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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Cyrille, Charles, Jacques, Chaumette naît le 4 ou le 14 janvier 1915 à Saint-Omer (Pas-de-Calais – 62), fils de Charles Chaumette, 41 ans, charcutier, et d’Adèle Marie Louise Vasseur, 30 ans, son épouse.

Avant sa naissance, son père a été rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale du 1er août 1914. Le 26 mai 1916, étant soldat au 250 régiment d’infanterie, il meurt de maladie aggravée à l’hôpital temporaire n° 80 d’Abbeville (Somme).

Le 11 avril 1919, Cyrille Chaumette est adopté par la Nation.

En 1921, avec sa mère et son frère Jacques, né en 1909, il habite chez leurs grands-parents maternels au 99, rue d’Arras à Saint-Omer. Sa mère a repris le débit de boisson tenu auparavant par sa grand-mère Marie.

Saint-Omer, la rue d’Arras dans les années 1940. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Saint-Omer, la rue d’Arras dans les années 1940.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Le 30 août 1924, à la mairie de Blendecques (62), Adèle, sa mère, se remarie avec Arthur Porteman ; Cyrille a quatre ans.

Adulte, Cyrille Chaumette travaille comme “journalier” dans l’industrie textile pour les Établissements Vandesmet dans leur filature de jute de Saint-Omer.

Au début des années trente, il adhère aux Jeunesses communistes et devient secrétaire de la section locale des JC en 1934.

Il joue un rôle actif dans les grèves des filatures audomaroises de 1936 et est placé à la tête du syndicat réunifié du Textile de Saint-Omer, fonction qu’il conserve jusqu’en 1939.

Le 29 juillet 1939, à la mairie de Saint-Omer, Cyrille Chaumette se marie avec Jeanne Billaud, née le 28 juillet 1921 (18 ans) dans cette ville. Ils y habiteront au 50, rue Le-Sergent (ou Le-Sergeant).

Sous l’occupation, Saint-Omer – comme tout le département du Pas-de-Calais – est sous l’autorité du commandement militaire allemand de Bruxelles (MBB).

Le 5 février 1941, suspecté d’activité clandestine, Cyrille Chaumette est arrêté par la Feldgendarmerie à son domicile – ainsi que Jeanne, son épouse – et interné à la caserne Foch, réquisitionnée par l’occupant, où son beau-frère est employé.

Le 6 mars, il est « expulsé du Pas-de-Calais et hébergé (sic) au centre Jules-Ferry » à Troyes (Aube) avec son épouse. Il s’agit en fait d’un centre d’internement installé dans une école et géré par l’administration française sous le strict contrôle de l’occupant, et dans lequel se trouvent notamment des ressortissants Britanniques, des Polonais et des Belges (réfugiés ?). En avril probablement, Cyrille Chaumette – comme beaucoup de « refoulés » – fait une demande de rapatriement. Celle-ci est refusée par l’Oberfeldkommandantur de Lille. Dans le courrier l’informant de ce refus, le préfet de l’Aube est avisé « à titre documentaire pour la police spéciale » que l’intéressé « est signalé comme un des éléments turbulent de l’arrondissement de Saint-Omer » qui « aurait déjà fait l’objet de plusieurs condamnations ».

Le 4 juillet, conformément aux instructions (?) du commandant de la Feldkommandantur 531 (Troyes), le Préfet de l’Aube fait arrêter Cyrille Chaumette dans le centre Jules-Ferry et conduire à la prison de Troyes (secteur allemand). Considéré comme « communiste notoire », celui-ci est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 -Polizeihaftlager).

Le 17 juillet, Jeanne Chaumette, enceinte, fait une demande de rapatriement chez ses parents à Saint-Omer – renouvelée le 27 septembre – qui lui est refusée par les autorités allemandes. Mais elle est autorisée à quitter le centre Jules-Ferry pour habiter en ville. Le 22 décembre 1941, elle est admise à la maternité de l’Hôtel-Dieu de Troyes où elle accouche le jour même d’une fille, Ginette. Le 20 janvier 1942, elle retourne dans le Pas-de-Calais avec sa fille après en avoir reçu l’autorisation par l’Oberfeldkommandant de Lille.

Entre fin avril et fin juin 1942, Cyrille Chaumette est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Cyrille Chaumette est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45360, selon les listes reconstituées et la comparaison de la photo du détenu portant ce matricule avec celle collée sur le formulaire de demande de recherche pour un déporté complété le 20 novembre 1945.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Cyrille Chaumette est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À la mi-août 1943, Cyrille Chaumette est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 - où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur des femmes détenues - et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur
des femmes détenues – et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”.
Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blockset Kommandos d’origine.

Affecté au Kommando des installeurs, avec Clément Coudert et Henri Marti, les trois hommes sont amenés à travailler dans le secteur des crématoires de Birkenau (Krematorium IV ou Krematorium V), y creusant le sol pour poser des canalisations d’eau. Un Juif parisien du Sonderkommando leur ouvre les portes d’une chambre à gaz qui vient de remplir son office afin qu’ils puissent témoigner du génocide (femmes et enfants).

Le 20 mai 1944, il adresse à son épouse le dernier courrier qui lui parviendra.

Le 3 août 1944, Cyrille Chaumette est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.

Le 7 septembre 1944 , il est dans le petit groupe de trente “45000” transférés – dans un wagon de voyageurs ! – au KL [1] Gross-Rosen, dans la région de Wroclaw. Il y est enregistré sous le matricule 40986.

En février 1945, le camp est évacué devant l’avancée du front soviétique. Avec quatorze autres “45000”, Cyrille Chaumette fait partie des détenus évacués vers le complexe concentrationnaire de Dora-Mittelbau (matr. 116861). Il est affecté au sous-camp de Dora-Rottleberode. Une archive indique son passage au Revier d’Harzungen entre le 10 et le 29 mars. Le 4 avril, les détenus de ce camp sont évacués dans une marche de la mort qui aboutira à Bergen-Belsen.

Au cours de celle-ci, dans la nuit du 13 au 14 avril 1945, Cyrille Chaumette est « fusillé après une tentative d’évasion », selon le témoignage de Gaston Jannin [2], détenu d’Harzungen pris dans la même colonne d’évacuation.

Le 15 février 1946, celui-ci rédige un « certificat établi pour servir et valoir ce que de droit ».

Ginette, 5 ans, la fille de Cyrille Chaumette, est décédée le 8 janvier 1946 à Saint-Omer.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Cyrille Chaumette (J.O. du 14-11-1987).

Notes :

[1] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilise l’abréviation “KZ”.

[2] Gaston Jeannin , né le 16 juillet 1906 à Reims (51), imprimeur lithographe, militant communiste de Paris 3e, déporté dans le transport de 2073 hommes (55 % rescapés) parti le 12 mai 1944 de Compiègne et arrivé deux jours plus tard au KL Buchenwald, matr. 51326, transféré à Dora-Ellrich, puis Dora-Harzungen, évadé à Roslau lors de l’évacuation le 13 avril 1945. Source : Livre-Mémorial de la FMD, I.211, pages 542-532-543 et 588.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 84, 209 et 210, 285 et 286-289, 290, 350 à 352, 365 et 396 ; Mille otages pour Auschwitz, éd. Graphein, Paris nov. 2000, page 450.
- Yves Le Maner, notice in Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Editions de l’Atelier/Editions Ouvrières, CD-rom, version 1990-1997, citant : Arch. Dép. Pas-de-Calais, M 5 142 – Jean-Marie Fossier, op. cit. ? – État-civil de Saint-Omer.
- Archives départementales de l’Aube, site internet, archives en ligne (310W052, 310W016-301, 310W202-410/426).
- Ady Brille, Les techniciens de la mort, les éditions de la FNDIRP, Paris 1976, 1ère partie, La formation des tueurs, page 37.
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, DMPA, Caen : dossier individuel (21 P 435 588), copie numérique transmise par Laurent Thiery, historien à La Coupole, Helfaut (Pas-de-Calais), directeur scientifique du projet de Dictionnaire biographique des déportés de France passés par le camp de Mittelbau-Dora et ses Kommandos.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 19-05-2019)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.