Cyprien Depardieu dans les années 1930.  © Collection Marie-Paule Pivain.

Cyprien Depardieu dans les années 1930.
© Collection Marie-Paule Pivain.

Cyprien Depardieu naît le 9 novembre 1889 à Aubigny-Ville [1] (Cher), fils d’Eugène Depardieu, 33 ans, charpentier, et de Marie Coco, son épouse, 23 ans, couturière, domiciliés route de Bourges. Son père étant absent, c’est son oncle paternel Auguste qui vient présenter l’enfant en mairie pour son inscription à l’état civil, avec pour témoin un autre oncle, Célestin. Tous deux sont tanneurs et déclarent « ne savoir signer ». Cyprien a alors deux sœurs plus âgées : Mathilde, 5 ans, et Jeanne, 3 ans.

La famille fréquente régulièrement l’église d’Aubigny, où Cyprien est, pendant un temps, enfant de chœur.

Après l’obtention de son certificat d’études primaires, il est placé en apprentissage chez Bacouél, imprimeur de la ville, où il apprend le métier de typographe ; pas assez grand, il monte sur un banc pour atteindre la casse contenant les caractères.

Pendant une période, Cyprien Depardieu travaille dans un moulin à Amilly (Loiret – 45) ; à vérifier…

De la classe 1909, il devance l’appel au service militaire le 19 septembre 1908 et s’engage volontairement pour trois ans à Cosne (Nièvre) ; matricule n° 537. Mais il est « ajourné » en 1910, puis réformé l’année suivante pour raison de santé.

Le 10 février 1912, à Aubigny-sur-Nère, Cyprien Depardieu épouse Marie Louise Brossard, 21 ans, née le 26 décembre 1890 à Sens (Yonne), domestique.

Marie-Louise et Cyprien Depardieu. © Collection Marie-Paule Pivain.

Marie-Louise et Cyprien Depardieu. © Collection Marie-Paule Pivain.

Le couple s’installe à Montargis (Loiret). Cyprien travaille à l’imprimerie Léger qui tire le journal Le Gâtinais. Leur premier enfant, Marcel, naît le 21 octobre 1912.

En août 1914, quand la guerre éclate, Cyprien n’est pas mobilisé, car il a été définitivement réformé.

En 1915, la famille part pour Pithiviers. Cyprien travaille alors à L’Écho de Pithiviers. Sa fille, Renée, naît le 16 septembre 1915.

Dès 1920, Cyprien Depardieu adhère au Parti communiste, section française de l’Internationale communiste (SFIC).

Pendant un temps au chômage, il devient vendeur en confiserie pour le marchand Cattiau de Pithiviers, allant en camionnette sur les marchés d’alentour. Puis, l’activité économique redémarre et l’imprimerie Léger lui propose de reprendre son métier de typographe : la famille retourne à Montargis, alors un des points forts du communisme dans le Loiret.

Mais Cyprien Depardieu reste un militant. Il est présenté comme candidat du Parti communiste aux élections législatives du 11 mai 1924 (obtenant 3,5 % des suffrages des électeurs inscrits). Son employeur l’a mis en demeure : « Vous, mon meilleur ouvrier ! Retirez votre candidature ou je serais obligé de me passer de vos services… »

Cyprien Depardieu trouve alors du travail au Républicain orléanais, installé rue Royale. Sa famille le suit à Orléans (45).

Du 23 janvier au 21 mars 1926, pendant trois mois, Cyprien Depardieu est à la tête de la grève déclenchée par les ouvriers du Livre à Orléans. Les familles ne vivent alors que des collectes parmi les ouvriers de la ville, les épouses des grévistes s’efforçant de gagner un peu d’argent en faisant des ménages. Le 27 février 1926, un rapport de police signale Cyprien Depardieu comme contradicteur lors d’une réunion publique du Parti socialiste. Un jour, en se promenant avec sa famille sur le mail d’Orléans (boulevard Alexandre-Martin), où l’on va écouter de la musique au kiosque, le typographe rencontre Humblot de Gérus (nom à vérifier), propriétaire du Républicain, et le provoque verbalement. La grève une fois terminée, Cyprien Depardieu est “grillé” chez tous les imprimeurs du secteur.

Vers octobre 1926, il part pour Chartres (Eure-et-Loir) où on lui a proposé d’être le chef d’atelier de l’imprimerie coopérative La Prolétarienne d’Eure-et-Loir qui tire le journal communiste régional Le Travailleur (Eure-et-Loir, Loiret, Loir-et-Cher), dont il devient également le gérant. Il travaille aux côtés de René Bailly, rédacteur et secrétaire de la section de Chartres du PCF. La famille s’installe d’abord à Mainvilliers, village voisin.

En 1927, avec ses camarades (peut-être au sein du Secours Rouge international), Cyprien Depardieu organise diverses manifestations pour refuser la condamnation à mort des militants anarchistes américains Sacco et Vanzetti, accusés sans preuve d’avoir participé à un hold-up à main armée.

Cette même année, en tant que gérant de l’hebdomadaire communiste, il est inculpé par un tribunal de Blois et écroué pendant un temps à la Maison d’arrêt de Vendôme, malgré sa santé fragile (bronchites chroniques…).

Depardieu assure bientôt le secrétariat du rayon communiste d’Eure-et-Loir et se présente aux élections législatives des 22 et 29 avril 1928 dans la première circonscription de Chartres (obtenant 4,5 % des suffrages des électeurs inscrits au premier tour – 1,3 % au second).

En mai 1928, ses fonctions de gérant du Travailleur lui valent d’être condamné par le tribunal de Première instance du Loir-et-Cher à une amende pour injure à l’Armée : dans un article intitulé « Chez le soldat », l’adjudant gardien du parc annexe d’artillerie de Blois a été qualifié de « soulographe de première classe ». La Cour d’appel d’Orléans prononce le jugement définitif : 100 F d’amende et 1 000 F de dommages et intérêts. Conformément aux consignes du Parti communiste, Depardieu refuse de payer. La saisie doit avoir lieu le 29 juin 1929, mais le produit de la vente risquant d’être presque nul, le directeur de la Sûreté générale demande au ministre des Finances, par lettre du 20 juin, de ne pas mettre à exécution la saisie projetée (Arch. Nat. F7/13 115). Mais les poursuites s’accumulent : pendant un an, Cyprien Depardieu doit disparaître et se réfugie dans l’illégalité – sous le nom d’Anglade – chez un cousin de Paris, sa famille ne survivant que grâce à la solidarité des ouvriers de Chartres.

En 1929, il est inscrit sur la liste électorale de Chartres-sud comme étant domicilié au 13 rue Daniel-Boutet.

En 1930 ou 1931, l’imprimerie de La Prolétarienne est transférée à Orléans, rue du Réservoir (devenue rue Marcel-Proust).

L’imprimerie La Prolétarienne dans les années 1930 (l’imprimeur n’est pas identifié…). © Collection Marie-Paule Pivain.

L’imprimerie de La Prolétarienne dans les années 1930 (l’imprimeur n’est pas identifié…).
© Collection Marie-Paule Pivain.

Avec les siens, Cyprien Depardieu emménage au 33, rue de l’Empereur, au deuxième étage d’un vieil immeuble où la famille dispose de quatre petites pièces d’habitation donnant sur la rue.

Il siège également au bureau de la Région communiste orléanaise comme archiviste.

Le Parti communiste le présente comme candidat aux législatives du 1er mai 1932 dans la circonscription de Pithiviers (3 % des électeurs inscrits). Il est également candidat au Conseil général en octobre 1934 dans le canton de Pithiviers et aux élections législatives partielles du 24 mars 1935 dans la première circonscription du Loir-et-Cher (Blois) : 3,3 % des suffrages exprimés au premier tour. Lors des élections municipales de mai 1935 à Orléans, Depardieu est présentée en 5e position sur la liste du Bloc ouvrier et paysan.

Proche des jeunes militants, il participe à leurs sorties, bals et kermesses. Il fonde et dirige la Chorale ouvrière au sein de laquelle il interprète, en costume, des textes du Loirétain Gaston Couté (1880-1911), poète et chansonnier libertaire : Le gars qu’a mal tourné, Le christ en bois… Des concerts animés avec l’aide de ses enfants (Renée chante) qui permettent de glaner un peu d’argent.

Cyprien Depardieu interprétant Gaston Couté. © Collection Marie-Paule Pivain.

Cyprien Depardieu interprétant Gaston Couté.
© Collection Marie-Paule Pivain.

Après l’appel de mobilisation générale du 2 septembre 1939, Marcel Depardieu, son fils, et Paul Venot, époux de sa fille Renée, sont rappelés à l’activité militaire.

En juin 1940, lors de la campagne de France, tous deux sont faits prisonniers de guerre, puis envoyés en Allemagne.

Lors de l’exode, Cyprien Depardieu, son épouse, leur fille Renée et leur petit-fils Didier fuient aussi l’avancée allemande en partant sur les routes. Ils rentrent une dizaine de jours plus tard pour trouver leur quartier quasi désert. Avec le curé de l’église Saint-Donatien, le militant s’efforce alors d’organiser la solidarité envers les habitants.

Puis, sans emploi, Cyprien Depardieu improvise une activité de marchand forain avec sa fille, en installant une remorque dans les marchés de la ville où ils vendent de la bimbeloterie, des articles de bazar et surtout des cartes postales (avec des bouquets de fleurs).

Dans la clandestinité, puis sous l’Occupation, Cyprien Depardieu reste en contact avec – entre autres – Marcel Boubou et Raymond Gaudry, d’Orléans, et Henri Ferchaud, de Saran. Des réunions se tiennent au prétexte de parties de pêche ou de cartes. Cyprien Depardieu participe à la rédaction, à l’impression, au transport et à la diffusion de tracts et journaux clandestins.

Le 22 septembre 1941, Lucien Rossignol, alors commissaire de police du 2e arrondissement, reçoit des instructions relatives à la « répression des menées communistes » de la part du SS-Udersturmführer der Sicherheitspolizei (Sipo-SD, Gestapo), Aubenkommando d’Orléans, installée au 20 rue d’Alsace-Lorraine…
Le lendemain 23 septembre, à 6 heures du matin, ce commissaire, assisté d’inspecteurs, vient arrêter Cyprien Depardieu à son domicile, en présence de son épouse. La perquisition opérée simultanément dans le logement et au grenier, avec fouille des armoires et des placards, ne permet pas de trouver d’éléments compromettant, bien que les policiers aient frôlé la cachette. Dans une caisse au grenier ne sont trouvés que de vieux documents datés d’avant-guerre, dont une carte d’adhérent au PC, cellule 57, région Beauce et Perche, une carte de délégué au congrès de Lille en 1926… Selon la mémoire familiale, quand les policiers s’apprêtent à emmener son mari, Marie-Louise Depardieu interroge : « Sans bagages, sans ses clés ? » Ceux-ci lui répondent : « Il n’en a pas besoin. » Elle s’évanouit…
Cyprien Depardieu est aussitôt conduit – avec les objets saisis – au siège de la Sicherheitspolizei d’Orléans. Puis il est conduit à la prison militaire du 14, rue Eugène-Vignat, réquisitionnée par l’armée d’occupation. René Boulay, ouvrier ajusteur à la Manufacture des Tabacs d’Orléans, est arrêté le même jour dans les mêmes conditions.
En haut à gauche, à côté de la gendarmerie, la maison d’arrêt. En bas à droite, en face de la caserne d’artillerie, la prison militaire. Ville d'Orléans. Plan général de la commune 1/2000e [en 14 feuilles], 1934, feuille n° 3 (1Fi154-5). Extrait.  © Orléans métropole, site internet, archives municipales et communautaires.

En haut à gauche, à côté de la gendarmerie, la maison d’arrêt. En bas à droite, en face de la caserne d’artillerie, la prison militaire.
Ville d’Orléans. Plan général de la commune 1/2000e [en 14 feuilles], 1934, feuille n° 3 (1Fi154-5). Extrait.
© Orléans métropole, site internet, archives municipales et communautaires.

Le 3 octobre, tous deux sont transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Enregistré sous le matricule n° 1622, Cyprien Depardieu est pendant un temps assigné au bâtiment B 5 (sauf erreur, car le quartier B de l’ancienne caserne a surtout abrité le « camp russe », puis le « camp américain »).
Carte envoyée à sa fille Renée (épouse Paul Venot). © Collection Marie-Paule Pivain.

Carte envoyée à sa fille Renée (épouse Paul Venot). © Collection Marie-Paule Pivain.

Le camp vu depuis le mirador central.  Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)  Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”). À droite, le quartier B.
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Lors des kermesses organisées à l’intérieur du camp pour soutenir le moral de ses camarades internés, il interprète de nouveau les textes de Gaston Couté.
Son groupe de partage de colis comprendra – entre autres – Paul Chenel, Henri Delamotte et Henri Gaget, lesquels seront déportés avec lui.
Le 18 mai, Cyprien Depardieu écrit à son épouse : « Quoi qu’il arrive, il faut être courageux ; enfin, il y aura bien un arrêt à cette misère et ceux qui survivront connaitront des jours meilleurs. » Il envoie sa dernière lettre le 22 mai.
Entre fin avril et fin juin 1942, Cyprien Depardieu est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Depuis son wagon, Cyprien Depardieu jette un message destiné à son épouse : « Partons 6 juillet pour une destination inconnue, peut-être rejoindre Marcel et Paul, écrirais quand permis Soyez sans inquiétude, espoir. Cyprien ». Au verso du billet est simplement écrit « Merci » à l’attention de la personne qui le mettra à la poste.
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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Cyprien Depardieu est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45470 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Cyprien Depardieu est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Là, il est assigné au Block 4.

Le 30 juillet, il est admis à l’ “hôpital d’Auschwitz”-I [3].

Il meurt à Auschwitz le 14 août 1942, d’après les registres du camp.

Quelques jours après le départ du convoi, son épouse a reçu un paquet contenant une paire de sabots, un “menu” de noël 1941, le programme d’une fête organisée le 26 décembre, un cahier relatant la géographie et l’histoire du Loiret, et les œuvres de Gaston Couté.

En mai 1945, son fils rentre de sa captivité de PG en Allemagne, et son gendre rentre en juin.

Le 30 juillet 1945, Lucien Vannier, rescapé du convoi domicilié à Orléans, signe une attestation par laquelle il déclare que Cyprien Depardieu, qu’il a « connu au camp » d’Auschwitz, y est mort au cours de l’année 1942 ; ce manque de précision indiquant qu’il n’a pas été témoin direct de son décès.  À moins que ce soit lui qui rapporte verbalement à sa veuve des indications qu’elle utilisera ensuite…

Le 10 juillet 1946, Marie-Louise Depardieu remplit un formulaire de demande de régularisation de l’état civil d’un « non-rentré ». Elle y indique que, selon des « renseignements oraux procurés par déportés retour de l’Allemagne », son mari serait « mort par suite de mauvais traitements en octobre 1942 au camp de Birkenau, dépendant du camp d’Auschwitz. Aucun témoignage écrit de parvenu à la famille ».

Le 22 août 1946, l’officier de l’état civil alors en fonction au ministère des Anciens Combattants et Victimes de guerre (ACVG) dresse l’acte de décès officiel de Cyprien Depardieu « sur la base des éléments d’information figurant au dossier du de cujus, qui nous a été présenté ce même jour » (certainement le formulaire rempli par sa veuve) et en fixant la date au 15 octobre 1942 (soit à la moitié du mois retenu) avec Birkenau comme lieu [4].

En septembre 1946, son journal, Le Travailleur, organe hebdomadaire de la fédération du Loiret du Parti communiste français, lui rend hommage.

Dans cette période, le Parti communiste appose une plaque au nom de Cyprien Depardieu sur l’immeuble où il habitait, au 33, rue de l’Empereur à Orléans, « mort pour la France à Birkenau-Auschwitz », laquelle est inaugurée en présence de Marcel Cachin.

La première plaque apposée après-guerre. © Collection Marie-Paule Pivain.

La première plaque apposée après-guerre. © Collection Marie-Paule Pivain.

Le 19 avril 1950, le secrétariat d’État aux Forces armées-Guerre établit un certificat d’appartenance à la Résistance intérieure française (RIF) au nom de Cyprien Depardieu, pour services accomplis au sein du Front national [5] du 23 juin 1941 au 15 octobre 1942, avec attribution du grade fictif d’adjudant en vue de la liquidation de ses droits (nomination confirmée par arrêté le 25 septembre 1950, parue au Journal Officiel du 5 octobre).

Le 18 janvier 1951, Marie-Louise Depardieu – qui habite toujours au 33 rue de l’Empereur – remplit un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’attribution du titre de Déporté Résistant à son mari. Le 9 mars suivant, la commission départementale des Anciens combattants prononce à l’unanimité un avis défavorable à cette demande au motif qu’ « … à la date de l’arrestation, les tracts distribués ne pouvaient pas être établis par une organisation reconnue par l’autorité militaire (FFC, FFI ou RIF) comme le prévoit l’article 2 du décret du 25 mars 1949, 4e § a ». Après l’avis défavorable de la commission nationale le 21 octobre 1953, le ministère prononce sans surprise le rejet de la demande. Six jours plus tard, la Commission nationale des déportés et internés politiques donne un avis favorable à l’attribution du titre de déporté politique à Cyprien Depardieu. Le 13 novembre suivant, le ministère adresse à sa veuve la carte DP n° 1110.07773.

Marie-Louise Depardieu décède le 17 avril 1956 à Orléans, âgée de 65 ans. Son fils Marcel Depardieu décède le 20 janvier 1960, âgé de 47 ans. Didier Depardieu, son petit-fils, décède le 20 juillet 1972.

Par l’arrêté du 25 mars 2008, le ministère de la Défense décide de l’inscription de la mention « Mort en déportation » en marge de l’acte de décès de Cyprien Depardieu sur les registres d’état civil d’Orléans… sans correction de l’indication « décédé à Birkenau (Pologne) le 15 octobre 1942 ».

Notes :

[1] Le 23 août 1906, par décision du conseil général du Cher, Aubigny-Ville et Aubigny-Villages sont réunies pour former Aubigny-sur-Nère.

[2] Le commissaire Rossignol : de juillet 1942 à août 1944, il devient chef des Renseignements généraux à Orléans. Arrêté après la Libération, il comparaît devant une Cour de Justice en février 1946. Le 26 février, celle-ci le condamne à sept ans de réclusion, à l’indignité nationale à vie, et à la confiscation de ses biens ; les suites restant à préciser (pourvoi en appel, amnistie ?).

[3] L’ “hôpital d’Auschwitz” : en allemand Krakenbau (KB) ou Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus. Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”. Mais les “31000” et Charlotte Delbo ont connu et utilisé le terme « Revier » : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. », Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24.

[4] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

[5] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN”, jusqu’à son changement d’appellation le 1er juin 2018).

Sources :

- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Editions de l’Atelier/Editions Ouvrières, CD-rom, 1990-1997, Morts pendant la Seconde Guerre mondiale en raison de leur action militante, citant : Arch. Nat. F7/13082, F7/13106, F7/13115, F7/13129 – Arch. Dép. Loiret, 2 M 110 – Arch. Dép. Loir-et-Cher, série M, élections – Le Travailleur, 1926-1935, 1945 – Le Progrès de Loir-et-Cher.
- André Chêne, Ceux du groupe Chanzy, Librairie Nouvelle, Orléans 1964 : liste des « Membres des fédérations du Loiret du Parti Communiste Français et des Jeunesses Communistes tombés pour que vive la France », pages 143 à 145.
- Archives départementales du Cher (AD 18), site internet, archives en ligne : registre de recensement d’Aubigny-sur-Nère, année 1911 (6M 0191), vue 16/81.
- Archives départementales du Loiret (AD 45), Centre des archives modernes et contemporaines, cité administrative Coligny, Orléans : suspects, listes, rapports de police, correspondance, 1940-1943 (138 W-25854), chemise suspects 1940-1941.
- Centre d’étude et de recherche sur les camps d’internement dans le Loiret et la déportation juive (CERCIL), Orléans : Donation Pivain, fonds Depardieu (Inv. n° 174-01 à n° 175-34), documents confié par Marie-Paule Pivain.
- Marie-Paule Pivain, sa petite-fille (fille de Renée) : relecture, documents familiaux.
- Son nom (orthographié « DEPARDIEV ») et son matricule (avec une erreur : « 45400 ») figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 365 et 401.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 221 (20468/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registre du Block 4.
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, DMPA, Caen : dossier individuel de Cyprien Depardieu (21 P 442 776).
- Site Les plaques commémoratives, sources de mémoire (aujourd’hui désactivé – nov. 2013), photographie de Véronique Bury.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 4-04-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.