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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Maurice, Jacques, Cartron naît le 20 mars 1921 à Paris (75), fils de Marcel Cartron et d’Antoinette Soulier (ou Soulié), 19 ans (laquelle décède prématurément).

Pendant un temps (1926-1931), Maurice Cartron habite chez ses grands-parents maternels, Antoine Soulier et Marie, née Brunie, alors cultivateurs (métayers) au lieu-dit Lachal à Bilhac (ou Billac), en Corrèze.

À partir d’octobre 1935 (il a 14 ans) et jusqu’à son arrestation, Maurice Cartron est domicilié chez sa tante, Madame Delpech, concierge de l’immeuble abritant l’École d’odontologie de Paris au 5, rue Garancière à Paris 6e, faisant face à la rue Palatine. Peut-être est-il venu y vivre afin de poursuivre ses études, car il devient mécanicien-dentiste. Il est célibataire.

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Paris. La rue Garancière dans les années 1900.
Au chevet de l’église Saint-Sulpice.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

À partir de l’été 1938, alors âgé de 17 ans, il travaille chez un chirurgien-dentiste dont le cabinet est situé au 130, rue du Faubourg-Saint-Honoré (Paris 8e).

Sous l’occupation, du mois de mai 1941 jusqu’à son arrestation, il est employé de bureau dans l’administration du commissariat général aux questions juives, au 1 place des Petits-Pères (Paris 2e), dépendant du ministère des Finances.
Il est alors inconnu des services de police (Renseignements généraux). Dans un rapport ultérieur, il est présenté comme étant au privé « exalté et d’un caractère peu sociable ».
Le 28 juin 1941, à 21 heures, il est appréhendé par des gardiens de la paix en civil du commissariat de police du quartier Odéon au moment où il sort du débit de boisson La Bonbonnière, sis au 97 boulevard Saint-Germain (derrière la statue de Danton), dans lequel il vient de tenir des propos provocateurs : « Je suis communiste. Moi et les jeunes communistes nous ne faisons qu’un. J’ai fait de la propagande et, pour l’instant, je me contente d’entretenir l’ardeur de mes jeunes camarades. Mais attendez, un jour viendra où nous pourrons parler un peu plus haut. Il nous faudra foutre d’abord les flics dans un trou et alors, là, nous ferons notre révolution à nous ». Interpellé, il reconnaît s’être vanté d’être communiste, mais nie avoir tenu les autres propos qui lui sont imputés. Fouillé, il n’est trouvé porteur d’aucun document et la perquisition effectuée à son domicile reste infructueuse. Envoyé au Dépôt, à la disposition du procureur de la République, sous l’inculpation d’infraction à l’article 3 du décret du 26 septembre 1939 (diffusion de mots d’ordre de la IIIe Internationale), il est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e), dès le lendemain.Le 11 juillet suivant, Maurice Cartron comparaît – seul – devant la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine pour « propagande communiste et outrage » qui le condamne à trois semaines d’emprisonnement. Il fait appel de sa condamnation auprès du procureur de la République. Le lendemain, il est conduit à la Maison d’arrêt de Fresnes (Seine / Val-de-Marne). Le 20 juillet, il est libéré.
À partir du 8 septembre, il reprend son activité de mécanicien-dentiste dans un cabinet situé au Vésinet (Seine-et-Oise), au 38 ter rue Alphonse-Pothier.Le 24 octobre 1941, la section de la cour d’appel de Paris « considérant qu’il ne résulte pas de preuve que l’inculpé se soit livré depuis moins de dix ans dans le département de la Seine à une activité ayant pour but de propager les mots d’ordre de la IIIe Internationale, le relaxe, le condamne aux dépens, et se déclare incompétente pour le deuxième chef d’accusation ».
Le 28 avril 1942, Maurice Cartron est arrêté par « un inspecteur de la police française, accompagné d’un soldat allemand », lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine, et interné le même jour au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp vu depuis le mirador central.  Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)  Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Maurice Cartron est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le matricule 45337, numéro correspondant à l’ordre alphabétique dans la liste du convoi reconstituée par Claudine Cardon-Hamet.
Après les premières procédures (tonte, désinfection, uniforme, photo), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la “solution finale” (le génocide des Juifs européens), ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire qui parachève leur enregistrement, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – tous ayant passés cinq jours à Birkenau – une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers utilisant certains ouvriers spécialisés. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Maurice Cartron.

Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [1]). Il a vingt-et-un ans.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 7-08-2007).

Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Bilhac, place de la Mairie, parmi les quatre victimes de la période 1940-1945.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 371 et 398.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : « témoignage de sa femme » (date ?), Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (dossier individuel).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; archives du cabinet du préfet (1W610), dossier de Cartron Maurice (26881).
- Archives de Paris ; archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 5 juin au 22 septembre 1941 (D1u6-5857).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 158 (31618/1942).
- Site MémorialGenWeb, relevé de Philippe Gawski (06-2009).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 25-05-2017)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.