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“Stains, souvenons-nous”.

Édouard François Dumoulin naît le 5 juin 1902 à Doullens (Somme), fils d’Alfred Victor Dumoulin, 36 ans, domestique, et de Marie Hortensia Dessinge, son épouse, 28 ans, domiciliés dans le quartier du Collège.

Au printemps 1921, Édouard Dumoulin habite toujours chez ses parents. Il commence à travailler à la Compagnie des Chemins de fer du Nord, à Arras, où son père est alors employé.

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Militaire, vers 1920.

Le 23 juin 1923 à Doullens, Édouard Dumoulin se marie avec Jeanne Capron, née le 4 janvier 1900 à Grouches-Luchuel (Somme). Ils ont trois enfants : Jeanine, née le 11 novembre 1926, Jacques, né le 7 mars 1928 (Seine), et André, né le 7 octobre 1929 (Seine).

Au printemps 1926, le couple est domicilié dans la cité ouvrière Rousé, construite par la Société Théodose Sueur fils et Compagnie, à proximité de son usine de tissage et filature de jute pour toile d’emballage, dans laquelle Édouard travaille comme tisserand, et où son père est alors ouvrier. Le premier enfant d’Édouard et Jeanne est Jeanine, née le 11 novembre 1926 à Doullens.

Le 26 avril 1927, Édouard Dumoulin entre comme ouvrier à la Compagnie du Gaz de Paris, dans l’usine du Landy à Saint-Denis (Seine / Seine-Saint-Denis – 93). La famille a alors emménagé au 30, rue d’Arnouville dans cette commune industrielle. Édouard et Jeanne ont bientôt deux fils : Jacques, né le 7 mars 1928, et André, né le 7 octobre 1929, tous deux à Saint-Denis.

Plus tard, Édouard Dumoulin est employé en qualité de charbonnier à l’usine du Cornillon, avenue du Président-Wilson, à Saint-Denis. Il est délégué syndical de sa catégorie dans cette usine.

En 1935 et jusqu’au moment de son arrestation, il est domiciliée avec sa famille au 12, avenue Solon (devenue avenue de la Division-Leclerc) à Stains [1] (93).

Militant communiste, il participe à la diffusion de la propagande dans son quartier et sur son lieu de travail. La police le considère comme « un meneur de grève auxquelles il [participe] très activement en haranguant ses camarades ».

Sous l’occupation, en janvier 1941, le premier bureau des Renseignements généraux de la préfecture de police établit une note selon laquelle « Depuis le début des hostilités, Dumoulin s’est abstenu de toute propagande ouverte en faveur des partis révolutionnaires par peur de perdre sa place ; mais cela ne l’empêche pas de se livrer clandestinement à la distribution et au collage de tracts et papillons à tendance communiste dans la région de Stains et Saint-Denis ». Néanmoins, il n’est pas pris en flagrant délit.

Le 28 avril 1942, Édouard Dumoulin est arrêté à son domicile, comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations collectives (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine, visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Il y est peut-être enregistré sous le matricule 4282.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin 1942, Édouard Dumoulin est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Édouard Dumoulin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45506 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Édouard Dumoulin.

Il meurt à Auschwitz le 3 décembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Le 1er juin 1946, Georges Brumm, de Montreuil, rescapé du convoi, signe un certificat à en-tête de la FNDIRP et de l’Amicale d’Auschwitz attestant de la mort d’Édouard Dumoulin « fin 1942 ».

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Collection Alain Dumoulin, son petit-fils. Droits réservés.

Néanmoins, le 20 juin 1946, l’officier de l’état civil alors en fonction au ministère des anciens combattants et victimes de guerre (ACVG) dresse l’acte de décès officiel d’Édouard Dumoulin « sur la base des éléments d’information figurant au dossier […] qui nous a été présenté ce même jour » (?) et en fixant la date au « 15 février 1944 » à Auschwitz.

Au printemps 1955, Jeanne Dumoulin – en qualité de conjointe – complète et signe un formulaire du ministère des Anciens combattants et Victimes de guerre (ACVG) pour demander l’attribution du titre de Déporté Résistant à son mari à titre posthume ; suite à vérifier…

Une sépulture individuelle a été créée dans le cimetière communal de Stains (« corps restitué à la famille »… ?).

Le nom d’Édouard Dumoulin est inscrit, parmi les déportés, sur une des plaques dédiées aux Morts pour la France 1939-1945 et apposée dans la salle du Souvenir de la mairie de Stains.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 9-04-1989).

Notes :

[1] Stains : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 387 et 403.
- Archives départementales de la Somme, Amiens, site internet, archives en ligne : état civil de Doullens, année 1902 (2E 253/41), acte n° 64 (vue 222/242).
- Louis Bordes, président du Comité local de Libération, Souvenons-nous, Stains a payé un lourd tribu au cours de la seconde guerre mondiale, service communication de la mairie, août 1981, pages 37 et 81.
- Archives communales de Stains : registre de recensement de 1936 ; documents de la FNDIRP.
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94) : carton “Association nationale des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes (4197).
- Documents transmis par Alain Dumoulin, son petit-fils.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, (BA ?) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 747-27234) ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 1533-44716).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 246 (42952/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 18-05-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.