Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Marcel, Pierre, Fées naît le 28 juin 1902 à Pau (Pyrénées-Atlantiques [1]), en la maison Castelbeilh, pharmacie sise au 21, rue des Cordeliers, fils de Jean Fées, 43 ans, employé de banque, et d’Élise Laforcade, 32 ans, négociante, son épouse.

Marcel Fées travaille comme cuisinier.

Le 6 mai 1933, il fait l’objet d’une procédure pour rébellion (?).

Le 25 mai 1934, la 14e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine le condamne à 1000 francs d’amende pour infraction aux Jeux (courses).

En 1937, il habite au 23, rue Lambert, donnant sur la rue Custine, à Paris 18e.

Mobilisé le 11 janvier 1940, il est affecté comme cuisinier dans un mess d’officier.

Le 25 mai suivant, à la mairie de cet arrondissement, il se marie avec Yvonne Hogrel, née le 2 mars 1906 à Avrilié (Maine-et-Loire), alors qu’ils habitent déjà ensemble. Ils n‘auront pas d‘enfant.

En juin, Marcel Fées est fait prisonnier de guerre, mais libéré dès le mois du juillet pour raisons de santé.

Sous l’Occupation, il devient chef de cuisine à l‘Hôtel Terminus, faisant face à la Gare du Nord, au service de la direction allemande des Chemins de fer de l’État.

Le matin du 18 octobre 1941, Marcel Fées est arrêté à son domicile, ainsi que son épouse, par la police allemande (Geheime Feldpolizei) pour « suspicion de complicité dans le préparation d’attentats contre des membres de l’armée allemande et d’avoir facilité l’action de l’ennemi » ; il aurait été en relation avec le « terroriste » Marcel Lamant [2], arrêté le 30 septembre, et qui aurait logé au 23 rue Lambert. Marcel Fées est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e), dans une section administrée par la Wehrmacht.

Le 25 mars 1942, il est mis à la disposition de la préfecture de police (direction des Renseignements généraux) et interné administrativement « d’office » le même jour, sur ordre des “autorités allemandes” ; en application du décret du 18 novembre 1939 (étant déclaré « sympathisant communiste », termes repris de l’occupant) ; il est alors transféré au quartier français de la prison. Le même jour, son épouse est libérée « sans jugement », obligée ensuite de “pointer” deux fois par mois à la préfecture de police, ce qui la contraint à solliciter une autorisation d’absence auprès de « ses patrons ».

Au début du mois de mai, Marcel Fées est conduit au dépôt de la préfecture de police (sous-sol de la Conciergerie, île de la Cité).

Le matin du 5 mai 1942, il fait partie d’un groupe de treize « communistes » conduits à la gare du Nord pour y être remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : le « camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Marcel Fées est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marcel Fées est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45215 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée) ; dans la liste du convoi (? ?) son nom est orthographié « BEES », ce qui explique son matricule.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Marcel Fées est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.

Marcel Fées meurt à Birkenau le 10 juillet 1942, criblé de balles par un SS, alors qu’il se dirigeait vers les barbelés selon le témoignage d’Henri Peiffer. René Aondetto ajoute : « Un camarade de notre convoi s’est dirigé vers les barbelés entourant le camp de Birkenau. Il franchit la première rangée, traversa le chemin de ronde, se faufila encore à travers la deuxième rangée. Il n’y avait pas de courant à ce moment-là dans les clôtures de barbelés. Hors de l’enceinte du camp, il partit droit devant lui et, malgré nos appels, il ne se retourna pas. Les SS des miradors le laissèrent parcourir trente à quarante mètres avant de l’abattre. Quelques temps après, nous vîmes un gradé SS aller lui tirer une balle dans la nuque. Je ne connaissais pas le nom de ce camarade. Mais, pour moi, ce fut le premier mort certain du groupe. » L’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) indique comme cause de sa mort « crise cardiaque » (Plötzlicher Herztod), mention mensongère utilisée pour la plupart des détenus assassinés dans ces conditions.

Le 22 juin 1949, la transcription de l’acte de décès est portée sur les registres d’état civil du 18 arrondissement ; la date de sa mort est enregistrée au 12 juillet au lieu du 10.

Début 1955, sa veuve dépose pour elle-même une demande du titre d’Interné Résistant (suites à vérifier…).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Marcel Fées (J.O. du 8-02-1990).

Notes :

[1] Pyrénées-Atlantiques : département dénommé “Basses-Pyrénées” jusqu’en octobre 1969.

[2] Marcel Lamant : né en 1912, militant communiste d’Ivry-sur-Seine, ancien brigadiste, aurait été chef cuisinier dans une brasserie parisienne après sa démobilisation en août 1940, interné à la prison de Fresnes (Seine / Val-de-Marne) pour détention d’armes et de matériel de propagande, transféré le 19 septembre 1942 au fort de Romainville (Seine / Seine-Saint-Denis), fusillé le 21 septembre suivant au fort du Mont-Valérien, avec quarante-cinq autres otages, en représailles à l’attentat du cinéma Rex, à Paris. (Source : Le Maitron en ligne, article de Michèle Rault, https://maitron.fr/spip.php?article73624).

Sources :

- Son nom et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 114 et 115, 155, 373 et 403.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Témoignage d’Henri Peiffer, rescapé du convoi – Archives du secrétariat d’État aux Anciens Combattants et Victimes de Guerre.
- Archives des Pyrénées-Atlantiques, site internet, archives en ligne : état civil de Pau, registre des naissances 1899-1902 (FRAD064030_2MIECB_R54), année 1902, acte n° 404 (vue 445/512).
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : état civil du 18e arrondissement, registre des mariages, année 1940 (18M 620), acte n° 1178 (vue 6/31) ; liste électorale de la Seine, année 1937 (D4M2 324) vue 41/101.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande” (BA ?) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 676-21378).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 278 (14687/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; relevé dans les archives (01-2009).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 7-01-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.