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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Albert Faugeron naît le 1er avril 1921 à la maternité de Port-Royal (Paris 14e), fils de Pierre Faugeron, 35 ans, maçon, et d’Amélie Lavergne, 32 ans, son épouse, receveuse, domiciliés au 25 rue Mouffetard (Paris 5e).

À sa naissance, Albert a un frère, Henri, né le 29 janvier 1920.

En novembre suivant, la famille est installée au 163 rue du Château-des-Rentiers, à Paris 13e.

En décembre 1927, la famille habite en immeuble au 26 rue Brézin à Paris 14e.

La mère décède le 25 mai 1931 à l’hôpital Broussais (alors au 96 rue Didot), âgée de 42 ans ; Henri a 11 ans et Albert a 10 ans. Le 2 décembre suivant, Henri est “adopté par la Nation” en vertu d’un jugement rendu par le Tribunal de la Seine (la mention équivalente n’a pas été trouvée concernant Albert…).

Le 29 septembre 1934 à Paris 14e, le père se remarie avec Eugénie Valérie Thonon, née le 1er décembre 1889 en Ardèche, 29 ans, concierge (de leur immeuble ?).

De 1935 au 30 septembre 1939, Albert Faugeron fait son apprentissage comme apprenti-serrurier ou ajusteur aux usines Branca, avenue de Chatillon (Paris 13e).

Il est célibataire.

Il est membre de l’Union Sportive du 14e, affiliée à la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT).

En 1938, il adhère aux Jeunesses communistes.

À partir du 1er octobre 1939, il est mobilisé comme “affecté spécial” aux usines Caudron-Renault, rue du Point-du-Jour à Boulogne-Billancourt, « en qualité d’ajusteur dans l’aviation ».

Jusqu’au 15 octobre 1940, Albert Faugeron habite chez ses parents, puis les quitte « à la suite d’une discussion » pour aller loger au Fred Hôtel, 11 avenue Abel François Villemain (Paris 14e), établissement toujours existant en 2024.

Il y habite encore au moment de son arrestation.

Le 21 mars 1941, à 22 h 30, Albert Faugeron est arrêté avec deux autres jeunes militants par deux gardiens de la paix pour « distribution de tracts communistes dans le quartier de Plaisance », sans doute en flagrant délit. La perquisition opérée dans la chambre d’hôtel que Faugeron partage alors avec un de ses camarades amène la découverte de tracts et brochures communistes. Tous trois passent probablement la nuit au commissariat de police du quartier ; le lendemain, ils sont conduits au dépôt de la préfecture de police.

Une semaine plus tard, le 28 mars, inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939 (« reconstitution de ligue dissoute »), ils comparaissent ensemble devant la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine. Albert Faugeron est condamné à quatre mois de prison.

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée.
(montage photographique)

Il est finalement écroué à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines).

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

 Le 11 juillet, à l’expiration de sa peine, il n’est pas libéré : les services policiers français l’ayant désigné comme « meneur actif », le préfet de police signe un arrêté ordonnant son internement administratif. Pendant un temps, Albert Faugeron est maintenu en prison sous ce statut (matricule n° 1117).

Le 14 septembre, il écrit au préfet de police pour demander sa liberté : « … ayant terminé ma peine depuis le 11 juillet 1941, je suis fort étonné d’être toujours maintenu en prison ; rien ne justifie une pareille mesure. (…) J’avais fait prendre toutes les dispositions par mes parents pour me marier à la fin de ma peine, avec l’intention de me créer un foyer, avec Mademoiselle Christiane L., demeurant 5 rue Maurice Bouchor Paris 14e » (une cité HBM près de la Porte de Vanves). « C’est avec indignation que je me vois maintenu depuis plus de 2 mois comme détenu administratif » ; la notice de renseignements rédigée à Poissy le 5 juin précédent le déclare (déjà) marié…

Le 18 septembre, Albert Faugeron écrit directement au ministre de la Justice à Vichy pour solliciter cette libération. « Étant fiancé avant mon arrestation, j’avais l’intention de me marier et de me créer un foyer à ma libération, mais la mesure qui m’est appliqué tente, si elle se perpétue, de me porter préjudice pour mon avenir [sic] ».

Le 28 novembre, Albert Faugeron fait partie d’un groupe d’au moins huit internés transférés de Poissy au camp français de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne).

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 22 mai 1942, il fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp vu depuis le mirador central. Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”) Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, Albert Faugeron est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, situé sur la commune voisine de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Albert Faugeron est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45529 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [1]).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Albert Faugeron est dans la moitié des membres du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.

Le 1er novembre 1942, dans la chambrée (Stube) n°3 du Revier [2] de Birkenau (Block n° 8 – en brique – du secteur BIb) – où se trouvent également Marcel Colin, Germa, Lenglet, Nonnet, Nouvian, Paupy, Roux, Sansoulet, Vinsous -, il reçoit six gouttes d’un bactéricide, l’Anisine.

Albert Faugeron meurt à Birkenau le 12 février 1943, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher). Il a 21 ans.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 10-12-1989).

Notes :

[1] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n°21 de mai-juin 1948).

[2] Revier , selon Charlotte Delbo : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. ». In Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24. Le terme officiel est pourtant “hôpital” ; en allemand Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus ou Krakenbau (KB). Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 372 et 403.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (liste partielle du convoi établie par le Musée d’Auschwitz) – Témoignage d’André Deslandes – Mairie du 14e – M. Cottard, Revue d’Histoire du 14e, n° 29, février 1989.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : registre de main-courante du commissariat du quartier de Plaisance du 13 navire au 15 octobre 1941 (C B 56 43), n° 915 ; dossier au cabinet du préfet (1 W 749-26949) ; dossiers au service des Renseignements généraux (77 W 52-91269).
- Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 28 mars au 5 juin 1941 (D1u6-5855).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : internés de Seine-et-Oise, dossier individuel (1W113).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 79.
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Registre des détenus ayant reçu des médicaments à l’infirmerie de Birkenau, archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau (APMAB), Oświęcim, Pologne ; copies transmise par André Nouvian.
- Irena Strzelecka, Les hôpitaux dans le camp de concentration d’Auschwitz, in Auschwitz 1940-1945, tome 2, Les détenus – La vie et le travail, chap. 9, p. 364-365, éditions du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, 2011.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 276 (14680/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 21-02-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.