Louis Castel naît le 8 février 1902 à Lézignan-Corbières (Aude), fils de Jeanne Castel et de père non dénommé.

Il adhère au Parti communiste dès 1922.

Il est membre du Syndicat CGTU des Métallos.

Le 4 août 1926, il est interpellé pour vérification d’identité lors d’une manifestation devant la Chambre des Députés.

Le 14 novembre 1927, il est arrêté pour distribution de tracts (édités par la cellule locale du PC) intitulés Le Réveil de la Société mécanique de Clichy aux abords de cette entreprise.

Le 1er janvier 1928, il entre comme employé municipal à Clichy, jardinier-fossoyeur à l’ancien cimetière jusqu’au 28 mai 1934.

Le 9 février 1930, lors de la conférence tenue rue Mathurin-Moreau, il est élu au comité régional du PC. Il est domicilié 18 avenue Maurouard à Livry-Gargan (Seine-et-Oise). Dans cette période, Raoul Callas, écroué à la Maison d’arrêt de la Santé, sollicite l’autorisation de recevoir sa visite.

Quelques mois plus tard, il se met en ménage avec Sophie Devos, née Sorkin le 2 avril 1903 à Yalta (Russie), se déclarant comme fraiseuse-tourneuse sur métaux, mais militante communiste à plein temps dans les permanences de Gennevilliers, Clichy, Saint-Denis et Saint-Ouen, connue sous le nom de Margot. Ils habitent alors au 48, rue de l’Alma, à Asnières, où ils reçoivent une importante correspondance, notamment des journaux émanant d’organisations révolutionnaires et des brochures du Bureau d’Édition, 132 rue du Faubourg-Saint-Denis à Paris. Sophie Devos utiliserait une machine à écrire le soir et le matin.

Le 7 octobre 1931, à 12h10, il est appréhendé avenue Chandon à Asnières, face à la porte de la Société de carrosserie automobile, pour distribution de tracts intitulés L’Éveil, émanant d’une cellule d’entreprise automobile de Gennevilliers, et conduit au commissariat de police de la circonscription d’Asnières.

En 1933, il arrive à Gennevilliers (92) [1] avec sa compagne, habitant au 15, rue Augustin Guignedoux.

Louis Castel devient secrétaire du rayon de Gennevilliers de la région de la Paris-Ouest du Parti communiste.

Lors des élections de municipales complémentaires de novembre 1934, il est élu sur la liste du Parti communiste, et devient maire-adjoint auprès de Jean Grandel. Il est réélu en mai 1935. Il est au Conseil d’Administration du centre de loisirs de la Maison pour tous, trésorier de l’Œuvre des vacances populaires enfantines de Gennevilliers. Il est également membre de la section locale du Secours populaire de France et vice-président de l’Harmonie municipale de Gennevilliers.

Gennevilliers. L’ancienne mairie. Carte postale oblitérée en 1935. Collection Mémoire Vive.

Gennevilliers. L’ancienne mairie. Carte postale oblitérée en 1935.
Collection Mémoire Vive.

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Partie de boules à Granville (Manche) en 1937.
De gauche à droite : Jean Grandel, alors maire de Gennevilliers,
et Louis Castel, Conseiller Municipal.
© Mairie de Gennevilliers.

En 1936, Louis Castel est l’un des dirigeants des grèves qui mobilisent 25 000 ouvriers de Gennevilliers.

Début 1939, Louis Castel est domicilié au 5, rue du Pressoir à Gennevilliers.

En septembre 1939, il est mobilisé.

Le 9 février 1940, le Conseil de Préfecture de la Seine le déchoit de son mandat municipal « pour appartenance au Parti communiste ».

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Le Populaire, quotidien édité par la SFIO,
édition du 17 février 1940.
Archives de la préfecture de police, Paris.

« Renvoyé dans ses foyers » le 19 juillet 1940, mais revenu de province le 10 octobre, il ne regagne pas son domicile de Gennevilliers, mais s’installe dans la chambre louée depuis plusieurs mois par sa compagne au 27, boulevard de Verdun à Malakoff (92). Il reprend ses activités militantes, dirigeant des groupes de l’O.S. [2] dans la banlieue ouest (secteur Colombes, Courbevoie, Nanterre, Rueil).

Le 29 novembre, Louis Castel est arrêté au domicile de sa compagne par les services du commissariat de police de la circonscription de Puteaux,« à la suite de l’arrestation de plusieurs responsables syndicaux », selon le dictionnaire Maitron s’appuyant sur des attestations d’après guerre. Lors de son arrestation, il est « trouvé porteur de deux tracts “L’Humanité”, de cinq livres d’adresses dont plusieurs correspondaient à d’anciens sympathisants communistes, d’une lettre relative à l’organisation du parti communiste et de plusieurs tickets de métro portant des indications de rendez-vous qu’il [essaie] de dissimuler ». Il déclare aux policiers qu’il était chargé de remettre en place une propagande uniquement syndicale après la démobilisation de l’été précédent, notamment dans les usines de produits chimiques. Suite à cet interrogatoire, il est relaxé. Mais, après qu’il ait quitté le commissariat, il est « trouvé deux tracts L’Humanité n° 90 de novembre 1940 et une lettre émanant de communistes italiens. ».

En conséquence, le 3 novembre, il est de nouveau appréhendé à son adresse de Malakoff. C’est peut-être alors que les policiers découvrent porteur de « cinq livres d’adresses dont plusieurs correspondaient à d’anciens sympathisants communistes, d’une lettre relative à l’organisation du parti communiste et de plusieurs tickets de métro portant des indications de rendez-vous qu’il [essaie] de dissimuler ».Le 13 décembre, Louis Castel est inculpé d’« infraction aux décrets du 26 septembre 1939 », et conduit au dépôt de la préfecture de police. Puis il est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

Le 11 février 1941, la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine le condamne à 18 mois d’emprisonnement. Il est transféré à la Maison d’arrêt de Fresnes (94). Le 8 avril, la 10e chambre de la Cour d’appel de Paris confirme la sentence. Louis Castel est transféré à la Maison centrale de Melun (Seine-et-Marne).

Melun. La maison centrale à la pointe amont de l’île Saint-Étienne, sur la Seine. Carte postale non datée (années 1900). Collection Mémoire Vive.

Melun. La maison centrale à la pointe amont de l’île Saint-Étienne, sur la Seine.
Carte postale non datée (années 1900). Collection Mémoire Vive.

Il est libérable le 26 février 1942, mais, à l’expiration de sa peine et avec l’accord du ministère de l’Intérieur, le préfet de police ordonne son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939 ; à sa sortie de prison, deux inspecteurs des Renseignement généraux viennent le prendre en charge pour le conduire au dépôt de la préfecture de police (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité).

Le 16 avril, Louis Castel est transféré au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir) – matricule 111 – où il apprend l’espagnol, fait des mathématiques supérieures.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943. © Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943.
© Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Le 10 mai, il est parmi les 81 détenus remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), où il est enregistré sous le matricule n°5721.

Le camp vu depuis le mirador central. Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”) Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, Louis Castel est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Le 8 juillet 1942, Louis Castel est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45339 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [3]).
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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Louis Castel se déclare alors sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Louis Castel est très probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

En effet, à une date restant à préciser, il est admis au Block 28 (“convalescent”) de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I.

Il meurt à Auschwitz le 11 août 1942, selon le registre d’appel quotidien (Stärkebuch) et l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [4] ; un mois après l’arrivée du convoi.
Après la Libération de Paris et de sa banlieue, et dans l‘ignorance de son sort, il est élu membre de la délégation spéciale chargée d’administrer provisoirement la commune d’Aubervilliers.

Les mentions « Mort pour la France » (3-06-1946) et « Mort en déportation » (5-10-1987) ont été portées sur les actes d’état civil. Louis Castel est homologué comme “Déporté politique”.

Il est considéré comme sergent dans la Résistance intérieure française au titre du Front national [5] (n° 15153).

Son nom est inscrit sur la plaque commémorative dédiée aux Conseillers municipaux morts pour la France (hall de la Mairie de Gennevilliers).

Après la guerre, la municipalité de Gennevilliers donne le nom de Louis Castel à l’ancienne rue G.-H.-Marsaud.

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Inauguration de la rue Louis Castel (© mairie de Gennevilliers).

La rue Louis Castel est inaugurée le 21 septembre 1947, par le Député-Maire et Conseiller Général de la Seine, Waldeck L’Huillier. Au cours des allocutions, il sera rappelé, concernant le déporté disparu « son intelligence et son extraordinaire capacité de travail. Très cultivé, c’est un administrateur exceptionnel. Doux, bon, calme et posé ».

Notes :

[1] Gennevilliers : Jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] O.S. : “organisation spéciale”, premiers groupes armés du PCF clandestin, chargés de protéger les distributeurs de tracts ou les militants prenant la parole en public. Ces résistants intégreront les Francs tireurs et partisans (FTP) à leur création.

[3] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n°21 de mai-juin 1948).

[4] Différence de date de décès avec celle inscrite au Journal Officiel : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – s’appuyant sur le ministère des Anciens combattants qui avait collecté le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Louis Castel, c’est le 15 septembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. La parution au J.O. rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

[5] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN”, jusqu’à son changement d’appellation le 1er juin 2018).

Sources :

- Son nom et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
- Patrice Castel, petit-neveu de Louis Castel.
- Jean Maitron et Claude Pennetier, notice dans le Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de J. Maitron, tome 21, page 285.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 355, 382 et 398.
- Cl. Cardon-Hamet, notice réalisée pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” du nord des Hauts-de-Seine, citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense (fichier national) – Archives municipales de Gennevilliers (liste des déportés, nom des rues, texte du discours d’inauguration de la rue).
- Archives nationales : correspondance de la Chancellerie sur des procès pour propagande et activité communistes, BB18 7043.
- Archives de Paris : jugements du tribunal correctionnel de la Seine, 8 et 10 février 1941, cote D1u6 3710.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : carton PC 4, “Activités…” ;  dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 1438-13033) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 780-31678).
- Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys : cabinet du préfet sous l’occupation, situation des internés (M11403) ; prison de Melun (SC51236).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 159 (19526/1942) ; son prénom est orthographié « Lois ».

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 16-10-2023)

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