Droits réservés.

Droits réservés.

Fernand, Auguste, Barthélémy naît le 25 mars 1911 à Paris 4e.

À partir de 1928, il est contrôleur d’atelier (contrôleur de fabrication en métallurgie) aux usines Renault de Billancourt [1] (92).

Boulogne-Billancourt, place Jules-Guesde, entrée des usines Renault. Collection Mémoire Vive.

Boulogne-Billancourt, place Jules-Guesde, entrée des usines Renault. Collection Mémoire Vive.

Le 9 novembre 1940, il arrêté à son domicile par la police française. Le jour même, le préfet de police de Paris signe un arrêté collectif ordonnant son internement administratif parmi soixante-dix militants. Fernand Barthélémy est conduit aussitôt au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois d’octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt afin d’y enfermer des hommes connus de la police pour avoir été militants communistes avant-guerre.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan, le pavillon qui fut transformé en camp d’internement. Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan, le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.
Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Le 4 décembre, Fernand Barthélémy fait partie d’un groupe d’une centaine de militants communistes chevronnés transférés, par mesure préventive ou disciplinaire (?), à la Maison centrale de Fontevraud-L’Abbaye [2], près de Saumur (Maine-et-Loire) ; leur transport s’effectue en car et sous escorte. Les détenus sont enfermés dans une grande salle commune de la Centrale.

     Fontevraud, l’ancien réfectoire des moines.     Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive.


Fontevraud, l’ancien réfectoire des moines.
Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive.

Sur un mur de l’ancienne Maison centrale en 2021… © Ginette Petiot.

Sur un mur de l’ancienne Maison centrale en 2021…
© Ginette Petiot.

Le 20 ou 21 janvier 1941, sans être informée de leur destination, la centaine d’internés est conduite à la gare de Saumur où les attentent deux wagons de voyageurs à destination de Paris-Austerlitz. À leur arrivée, ils sont conduits à la gare de l’Est où ils rejoignent 69 autres militants communistes en attente de transfert.

Ce nouveau convoi les amène à la gare de Clairvaux d’où ils sont conduits – par rotation de vingt détenus dans un unique fourgon cellulaire – à la Maison centrale de Clairvaux (Aube). Rejoints par d’autres, ils sont bientôt 300 internés politiques.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Le 14 mai, une centaine d’internés administratifs de Clairvaux est transférée au camp de Choisel à Châteaubriant (Loire-Atlantique), parmi lesquels plusieurs seront fusillés le 22 octobre. Fernand Barhélémy fait partie de ceux qui sont maintenus dans la centrale.Le 23 septembre, J.-P. Ingrand, préfet délégué du ministre de l’Intérieur dans les Territoires occupés (à Paris) demande au préfet de l’Aube de retirer de Clairvaux les internés administratifs qui y sont « hébergés » (sic !) ; son ordre est rapidement exécuté.

Le 26 septembre, Fernand Barthélémy est parmi les 37 internés administratifs de Clairvaux transférés au camp français de Gaillon (Eure), un château Renaissance isolé sur un promontoire surplombant la vallée de la Seine et transformé en centre de détention au 19e siècle, puis en caserne.

Le château de Gaillon. Les internés sont assignés au pavillon Colbert, le haut bâtiment transversal de l’arrière plan (qui a perdu sa toiture après la guerre). Carte postale envoyée en 1955. Collection Mémoire Vive.

Le château de Gaillon. Les internés sont assignés au pavillon Colbert,
le haut bâtiment transversal de l’arrière plan (qui a perdu sa toiture après la guerre).
Carte postale envoyée en 1955. Collection Mémoire Vive.

Le 4 mai, Fernand Barthélémy fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir). Enregistré sous le matricule n° 268, il n’y reste que deux semaines.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943. © Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943.
© Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Le 20 mai, il fait partie d’un groupe de 28 détenus remis aux “autorités d’occupation” à leur demande et conduits par des gendarmes français au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Enregistré sous le matricule 5786, il est pendant un temps (fin juin 1942) affecté au bâtiment C1, chambrée 10.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C.     L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Fernand Barthélémy est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus de Royallieu sélectionnés sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Fernand Barthélémy est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45200 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [3].

Auschwitz-I, le 8 juillet 1942. Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oswiecim, Pologne. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Fernand Barthélémy est dans la moitié des membres du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp (selon Georges Dudal, rescapé), alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.

Fernand Barthélémy meurt à Auschwitz au cours du mois de novembre 1942, selon une annexe récapitulative du registre des décès du camp [4].

Le 14 août 1945, sa sœur écrit à une institution (?) pour lui demander de bien vouloir effectuer des recherches au sujet de son frère « destination Auschwitz ou Birkenau, sans aucune nouvelle depuis » ; réponse à adresser au 20, avenue Joseph-Froment.

Le 16 avril 1946, sa veuve remplit une demande d’établissement d’un acte de décès au nom de son mari avec inscription de la mention « Mort pour la France ». Le 26 juin, l’officier d’état civil auprès du « bureau de l’état civil déportés » du Ministère des anciens combattants et victimes de guerre (ACVG) établi l’acte de décès de Fernand Barthélémy « sur la base des éléments d’information figurant au dossier du de cujus », indiquant le 15 août 1942 comme date de sa mort et transcrit en marge de son acte de naissance le 7 juillet 1946.

Ses deux enfants, Josiane et Pierre, sont reconnus pupilles de la Nation.

Le 29 août 1950, Renée Barthélémy complète un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’attribution du titre de “Déporté politique” à son mari. Le 27 mai 1952, la commission départementale rend un avis favorable et le ministère lui reconnaît ce statut le 30 septembre suivant. Le 14 octobre, Madame Veuve Barthélémy reçoit la carte n° 1101 02331.

Pendant, un temps, elle devient commerçante à la Garenne-Colombes. Elle milite au sein de la FNDIRP jusqu’en 1986.

Suivant les dispositions de l’arrêté du 7 mai 1987 (J.O. du 30 juin), la mention « mort en déportation » est portée en marge de l’acte de décès de Fernand Barthélémy (de manière effective le 11 août).

Notes :

[1] Boulogne-Billancourt et La Garenne-Colombes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Fontevraud-L’Abbaye, souvent orthographié Fontevrault-L’Abbaye au 19e siècle.

[3] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n°21 de mai-juin 1948).

[4] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Fernand Barthélémy, c’est le 15 août 1942 – soit le milieu du mois – qui a été retenu pour certifier son décès (26-06-1946). Leur publication au Journal officiel rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 382 et 394.
- Claudine Cardon-Hamet, notice réalisée pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” du nord des Hauts-de-Seine (2005), citant : Témoignage de Jean Thomas, de Boulogne (46144) – Lettre de Solange Filloux, sa sœur (30/8/1988) – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier national).
- Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, tome 18, page 191.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; relevé dans les archives, Sterbe Annex (01-2009).
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Fernand Barthélémy (21 p 421 667), recherches de Ginette Petiot (message 08-2014).

Sylvie PECQEUX, sa petite-fille

(nouvelle rédaction à venir…)