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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Eugène, Alexandre, Beaudoin naît le 10 septembre 1907 à Port-Brillet (Mayenne), chez ses parents, Léon, Joseph, Paul Beaudoin, 29 ans, forgeron, et d’Adélaïde Joséphine Foucher, 27 ans, son épouse ; les témoins pour l’enregistrement du nouveau-né à l’état civil sont un instituteur et un réceptionnaire de la commune.

Le 22 septembre 1926, à Caen (Calvados – 14), Eugène Beaudoin, alors manœuvre, domicilié au 44 rue Guilbert, se marie avec Marguerite Coïc, née le 23 septembre 1904 à Lannion (Côtes-du-Nord / Côtes-d’Armor), couturière, habitant jusque-là chez ses parents, cours Cafarelli.

Le couple a deux filles : Solange Léone, née le 31 janvier 1927, et Christiane Marguerite, née le 22 février 1928, toutes deux à Caen.

Un temps docker sur le port de Caen, Eugène Beaudoin travaille comme terrassier à Houlgate au moment de son arrestation.

« Grande gueule et un cœur d’or. Une force de la nature, pétri de bonté », selon André Montagne, de Caen.

Communiste, Eugène Beaudoin cesse toute activité militante en 1939, mais continue à fréquenter ses anciens camarades.

En 1936 et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée rue du Nouveau-Monde à Mondeville, agglomération de Caen (14).

En juillet 1941, Eugène Beaudoin purge une peine pour « vol au préjudice de l’armée allemande ».

Le 21 octobre de la même année, il est de nouveau arrêté, en même temps que Jean Maurice, maire de Mondeville. Dix jours plus tard, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le 24 octobre, Eugène Baudoin est inscrit sur une liste d’otages, détenus en différents endroits, établie par la Feldkommandantur 723 de Caen.

Le 20 janvier 1942, il figure (n° 9) sur une liste de onze otages communistes du Calvados internés à Compiègne pour lesquels cette Feldkommandantur demande à son échelon supérieur une « vérification » avant de les proposer pour l’exécution.

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Cinq futurs “45000” figurent sur cette liste d’hommes pouvant être fusillés ; le tampon « Geheim » signifiant « Secret »).

Entre fin avril et fin juin 1942, Eugène Beaudoin est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Eugène Beaudoin est enregistré à Auschwitz sous le numéro 45207 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Eugène Beaudoin est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

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Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».
« Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive.

Le 24 octobre, il est inscrit sur un registre de l’ “hôpital” d’Auschwitz, au Block 21 (chirurgie).

Le 11 mai et le 30 juin 1943, il est soumis à une séance de radiographie.

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À la mi-août 1943, Eugène Beaudoin est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11. Pour le partage des colis, il fait équipe avec Marcel Cimier, Roger Pourvendier et Maurice Le Gal.

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Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient
les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues –
et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage
de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

À la fin de cette période, Louis Eudier, du Havre, un nommé « Baudoin », Robert Gaillard, de Petit-Quevilly, et un « camarade de Bordeaux » (probablement Gabriel Torralba) sont sévèrement battus par le “bourreau” Jacob et le Blockführer SS, pour avoir essayé d’ « organiser » deux pains lors d’une corvée de ravitaillement. Puis ils sont enfermés ensemble avec un détenu soviétique dans une Stehzelle (cellule à rester debout) au sous-sol du Block (le Bunker). Ils y restent plus de 24 heures et pensent y mourir. Mais, le 23 novembre 1943, le nouveau chef de camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, décide d’inspecter le Block 11. Comme le Blockführer SS ne les a pas inscrit sur le registre du Bunker (une faute !), il envoie un soldat les faire sortir et rejoindre leurs camarades au premier étage.

Le 12 décembre, après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, les politiques français du Block 11 sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Le 21 mars 1944, Eugène Beaudoin est soumis à une nouvelle séance de radiographie.

Le 3 août 1944, il est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.

Le 7 septembre 1944 , Eugène Beaudoin est dans le petit groupe de trente “45000” transférés – dans un wagon de voyageurs ! – au KL [1] Gross-Rosen, dans la région de Wroclaw (matricule 40972).

Le 10 février 1945, il est parmi les dix-huit “45000” transférés à Hersbrück, Kommando du KL Flossenburg (n° 84341).

Le 8 avril, avec les mêmes camarades, il est intégré dans une colonne de détenus évacués à marche forcée vers le KL Dachau, où les survivants arrivent le 24 avril (n° 160247).

Le 29 avril 1945, Dachau est libéré par l’armée américaine et Eugène Beaudoin rentre en France via Strasbourg, le 16 mai.

Il décède le 25 février 1963, âgé de 55 ans. Marguerite, son épouse, décède le 18 septembre 1966, tous deux à Mondeville.

Notes :

[1] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

 

Sources :

- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, pages 70, 81, notice par Claudine Cardon-Hamet page 127.
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 259 à 262, 350, 362 et 394.
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) : courriers de la Feldkommandantur 723 de Caen, XL III-85 et XL III-79 (n°9).
- Louis Eudier (45523), Notre combat de classe et de patriotes, 1934-1945, imprimerie Duboc, Le Havre, sans date (2-1973 ou 1977 ?), pages 99 à 102.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach), relevé dans les archives (01-2009).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 12-09-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.