Auschwitz-I, le 8 juillet 1942. Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne. Coll. Claudie Trocmé, fille de Paulin Coutelas. Droits réservés.

Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Claudie Trocmé, fille de Paulin Coutelas.
Droits réservés.

Paulin, Louis, Coutelas naît le 1er novembre 1908 à Reuil (Marne), fils de Paulin Augustin Coutelas, 44 ans, couvreur en bâtiment (et fils de couvreur), et d’Aline Thibaut, 35 ans, son épouse. Paulin est le benjamin d’une famille de six enfants, tous nés à Reuil. D’un premier mariage, son père a eu Adolphe, né le 26 mai 1891, et Laure, née le 23 août 1893. Mais sa première épouse, Mélanie Martin, est décédée prématurément le 11 juillet 1899, âgée de 34 ans. Il s’est remarié à Mareuil-le-Port le 30 décembre 1899 et a eu quatre autres enfants : Mélanie, né le 11 décembre 1900, Gustave, né en 1903, Isidore, né en 1906, et Paulin. En 1911, la famille habite dans la Grande Rue de Reuil, et le père de famille est établi comme artisan couvreur-zingueur ; son fils Adolphe travaille lui aussi comme couvreur. En 1921, le père de famille emploie ses fils Gustave et Isidore comme ouvriers ; sa fille Mélanie étant employée de bureau à la Compagnie des Chemins de fer de l’Est.

En octobre 1925, Paulin Coutelas entre comme apprenti-menuisier à la Compagnie des Chemins de fer de l’Est.

Le 17 novembre 1930, après son service militaire, il est embauché définitivement à la Compagnie de l’Est.

Fin 1934, il vit avec son frère Isidore au 4, rue des Arquebusiers, à Paris 3e.

Le 16 décembre 1934, à 11h 15, à la mairie du 3e arrondissement, Paulin Coutelas se marie avec Hélène Henriette Marseille, née le 24 août 1914 à Rueil, fille de vignerons, travaillant comme “bonne”, domiciliée au 45, rue de Boulainvilliers (Paris 16e). Les témoins sont deux frères de Paulin : Gustave, plombier couvreur domicilié à Levallois-Perret, et Isidore. Cinq minutes plus tard, Paulin est à son tour le témoin de son frère pour le mariage de celui-ci avec une jeune femme de 23 ans, qui vit déjà à la même adresse qu’eux.

En 1937 et jusqu’au moment de son arrestation, Paulin Coutelas et Hélène sont domiciliés au 29, rue Paul-Cavaré à Rosny-sous-Bois (Seine / Seine-Saint-Denis – 93).

À gauche, la rue Paul-Cavaré (depuis la place N.-Copernic), longeant l’ancienne mairie (Espace culturel A.-Malraux). Aujourd’hui, le n° 29 correspond à l’immeuble de cinq étages. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

À gauche, entrée de la rue Paul-Cavaré (depuis la place N.-Copernic), longeant l’ancienne mairie (Espace culturel A.-Malraux).
Aujourd’hui, le n° 29 correspond à l’immeuble de cinq étages.
Carte postale “voyagée” en 1925. Collection Mémoire Vive.

À la déclaration de guerre (3 septembre 1939), Paulin Coutelas est « affecté spécial » à son poste de travail, ouvrier menuisier à la gare SNCF de Noisy-le-Sec (93), rue Arago, l’entreprise étant considéré comme “stratégique”.

Intérieur de la gare de Noisy-le-Sec. Carte postale oblitérée en 1907. Coll. Mémoire Vive.

Intérieur de la gare de Noisy-le-Sec. Carte postale oblitérée en 1907. Coll. Mémoire Vive.

Le 26 octobre 1940, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif, parmi 38 personnes visées ce jour-là dans le département de la Seine (dont 12 futurs “45000”). Selon la police, Paulin Coutelas « se livrait à une propagande acharnée parmi ses camarades de travail ». Le jour-même, il est interpellé et conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt afin d’y enfermer des hommes connus de la police pour avoir été militants communistes et syndicalistes avant-guerre.

Le “sana” d’Aincourt transformé en camp. Tel qu’il est photographié, le pavillon Adrien Bonnefoy Sibour ne laisse pas entrevoir la grande forêt qui l’entoure et l’isole de la campagne environnante

Le “sana” d’Aincourt transformé en camp. Tel qu’il est photographié, le pavillon Adrien Bonnefoy Sibour ne laisse pas entrevoir la grande forêt qui l’entoure et l’isole de la campagne environnante

Paulin Coutelas est assigné à la « chambre des jeunes » (il a 32 ans).

Le 22 mars 1941 à Paris 12e (maternité ?), Hélène Coutelas met au monde leur fille Claudie. Le 28 mars, la jeune mère écrit au préfet de Seine-et-Oise pour solliciter une permission exceptionnelle de sortie de son mari afin que celui-ci puisse venir voir son enfant. Elle ajoute qu’elle désirerait « le voir rentrer à son foyer, car [elle est] dans le dénuement le plus complet ». L’autorisation est accordée le 17 avril et – le 28 – Paulin Coutelas peut se rendre à son domicile accompagné d’un gardien de la paix (arrivée à 11 heures, reparti à 16 heures, arrivé à Mantes à 18 h 45, puis retour au camp).

Le 6 septembre 1941, Paulin Coutelas fait partie d’un groupe de 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

Le 22 mai 1942, il fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduit au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp vu depuis le mirador central. Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”) Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, Paulin Coutelas est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Paulin Coutelas est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45408 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau – Paulin Coutelas est dans la moitié des membres du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est assigné au Block 15a, avec d’autres “45000”.

Il meurt à l’ “hôpital” d’Auschwitz (Block 20) le 15 août 1942, d’après les registres du camp ; tué par une injection de phénol dans le cœur.

Son nom est inscrit sur la plaque dédiée « à la mémoire des agents de la SNCF tués par faits de guerre 1939-1945 » et apposée à l’entrée de la gare de Noisy-le-Sec (93), ainsi que sur le Monument aux morts de Rosny-sous-Bois, place des Martyrs de la Résistance et de la Déportation, comme « Civil Mort pour la France » (?).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 29-01-1988).

Sources :

- Son nom (orthographié « CAUCELAS ») et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 386 et 400.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, communistes fonctionnaires internés… (BA 2114), camps d’internement… (BA 2374), liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 1690-97364).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt, révision trimestrielle (1w74), dossier individuel (1w104).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; listes XLI-42, n° 54.
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 1, page 120* (registre de la morgue relevé par la Résistance) ; tome 2, page 186 (20890/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registre du Block 20, page 295 ; registre d’appel avec la liste des détenus décédés (Verstorben Häftlinge) ; registre de la morgue (matr. 45408).
- Site Mémorial GenWeb, 93-Noisy-le-Sec, relevé de Frédéric Charlatte (05-2006) ; Rosny-sous-Bois, relevé de Christiane Level-Debray (02/2004).
- Base de données des archives historiques SNCF ; service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (0110LM0108).
- Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 428-429.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 2-10-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.