- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.
Albert Faugeron naît le 1er avril 1921 à Paris 14e.
Au moment de son arrestation, il est domicilié au 11, avenue Villemain, selon son propre témoignage (la police mentionne le 5, rue Maurice-Bouchard, la Revue d’Histoire du 14e le 18, rue Hippolyte-Maindron).
Célibataire, il est membre de l’Union Sportive du 14e, affiliée à la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT).
Pendant toute la durée de la guerre 1939-1940, il est mobilisé comme “affecté spécial” aux usines Renault de Boulogne-Billancourt, « en qualité d’ajusteur dans l’aviation ».
Il adhère au Mouvement des Jeunesses communistes dans la clandestinité, après 1939.
Sous l’occupation, la police française le considère comme un « meneur actif ».
À une date restant à préciser, Albert Faugeron est arrêté pour possession ou distribution de tracts ; deux autres militants sont pris dans la même affaire. Ils sont inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939 (« reconstitution de ligue dissoute »).
Le 28 mars 1941, les trois inculpés comparaissent devant la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine. Albert Faugeron est condamné à quatre mois de prison. Il est finalement écroué à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines).
Le 18 septembre, il écrit directement au ministre de la Justice à Vichy pour solliciter sa libération. « Étant fiancé avant mon arrestation, j’avais l’intention de me marier et de me créer un foyer à ma libération, mais la mesure qui m’est appliqué tente, si elle se perpétue, de me porter préjudice pour mon avenir [sic] ».
Le 28 novembre, Albert Faugeron fait partie d’un groupe d’au moins huit internés transférés de Poissy au camp français de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne).

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.
Le 22 mai 1942, il fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Entre fin avril et fin juin 1942, Albert Faugeron est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, situé sur la commune voisine de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Albert Faugeron est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45529 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [1]).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Albert Faugeron est dans la moitié des membres du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.
Le 1er novembre 1942, dans la chambrée (Stube) n°3 du Revier [2] de Birkenau (Block n° 8 – en brique – du secteur BIb) – où se trouvent également Marcel Colin, Germa, Lenglet, Nonnet, Nouvian, Paupy, Roux, Sansoulet, Vinsous -, il reçoit six gouttes d’un bactéricide, l’Anisine.
Albert Faugeron meurt à Birkenau le 12 février 1943, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher). Il a 21 ans.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 10-12-1989).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 372 et 403.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (liste partielle du convoi établie par le Musée d’Auschwitz) – Témoignage d’André Deslandes – Mairie du 14e – M. Cottard, Revue d’Histoire du 14e, n° 29, février 1989.
Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 28 mars au 5 juin 1941 (D1u6-5855).
Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : internés de Seine-et-Oise, dossier individuel (1W113).
Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 79.
Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
Registre des détenus ayant reçu des médicaments à l’infirmerie de Birkenau, archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau (APMAB), Oświęcim, Pologne ; copies transmise par André Nouvian.
Irena Strzelecka, Les hôpitaux dans le camp de concentration d’Auschwitz, in Auschwitz 1940-1945, tome 2, Les détenus – La vie et le travail, chap. 9, p. 364-365, éditions du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, 2011.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 276 (14680/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 17-10-2014)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.
[1] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n°21 de mai-juin 1948).
[2] Revier , selon Charlotte Delbo : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. ». In Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24. Le terme officiel est pourtant “hôpital” ; en allemandHäftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus ou Krakenbau (KB). Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.