Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Gabriel, Raymond, Louis, EUSTACHE naît le 11 mai 1920 à Bordeaux (Gironde – 33), au 3 rue des Bouviers, fils de Louis Pierre Léon Eustache, 30 ans, monteur, et d’Augusta (Augustine) Fleury, 26 ans, marchande ; sa mère viendra le reconnaître en mairie le 27 novembre 1925. À sa naissance, Gabriel Raymond Eustache a deux frères plus âgés, Roger, né le 26 mars 1914, et Jean, André, né le 21 mai 1916.
En juin 1924, et aux recensements de 1926 et 1931, la famille habite au 3 rue des Bouviers à Bordeaux. Le père est manœuvre au Port autonome.
Leurs parents se marient à Bordeaux le 28 décembre 1926.
En 1936, la famille est domiciliée à Pessac, quartier des Hauts-Noés. Une sœur est née en 1935 à Pessac : Monique. Le père est devenu gardien au Port autonome. Gabriel Raymond est déclaré comme épicier.

Au moment de son arrestation, Gabriel Raymond Eustache est toujours domicilié à Pessac (chez ses parents). Sa profession d’alors reste à préciser.

En décembre 1940, les deux frères sont arrêtés pour activité communiste et internés au camp de Bacalan, puis à celui de Mérignac. En septembre 1941, Jean (André) Eustache est transféré à la prison du fort du Hâ. Il se pend dans sa cellule le 26 (ou 27) février 1942.
À une date restant à préciser, Gabriel Eustache est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments
du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Gabriel Eustache est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46233 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Gabriel Eustache.

Il meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942,  selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des inaptes au travail à la suite de laquelle 146 des 45000 sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [1]).

Son nom est inscrit – avec celui de son frère, jean André – sur le monument « à la mémoire des Pessacais fusillés et victimes de la barbarie nazie, guerre 1940-1944 », dans le cimetière communal.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 8-08-1989).

Notes :

[1] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 364 et 403.
- G. Durou, Hommage aux fusillés de la région bordelaise, tome 2, page 1).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 271 (31748/1942).
- Site Mémorial GenWeb, relevé de Pascale Beaudon et Joël Godin (2002).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 15-09-2010)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.