivant de procéder à la saisie en tous domiciles et en tous lieux, de tracts, brochures, papillons », dans le cadre d’une enquête pour infraction au décret-loi du 26 septembre 1939.

Le jour même, à midi trente, un commissaire de la 5e brigade de police mobile accompagné d’inspecteurs de la sûreté d’Orléans se rend au domicile des Ferchaud à Saran pour y procéder à une perquisition au cours de laquelle aucun document récent de propagande n’est trouvé. Les quatre membres de la famille sont certainement conduits ensuite dans des locaux de police pour y être détenus et interrogés séparément, car les “auditions” commencées le 11 février se poursuivent le lendemain.

Henri Ferchaud père déclare d’abord n’avoir jamais été militant au Parti communiste, même s’il y a adhéré à deux courtes reprises. Il ajoute n’avoir jamais reçu de militant clandestin chez lui, ne pas connaître André Roy, et avoir interdit à ses fils d’avoir ce genre de contact. Il argumente : « J’ai eu des camarades qui ont été envoyés dans des camps de concentration. Ils en sont revenus ; je n’ai pas envie d’aller les remplacer. »

Mais Marguerite Ferchaud et ses fils admettent la venue de visiteurs à leur domicile, même si le cadet, Robert, et sa mère déclarent ne pas s’être impliqués dans les conversations.

Surtout, le procès-verbal d’interrogatoire du fils aîné, Henri Raymond, enregistre un rapide changement d’attitude de sa part. Le jeune homme déclare d’abord : « Je n’ai jamais reçu la visite de Roy de Montargis. Je ne le connais pas. » Puis – après avoir été soumis à un moyen de pression non spécifié -, il se rétracte dès la phrase suivante : « Je vais vous dire la vérité : au mois d’octobre ou de novembre dernier, un dimanche, nous avons reçu la visite d’un jeune homme nommé Roy dont je connaissais le frère, mais que je ne connaissais pas lui-même. Il est venu en tandem de Montargis avec un camarade dont j’ignore le nom. Le matin du même dimanche était venu de Paris un délégué de la Fédération communiste qui s’est donné comme s’appelant “Petitjean”, qui s’est présenté de la part d’un camarade également de Paris, nommé Ternet, que j’avais connu à Orléans au cours d’une manifestation. Il venait pour réorganiser les groupements des Jeunesses communistes et avait préalablement été voir, à Montargis, Roy et, à Orléans, Dubois, qu’il avait convoqué chez nous. (…) Petitjean avait mon adresse de Ternet et m’avait, sans autre formalité, désigné avec Dubois pour être les agents de cette réorganisation à Orléans et environs. Roy et son camarade étaient chargés de la même mission dans la région de Montargis. » Petitjean-Rebière leur donne alors donne des directives orales à partir de notes inscrites sur un carnet, à savoir : « … revoir tous les camarades des groupements dissous, les reconstituer en groupes de quatre ou cinq avec un responsable par groupe. J’étais en outre désigné pour établir la liaison avec Montargis, c’est-à-dire me tenir en contact avec Roy. Petitjean devait venir par la suite se rendre compte du travail accompli et donner de nouvelles directives. Il est revenu en janvier. Il a apporté un paquet d’imprimés (tracts et papillons) : brochure “Notre jeunesse”, des papillons de couleur verte, des tracts contre les Chantiers de travail (ou Camps de Jeunesse). Je devais les porter à Roy à Montargis. Quelques jours plus tard, alors que je n’avais pu me déplacer pour porter mon paquet à Montargis, Roy est venu à la maison. J’ai pu lui remettre le colis qu’il a emporté. Il était comme la première fois venu en tandem, mais avec un autre camarade que celui qui l’accompagnait la première fois. J’ignore également le nom de ce deuxième camarade de Roy. Petitjean ne m’a laissé pour Orléans aucun matériel de propagande : il est à croire qu’il l’aura déposé directement chez Dubois. En ce qui me concerne, je n’ai conservé aucun imprimé. J’ai tout remis intégralement à Roy, trop heureux de m’en débarrasser au plus vite. »

Confronté à la lecture des déclarations de son épouse et de ses fils, Henri Ferchaud père admet finalement avoir été présent lors deux visites de Roy, venu la deuxième fois chercher les tracts que « Petitjean » avait confié à son fils Henri : « En niant la réalité de ces faits, mon but était uniquement de sauver mon fils. »

Ce 12 février, le juge d’instruction de Montargis délivre un mandat d’arrêt aux noms des Ferchaud Henri père et fils. Le chef de la Sûreté d’Orléans les conduit devant le procureur de la République à Orléans, puis, le lendemain 13 février, ils sont écroués sous mandat d’arrêt à la disposition du juge d’instruction de Montargis (à la Maison d’arrêt d’Orléans, rue Émile-Zola, ou à celle de Montargis ?).

Le 12 février au soir, suivant les instructions reçues du commissaire de police du 3e arrondissement d’Orléans, le chef de la Sûreté fait établir une surveillance aux abords du domicile de Lucien Dubois, 20 ans, ouvrier-peintre en bâtiment, domicilié au 16, quai des Augustins, suspect d’être impliqué dans l’affaire suivie par le Parquet de Montargis. Le lendemain matin, 13 février, à 8 heures 30, le jeune homme est interpellé alors qu’il rentre au domicile de ses parents. Il est mis à la disposition du commissaire divisionnaire chef de la 5e brigade de la police mobile pour son « audition » (interrogatoire).

Les “délégués parisiens” échappent aux arrestations, mais quatre d’entre eux seront cependant identifiés et sous le coup de mandats d’arrêt [3]

Dès le 21 février – voire avant -, la section de Montargis du Parti communiste français diffuse un tract titré : « À Montargis, la police de Pétain aux ordres des forces d’occupation arrête et torture les meilleurs Français » : « Des hommes ont été arrêtés et torturés, des jeunes gens et une jeune fille ont été battus parce qu’ils n’ont pas voulu renier le noble idéal qui les anime. Tous sont couverts d’ecchymoses dangereuses pour leur santé. Cousin Émile à la mâchoire fracassée et perdra peut-être un œil. La jeune fille de 16 ans a été elle-même frappée à coups de poing dans le dos. On se doute du traitement qu’on subit les autres. (…) Des tracts et des papillons que vous avez tous lus dénonçaient la malfaisance des gens du pouvoir, à la dévotion des trusts affameurs et de l’étranger. Ils préconisaient : L’action de masse par l’union des Français pour faire cesser l’arbitraire et les privations que nous subissons depuis des mois. Mais, en 1941 (au mois de février), il est subversif de parler français, de parler de liberté et de démontrer que l’on peut relever la France sans plonger les travailleurs, les petites gens, les commerçants et artisans dans la misère. Ceux qui ont le courage de leurs opinions sont traqués, arrêtés et torturés. C’est pour avoir dit ou pensé cela que Cousin Émile et son fils Charles, Rethore, Roy et un de ses copains, Josette Thirioux (16 ans), le vieux père Saint-Simon (65 ans) retraités de la police parisienne à Nogent-sur-Vernisson, deux travailleurs parisiens et deux jeunes gens d’Orléans ont été arrêtés, battus jusqu’au sang pour leur faire dire des noms et adresses qu’ils ignorent, ceci afin d’empêcher la diffusion de la presse et des mots d’ordre du grand Parti communiste français. La police de Pétain-Hitler a eu des auxiliaires auxquels on peut dire sans forfanterie que la Justice du Peuple sera impitoyable et qu’avant peu ils s’en apercevront. Ces mouchards sont : … » ; suivent cinq noms de personnes libérées à l’issue des interrogatoires. Afin que cette pièce soit ajoutée à la procédure, l’une d’elles remettra au procureur l’exemplaire de ce tract reçu par la Poste avec la mention « indicatrice de police » portée sur l’enveloppe.

Le 24 février 1941, Émile C., ouvrier agricole de 47 ans domicilié à Orléans, signalé comme se livrant à une propagande communiste, est arrêté et conduit devant le commissaire de police du 2e arrondissement, Lucien Rossignol, pour interrogatoire. Alors même qu’il déclare « Je n’ai jamais renié mon parti communiste », il se montre trop bavard, décrivant le fonctionnement de la cellule clandestine n° 2 des Aydes, désignant lieux et camarades. Ainsi : « Fin novembre, j’ai reçu 5 exemplaires de L’Humanité clandestine qui ont été portés chez moi par un jeune homme de 18 ans environ, très grand, dont j’ignore le nom, qui les recevait chez son père (…) un peu plus loin que la Chapelle-Neuve, en descendant sur les Aydes, avant la rue des Écoles, faubourg Bannier (…) Il y a trois ou quatre semaines, vers la fin de janvier, le même gars m’a encore apporté 5 exemplaires de L’Humanité (…) Au début de février, le même jeune homme m’a encore apporté un paquet de papillons d’une vingtaine de centimètres de long sur dix de haut (…) Je ne me souviens pas du libellé de ces papillons et je ne sais pas du tout comment ils parviennent à Orléans. Humanité et papillons sont apportés chez moi par le jeune homme que je vous ai désigné ; je ne sais pas comment ils arrivent chez lui. » Sur interpellation (une question du policier) : « Je n’ai jamais vu de propagandiste parisien. Je sais qu’il y a un “Petitjean” du Parti qui habite plus loin que la Chapelle-Neuve des Aydes, mais je ne le connais pas. » Ces déclarations, susceptibles de permettre de nouvelles arrestations, relancent l’enquête de police à Orléans.

Le 9 mars, de nouveaux tracts communistes sont diffusés au sein de l’usine de pneumatiques Hutchinson de Chalette, près de Montargis.

Le 18 mars, Robert Ferchaud, le fils cadet, est de nouveau arrêté, le commissaire central de police d’Orléans ayant procédé à « une nouvelle étude des documents en [sa] possession ». Interrogé, le jeune homme admet qu’il assurait la liaison entre son frère et d’autres militants, transportait et distribuait des tracts. Ayant « fait des aveux », il est laissé en liberté provisoire, comme l’autre jeune appréhendé avec lui.

Le 1er avril, dans son rapport hebdomadaire sur le communisme en France, transmit à l’Office central de sécurité du Reich (Reichssicherheithauptamt – RSHA) à Berlin, le service (Amt) IV A 1 de la Gestapo de Paris rend compte : « Il y a eu d’autres arrestations de communistes […] à Orléans, 2 personnes. » La semaine suivante, la Gestapo de Paris rapporte, avec davantage de détails : « Dans le ressort d’Orléans, la propagande communiste par tracts et papillons a récemment beaucoup diminué depuis que la police française a pris une série de mesures répressives. Mais, sans aucun doute, le travail de sape clandestin, comme la propagande de bouche à oreille ou autre, continue. De certaines réflexions dans la population, on peut conclure qu’on témoigne la plus grande sympathie aux communistes arrêtés et qu’on déplore leur arrestation ; on souligne que les poursuites du régime de Vichy contre les communistes sont injustes. À Orléans, la police française a arrêté récemment deux autres communistes qui ont avoué avoir organisé un nouveau groupe local illégal et distribué du matériel de propagande communiste. »

Le 9 avril, Henri Ferchaud père est mis en liberté provisoire parce que très malade, son état physique ne permettant plus sa détention.

Le 15 avril, dans son rapport hebdomadaire, signé Bœmelburg, la Gestapo de Paris rend compte : « Aux arrestations dans le département d’Orléans déjà mentionnée dans le rapport, viennent s’en ajouter deux autres : un certain Doyen Marial et Ferchaud Robert. Ils ont avoué tous deux qu’ils ont commencé dès décembre 1940 à réorganiser un groupe communiste clandestin à Orléans et à distribuer des tracts communistes. » On peut supposer que les trois rapports “recyclent” l’arrestation des deux mêmes militants.

Le 12 mai, le tribunal militaire de la Feldkommandantur 589 à Orléans écrit préfet du Loiret et au directeur de la Maison d’arrêt : « Le mandat d’arrêt établi par nous contre : 1. L’ouvrier Ferchaud Henri, né le 14.2.1895 ; 2. L’électricien Ferchaud Henri, né le 27.1.1920 ; et 3. Le peintre Dubois Lucien Robert, né le 26.9.1920, est annulé. Il devront donc être libérés de la prison. L’accomplissement de cette libération devra être porté à notre connaissance. » Mais la fin de la procédure allemande n’éteint pas la procédure judiciaire française…

Puis, après l’invasion de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, l’armée d’occupation accentue sa prise en charge directe de la répression…

Le 25 août, le procureur de la République à Orléans transmet au commissaire central une dépêche reçue de la Chancellerie (ministère de la Justice) contenant « … la traduction d’une communication de M. Le Commandant des forces militaires en France, en date du 19 août 1941 », transmise par le délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés « qui prescrit la communication d’urgence au tribunal militaire allemand le plus proche des dénonciations, des procédures et des dossiers de toutes sortes concernant l’activité communiste, ainsi que toutes les tentatives faites pour soutenir le communisme (…) exceptés tous les dossiers dont la procédure a été définitivement close le 18 août 1941. » Le jour même, le procureur de la République adresse au préfet – pour être transmises au tribunal allemand – les dossiers de trois procédures en cours d’instruction dans lesquelles sont notamment impliqués, pour « menées communistes », Henri, Louis et Robert Ferchaud, Lucien Dubois et Jacqueline Vannier (fille de Lucien).

Le 11 septembre, ils sont onze camarades à passer devant la Section spéciale de la cour d’appel d’Orléans pour tentative de reconstitution du Parti communiste. Henri Raymond Ferchaud et Paul Petitseigneur, 20 ans, ajusteur, sont condamnés chacun à cinq ans d’emprisonnement, mille francs d’amende et quinze ans de privation de droits civiques. Robert Ferchaud est condamné à dix-huit mois de détention et deux cents francs d’amende. Henri Ferchaud père est relaxé.

Le 19 octobre 1941, Henri Ferchaud père est arrêté par des Feldgendarmes et conduit  à la prison militaire du 14, rue Eugène-Vignat à Orléans, réquisitionnée par l’occupant, et dans laquelle sont rassemblés – enfermés à plusieurs par cellule – les dizaines d’hommes arrêtés ce jour-là et la veille, parmi lesquels Robert Dubois, Louis Breton, Henri Doucet, cheminot de Fleury-les-Aubray, les frères André et Marcel Pinson, Lucien Vannier, d’Orléans, Gustave Mesnis (45 ans, employé SNCF qui sera libéré à Compiègne), Marcel Boubou, René Boulet…. [4]

Le vendredi 24 octobre à 8 h 45, Henri Ferchaud est parmi les 41 détenus transférés en autocar – via Pithiviers, Fontainebleau, Melun et Crépy-en-Valois – au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Arrivés à 15 h, les internés passent par l’anthropométrie et se voient retirer leurs papiers d’identité.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 26 novembre, le procureur de la République transmet au préfet du Loiret l’état des détenus pour activité communiste de la Maison d’arrêt d’Orléans, parmi lesquels Henri Ferchaud fils.

Au Frontstalag 122, pour la mise en commun des colis dans une popote complétant l’ordinaire, Henri Ferchaud fait partie d’un groupe de six, avec Raymond Gaudry, Robert Dubois et Lucien Vannier, camarades d’Orléans (lettres de Raymond Gaudry datées des 16 et 24 avril 1942).

Marguerite Ferchaud peut rendre une première visite à son mari au camp.

Le 1er juin, Madame Ferchaud, Marie-Thérèse Couillon et Marguerite Gaudry (peut-être avec ses fils) font le voyage ensemble afin de rendre visite à leur maris respectifs ; cependant, les rencontres sur place ne durent que quinze minutes…

Entre fin avril et fin juin 1942, Henri Ferchaud est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 23 juin, le service central central du personnel de la SNCF écrit à François (de) Brinon, ambassadeur de France, délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés, pour lui demander « de bien vouloir examiner la possibilité d’une intervention » part en vue d’obtenir l’élargissement de cet agent de la société sur lequel de très bons renseignement on été recueillis. La Délégation générale transmet la demande au préfet du Loiret le 29 juin. Celui-ci ne répondra que le 11 août suivant : « … après une enquête de mes services, il ne m’a pas été possible d’intervenir en sa faveur auprès des Autorités allemandes de mon département. En effet, le nommé Ferchaud a eu ses deux fils condamnés l‘un et l‘autre pour tentative de reconstitution du parti communiste au mois de septembre 1941. Très peu de temps après, le père a été interné au camp de Compiègne. J’ai donc estimé qu’une mesure bienveillante en sa faveur serait inopportune étant donné les poursuites presque récentes exercées contre l’intéressé. » Le 25 août, les services de Brinon relaieront la réponse auprès de la SNCF.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sélectionnés du Frontstalag 122 sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandises d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandises
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Comme la plupart de ses camarades, Henri Ferchaud jette depuis le convoi un message qui parviendra à ses proches : « Nous voilà déportés en Allemagne. Mais bonne santé et bon moral. » Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Henri Ferchaud est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45535, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Henri Ferchaud.

Il meurt à Auschwitz le 4 novembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

APRÈS AUSCHWITZ

À l’expiration de sa peine dans une prison française, son fils cadet, Robert, n’est pas libéré, mais conduit en internement administratif au camp français de Pithiviers (45). En raison de son mauvais état de santé, et après intervention de son ancien employeur, contacté par des camarades, il est libéré en octobre 1943. Il n’est alors pas en capacité de reprendre une activité clandestine.

Il est possible que le trajet en détention de son frère aîné, Henri Ferchaud fils, conduise finalement celui-ci à la Maison centrale d’Eysses (Lot-et-Garonne), lieu de rassemblement le plus important de prisonniers politiques condamnés par le régime de Vichy. Le 19 février 1944, une insurrection y est déclenchée à l’occasion de la visite de l’inspecteur général des prisons : 1200 détenus résistants de 23 nationalités se rendent maîtres des lieux dans l’espoir de gagner les maquis du Lot-et-Garonne. Mais, à 17 heures, l’alerte est donnée par des prisonniers de droit commun. Les Groupes mobiles de réserve (GMR) interviennent ainsi que l’artillerie allemande et, au bout de treize heures de lutte, les prisonniers se rendent après avoir obtenu l’assurance du directeur de la centrale qu’il ne serait pas exercé de représailles ; promesse non tenue…
Le 30 mai 1944, 1121 prisonniers sont livrés par l’État français à la division SS Das Reich qui les conduit à la gare de Penne où il doivent monter dans un train qui les mène en trois jours au camp de Royallieu à Compiègne.

Le 18 juin 1944, Henri Ferchaud fils est déporté dans le transport de 2139 hommes parti de Compiègne et arrivé le 20 juin au KL Dachau, où il est enregistré sous le matricule n° 73 437. Par le nombre de déportés au départ de Compiègne, c’est le transport le plus important à prendre directement la destination de ce camp. La veille du départ, les détenus ont tous été regroupés dans la section C du camp de Compiègne. Le lendemain, à la gare, on les a fait monter dans un train composé d’une vingtaine de wagons à bestiaux, remplis chacun de plus d’une centaine d’hommes. De ce convoi, seulement 80 déportés restent à Dachau. Henri Ferchaud fils y succombera moins de deux mois plus tard, le 13 août 1944(476 détenus de ce transport – soit 22,3 % – sont finalement décédés ou disparus en déportation).

Le 4 mars 1946, Lucien Vannier, d’Orléans, rescapé du convoi, signe une attestation par laquelle il déclare que Henri Ferchaud père est décédé au camp d’Auschwitz « en 1942 ».

Le 12 juin suivant, l’officier de l’état civil alors en fonction au ministère des anciens combattants et victimes de la guerre (ACVG) dresse l’acte de décès officiel de Henri Ferchaud sur la base des éléments d’information figurant à son dossier (lesquels ne sont pas mentionnés), en fixant la date au 15 octobre 1942.

Le 18 décembre 1950, Marguerite Ferchaud, en qualité de conjointe, complète et signe un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’attribution du titre de Déporté Résistant à son mari à titre posthume. Dans sa séance du 9 mars 1952, la commission départementale des déportés et internés résistants émet un avis défavorable à l’unanimité, estimant « qu’à la date de l’arrestation les tracts distribués ne pouvaient pas être établis par une organisation reconnue par l’Autorité militaire (FFC-FFI ou RIF), comme le prévoit l’article 2 du décret du 25 mars 1949, 4e paragraphe ». Le 21 septembre 1953, le ministère des ACVG refuse d’accorder le statut de Déporté Résistant et, le 29 octobre, envoie la carte de Déporté politique n° 1110.07372 à Marguerite Ferchaud.

Le 22 novembre, celle-ci écrit au ministre des ACVG pour dire sa surprise du rejet de sa demande et en solliciter un réexamen. Le 22 janvier 1954, un fonctionnaire du bureau des fichiers et de l’état civil déportés lui explique « que le rejet susvisé est intervenu conformément à l’avis défavorable exprimé à l’unanimité par la Commission départementale du Loiret, confirmé par la Commission nationale des Déportés Internés Résistants. L’article R.286 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre dispose que le titre de Déporté Résistant est décerné à la condition expresse que la cause déterminante de la déportation soit un des actes qualifié de résistance à l’ennemi définis à l’article R.287 dudit code. Les Commissions départementale et nationale ont estimé que tel n’était pas le cas, Monsieur Ferchaud ayant été déporté pour des faits à caractère politiques et non résistants. Les éléments de votre lettre du 22 novembre n’étant pas de nature à permettre de modifier la décision de rejet, je ne puis que vous exprimer mes regrets de n’être pas en mesure de donner satisfaction à votre requête. »

En décembre 1985, Robert Ferchaud – alors domicilié à Saint-Jean-de-la-Ruelle (45) – adresse une lettre de neuf pages au président de la République afin de solliciter son intervention pour faire valoir les droits de son père et de son frère au titre de Déporté Résistant (DR), et les siens au titre d’Interné Résistant. Il se désigne lui, son père et son frère comme « trois volontaires pour commencer la lutte contre l’hitlérisme aux premières heures de l’occupation allemande ; adhérents à l’ O.S., seule organisation à notre connaissance en 1940-1941 à commencer la lutte contre l’occupant. […] Depuis plus de trois années, mes camarades qui étaient avec moi dans la Résistance sont intervenus près de Monsieur L., sans résultat. Les services du cabinet de Monsieur L. se retranchent derrière une soi-disant enquête qui fut faite en 1956 à mon sujet, où je fus fiché comme communiste ; alors que je n’ai jamais appartenu au Parti communiste ; nous étions contre toute les dictatures de droite comme de gauche. […] Sur onze camarades condamnés par la Cour spéciale le 11 septembre 1941, deux sont encore vivants : Monsieur Petitseigneur et moi-même. Monsieur Petitseigneur fut condamné à cinq ans de détention, comme mon cher frère. Lui a eu la chance de revenir et de faire valoir ses droits : il est actuellement Déporté Résistant, Légion d’honneur, Médaille militaire, Croix de Guerre. […] … mon cher papa et mon cher frère sont morts : ils ne pourront jamais combattre pour la reconnaissance du titre de Déporté Résistant. Il n’y a que moi pour faire que nos actions résistantes, rattachés à nos arrestations, soient reconnues. […] Je me dis parfois : “Pourquoi ne suis-je pas resté avec eux ?” Je n’aurais pas à subir, des années après, l’injustice de ces membres de commission qui siègent pour l’obtention de ces cartes de Déporté-Résistant et Interné-Résistant. »

Le 21 mars 1986, la commission nationale procède à un nouvel examen de la demande du titre de Déporté Résistant pour Henri Louis et Henri Raymond Ferchaud. Le rejet est rapporté et un avis favorable est donné, « compte tenu du fait que l’attestation de Louis Breton, validée par le liquidateur national suppléant du Front National, établie en faveur de Robert Ferchaud, respectivement fils et frère des susnommés, relatait également les motifs et les circonstances de l’arrestation de ceux-ci, survenue en raison de leur activité résistante au sein du mouvement précité ». Le 1er décembre 1986, le secrétariat d’État aux Anciens Combattants décide d’attribuer le titre de Déporté Résistant à Henri Ferchaud père, et envoie la carte n° 100937836 à Robert Ferchaud, qui a été le demandeur, en qualité de descendant (il reçoit également pour lui celle d’Interné Résistant). Mais il répond au secrétariat d’État que sa mère – première ayant cause – est toujours vivante…

Le 12 mai 1987, Marguerite Ferchaud, alors âgée de 92 ans et habitant toujours au 62, rue des Aydes à Saran, reçoit simultanément la carte DR d’Henri Ferchaud, en qualité d’épouse, et celle de son fils Henri Raymond Ferchaud, en qualité d’ascendante.

Les noms des Ferchaud Henri père et fils sont inscrit sur le monument aux morts de Saran, devant l’église.

Par l’arrêté du 5 décembre 1995, la mention “Mort en déportation” est apposée simultanément sur les actes de décès des Ferchaud Henri père et fils (J.O. du 25-02-1996).

Dans la gare d’Orléans, le nom d’Henri Ferchaud père est inscrit sur la plaque dédiée « à la mémoire des agents de la SNCF tués pour faits de guerre ».

Notes :

[1] Gonnord : le 31 décembre 1973, cette commune de Maine-et-Loire fusionne avec celle de Joué-Étiau pour former la nouvelle commune de Valanjou. Le 15 décembre 2015, celle-ci devient une commune déléguée au sein de la commune nouvelle de Chemillé-en-Anjou.

[2] Chemillé : le 1er janvier 2013, les communes de Chemillé et de Melay fusionnent pour former une commune nouvelle sous le nom de Chemillé-Melay dont Chemillé constitue (de même que Melay) une commune déléguée, puis, le 15 décembre 2015, Chemillé-Melay fusionne à son tour avec onze autres communes pour former Chemillé-en-Anjou.

[3] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.

[4] Les “Délégués parisiens” :
Pierre Rebière naît le 20 février 1909 à Villac (Dordogne). En octobre 1936, il appartient à la délégation française qui négocie avec le ministre espagnol Diego Martínez Barrio la constitution des Brigades internationales, création officiellement approuvée par le gouvernement républicain le 22 octobre 1936. Commissaire du bataillon Commune-de-Paris de la 11e brigade, il participe aux combats de Madrid, puis est blessé en février 1937 durant la bataille du Jarama. Mobilisé en octobre 1939, démobilisé en Dordogne en juin 1940, il regagne Paris et entre en résistance. À la suite de ses missions dans le Loiret, la police française ne parvient pas clairement à l’identifier, ce qui empêchera qu’il soit jugé par défaut (« Rivière ou Rivière Pierre ou René »). Il participe à la formation de l’Organisation spéciale (OS) du Parti communiste – d’abord chargée de protéger les distributeurs de tracts -, entraînant ses premiers groupes. Fin octobre 1941, trois jours après l’exécution des otages de Châteaubriant (Loire-Inférieure / Loire-Atlantique), il abat à Bordeaux (Gironde), avec deux camarades espagnols, un officier allemand et en blesse un autre. Le 15 décembre 1941, il est arrêté par les Brigades spéciales des Renseignements généraux de la préfecture de police, torturé, puis remis aux autorités allemandes le 10 janvier 1942, à nouveau torturé, et incarcéré à la prison de la Santé (Paris, 14e arr.). Condamné à mort par le tribunal militaire allemand le 9 septembre, il est fusillé le 5 octobre suivant au stand de tir de Balard. (source : https://maitron.fr/spip.php?article128316, notice par Claude Pennetier)
Le 12 juin 1941, le tribunal de première instance de Montargis condamne, par défaut, quatre clandestins à cinq ans de prison, 5000 francs d’amende et vingt ans de privation des droits civils et politiques pour infraction au décret-loi du 26 septembre 1939 interdisant le Parti communiste.
Gaston Auguet, né le 24 novembre 1904 à Châteauroux (Indre), cadre clandestin du Parti communiste à Paris, il effectue diverses missions dans le Loiret. Officier à l’état-major FTP, membre du service de renseignement, il jouera un rôle important dans la Résistance militaire en zone sud. (source : https://maitron.fr/spip.php?article10471, notice par Claude Pennetier)
Georges Loirat né le 17 mars 1906 à Rouans (Loire-Inférieure / Loire-Atlantique), cheminot sur le réseau Paris-Orléans, membre du conseil de la Fédération CGT des cheminots, arrêté dans des circonstances restant à préciser, il sera déporté dans le transport de 1218 hommes parti de Compiègne le 22 mars 1944, et arrivé au KL Mauthausen le 25 mars (dont 534 rentrés de déportation, soit 43,8 %), enregistré sous le matricule n° 60183, affecté au Kommando de Loibl Pass pour la construction d’un tunnel routier entre l’Autriche et la Slovénie, rescapé (source : mémorial FMD, 2004, pages 268-269, 298, I.191).
Bernard Paumier, né le 2 décembre 1909 à Selles-sur-Cher (45), domicilié à Chemery (45). Il se voit demander par Pierre Rebière, du comité central, qui lui apporte des tracts, de réorganiser le parti dans le département. De septembre à octobre 1940, Bernard Paumier parcoure le Loir-et-Cher à bicyclette pour contacter un certain nombre de communistes. Il est ensuite chargé d’assurer des contacts à Pithiviers et à Montargis. Avec Rebière, il se rend aussi dans la Nièvre pour y réorganiser le parti. Convoqué à Paris en novembre 1940, il est informé de sa nouvelle mission : le travail paysan en zone Nord. En juin 1941, son épouse le rejoint à Paris pour devenir son agent de liaison. Le 22 juin 1941, les Allemands viennent l’arrêter à Chemery dans le cadre de la vague d’arrestations accompagnant l’invasion de l’Union Soviétique. Ne le trouvant pas, ils prennent à sa place son jeune frère Clotaire qui sera sélectionné comme otage dans le convoi du 6 juillet 1942. Bernard Paumier poursuivra son travail clandestin jusqu’à la Libération. (source : https://maitron.fr/spip.php?article125182, notice  par Thérèse Burel, Didier Lemaire)
Roger Tellier, né le 17 janvier 1895 à Sainte-Geneviève-des-Bois (45), domicilié au 4, rue Péclet à Paris 15e, sera arrêté par la gendarmerie le 19 janvier 1942 au lieu dit Chêne Vert, commune d’Ineuil (Cher), où il travaille depuis le début du mois comme bûcheron sur un chantier de la Standard des Pétroles. Il sera déporté dans le transport de 2004 hommes parti le 21 mai 1944 de Compiègne, et arrivé le 24 mai au KL Neuengamme (dont 788 rentrés de déportation, soit 39,4 %), enregistré sous le matricule n° 30409, rescapé (source : mémorial FMD, tome 3, page 736, I.214).

[5] Les arrestations de la deuxième quinzaine d’octobre 1941 : entre le 17 et le 25 octobre, les autorités d’occupation organisent des vagues d’arrestations dans plusieurs départements de province. Les fiches d’otages retrouvées des « 45000 » appréhendés dans cette période indiquent que leur arrestation a été opérée en application d’un ordre du commandant de la région militaire A daté du 14 octobre 1941, accompagnant l’envoi aux Feldkommandant du “Code des otages”. Les départements concernés n’ayant été que très peu touchés (ou pas du tout) par la vague répressive/préventive de l’été 1941, il est probable que ces nouvelles arrestations ont été ordonnées pour assurer la saisie de communistes devant être inscrits sur les listes d’otages de cette région militaire. En effet, tous les hommes appréhendés alors sont transférés à Compiègne entre le 19 et le 30 octobre suivant. Dans certains départements, comme le Loiret, ces arrestations – généralement opérées par la Feldgendarmerie – frappent plusieurs dizaines d’hommes connus de la police française pour avoir été des adhérents ou militants communistes avant-guerre. Sept Orléanais arrêtés dans ces circonstances seront finalement déportés dans le convoi du 6 juillet 1942 : Marcel Boubou, Marcel Couillon, Robert Dubois, Henri Ferchaud, Raymond Gaudry et Lucien Vannier (seul rescapé d’entre eux).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 12, 73, 365 et 404.
- André Chêne, Ceux du groupe Chanzy, Librairie Nouvelle, Orléans 1964 : liste des « Membres des fédérations du Loiret du Parti Communiste Français et des Jeunesses Communistes tombés pour que vive la France », pages 143 à 145.
- La Gestapo contre le Parti communiste, rapport sur l’activité du PCF, décembre 1940-juin 1941, messidor-éditions sociales, collection problèmes-histoire, Paris, novembre 1984, pages 119, 129-131, 138.
- Archives départementales de Maine-et-Loire, archives en ligne : état civil de Gonnord, registre de l’année 1885, acte 50 (vue 111/210) ; registres matricules du recrutement militaire, classe 1915, bureau d’Angers, matricule 649 (vues 324-325/429).
- Le blog du 409e RI… dans la Grande Guerre – 1915-1918, administré par Christophe Lagrange.
- Archives départementales du Loiret, Centre des archives modernes et contemporaines, cité administrative Coligny, Orléans : suspects, listes, rapports de police, correspondance, 1940-1943 (138 W-25854).
- Journal interne de la SNCF, Notre métier, n° 82 du 29-11-1946, p. 10 (document communiqué par Hervé Barthélémy, de l’association “Rail et Mémoire”).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 282 (38809/1942).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, DMPA, Caen : dossier individuel (21 P 449 502).
- Base de données des archives historiques SNCF ; service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (0110LM0108) ; région Sud-Ouest, agents arrêtés par les autorités allemandes (0303LM0015-004, vue 29/374).
- Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, page 601.
- Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, éditions Tirésias, Paris 2004 : Thomas Fontaine, Manuel Maris, convoi I.229. tome 3, pages 895, 896 et 929.
- Site Mémorial GenWeb, 45-Saran, relevé de Pascal Bennoit (05-2001), 45-Orléans, relevé de Véronique Riffault, informations de Claude Richard (2002).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 15-04-2019)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.