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Fernand, Auguste, Rimlinger naît le 25 mars 1911 dans une maternité au 70 rue de Saint-Louis-en-l’Île à Paris 4e, fils de Flore Rimlinger, 21 ans, brodeuse, domiciliée au 9 rue d’Arras, et de “père non dénommé”. Il a – au moins – une sœur, Solange Rimlinger, née le 15 septembre 1913 chez une sage-femme au 177 boulevard de la Gare/Vincent-Auriol (Paris 13e). Leur mère est alors domiciliée au 31 bis rue Linné à Paris 5e, où habite également Auguste Barthélémy.
Le 4 août 1915, les deux enfants sont légitimé par le mariage à la mairie d’Argenteuil (Seine-et-Oise / Val-d’Oise) de leur mère avec Auguste Barthélémy, 30 ans, employé de commerce alors mobilisé, dont ils prennent le patronyme. Dès le 3 août 1914, celui-ci avait été rappelé à l’activité militaire et avait rejoint le 166e régiment d’infanterie.
Le 1er décembre 1915, il est nommé caporal. Le 26 février 1916, il est blessé. Le 3 octobre suivant, il passe au 1er groupe d’aviation. Le 27 décembre 1916, il passe au 2e groupe d’aviation. Le 3 mars 1919, il est démobilisé et se retire au 31 bis rue Linné.
En janvier 1922, la famille habite au 20 avenue Joseph-Froment à La Garenne-Colombes [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92).
Fernand Barthélémy commence à travailler comme apprenti-orfèvre (en 1926), puis devient ouvrier en orfèvrerie
À partir de 1928, il est contrôleur d’atelier (contrôleur de fabrication en métallurgie) aux usines Renault de Billancourt [1] (92).
Il “fréquente” Renée Émilie Marie Robert, née le 5 janvier 1910 à Rennes (Ille-et-Vilaine). Celle-ci a une fille, Josiane, née le 11 janvier 1929 à Paris 15e.
De la classe 1931, Fernand Barthélémy est exempté de service militaire.
Au recensement de 1936, il est déclaré habitant encore chez ses parents, ainsi que sa sœur.
Adhérent au syndicat des techniciens de la Métallurgie de 1936 à 1939, il est délégué syndical CGT. Adhérent au Parti communiste en 1936, il est également trésorier dans un secteur de l’usine Renault en 1939.
Le 30 juillet 1938 à la Garenne-Colombes, Fernand Barthélémy épouse Renée Robert, mécanicienne, alors domiciliée dans un immeuble au 20 rue Traversière à Boulogne-Billancourt. Ils auront un deuxième enfant, Pierre Fernand, né le 23 juin 1940 à Courbevoie.
Le 24 novembre 1938, le grand mouvement revendicatif que le Parti communiste veut lancer contre les décrets-lois du gouvernement Daladier annulant les acquis du Front populaire doit débuter aux usines Renault, pour culminer en grève générale quelques jours plus tard. Avec d’autres cadres syndicaux (Yves Kermen…), Fernand Barthélémy lance le mot d’ordre de débrayage dans certains ateliers (ex. : département usinage moteurs n° 7). C’est ce que révèlent des interrogatoires menés ultérieurement auprès de l’encadrement de l’usine par la police qui enquête sur des « entraves au travail ». Si Barthélémy ne figure pas sur la listes des 300 employés de l’usine arrêtés par la police pour ce motif, il est cependant licencié par l’entreprise.
Lors de la mobilisation (en novembre 1939), il est mobilisé comme “affecté spécial” au titre de contrôleur de pièces (vérificateur de fabrication) dans l’usine de la Société anonyme des ateliers d’aviation Louis Bréguet d’Aubervilliers, 28 rue du Pilier ; une usine très récente mais de taille moyenne, n’employant guère plus de 300 ouvriers, où l’on fabrique des ailes d’avions pour les appareils bimoteurs d’attaque au sol de type 691 et 693.
À partir de 1940 et jusqu’au moment de son arrestation, Fernand Barthélémy est domicilié au 29, avenue Joseph-Froment à La Garenne-Colombes ; à proximité de chez ses parents.
Pendant la “drôle de guerre”, il participe à un réseau de diffusion de propagande communiste clandestine au sein de son entreprise.
Le vendredi 29 mars 1940, il est arrêté sur son lieu de travail à la suite d’une dénonciation. La perquisition opérée ensuite à son domicile amène la découverte de documents en rapport avec l’activité du Parti communiste avant-guerre, parmi lesquels le livret militaire d’Arthur Dallidet et une liste d’anciens responsables avec leurs adresses. Interrogé au commissariat de Courbevoie, Fernand Barthélémy nie alors toute activité politique postérieure à la dissolution du Parti. Il est cependant conduit à la préfecture de police.
Le lendemain, samedi 30 mars, son affaire est transmise à la toute nouvelle brigade spéciale (BS1), créée au sein de la direction des Renseignements généraux (R.G.), composée d’une quinzaine d’inspecteurs dirigés par le commissaire André Baillet. Jusqu’alors, les R.G. n’étaient pas habilités à diligenter des enquêtes, mais restaient cantonnés à l’observation dans les milieux politiques et syndicaux ; la création d’une brigade répressive qui recherche, identifie, surveille, arrête et interroge les militants communistes constitue alors une petite révolution dans les méthodes policières. Confrontés à ces professionnels de l’enquête, les militants clandestins – pour la plupart des ouvriers ordinaires encore peu avertis de ces méthodes – vivront les séances d’interrogatoire de manière très déstabilisante.
Harcelé des questions, Fernand Barthélémy finit par reconnaître avoir imprimé des “papillons” sur une petite imprimerie d’enfant avec des caractères en caoutchouc – trouvée dans la perquisition – et les avoir apportés dans l’usine. Il admet également avoir reçu des tracts de différents ouvriers de l’usine.
Après quoi, il est envoyé au dépôt (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité) sous l’inculpation d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939.
Le lundi 1er avril, déféré à la justice militaire avec plusieurs autres inculpés, il est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).
Les inspecteurs de la B.S. poursuivent leurs perquisitions et les interrogatoires d’autres suspects. En moins d’une semaine, l’affaire des tracts de l’usine Breguet est éclaircie.
Médiatiquement parlant, les autorités policières semblent préoccupées d’exploiter ce succès. Dès le 6 avril, le surlendemain de sa clôture, la presse fait état des résultat de cette enquête. Le titre en première page varie d’une feuille à l’autre : « Nouvelles arrestations de communistes. Il s’agit cette fois de l’état-major de Paris-Nord » (Le Petit Parisien) ; « Dix-neuf militants communistes sont arrêtés par la préfecture de police. Ils constituaient l’état-major moscoutaire dans la région Paris-Nord » (Le Matin). L’article étant rédigé en des termes semblables, cela donne à penser qu’il a été écrit par un organisme officiel, à la préfecture de police ou dans les services du ministère de l’Information, et à peine démarqué par les journaux. À l’évidence, l’affaire est délibérément grossie. Elle semble porter sur « les usines de la banlieue nord », alors qu’elle ne concerne que l’usine Breguet d’Aubervilliers, qui n’est d’ailleurs pas citée. Pour donner l’impression d’une organisation particulièrement structurée, on désigne par les termes ronflants de « service central de propagande » et de « centre régulateur » les modestes moyens mis en œuvre par les militants.
L’affaire est soumise au deuxième tribunal militaire permanent de Paris, puisqu’en vertu de l’état de siège les juridictions militaires sont susceptibles de connaître de tous crimes et délits intéressant la défense nationale, l’autorité militaire, qui ne peut matériellement se substituer à la totalité des causes, restant libre de se saisir des affaires. C’est le cas pour les affaires politiques.
Le 10 juin 1940, devant l’avance des troupes allemandes vers Paris, qu’elles investiront au matin du 14 juin, les 1558 détenus de la Santé sous juridiction militaire, ainsi que les 297 détenus de la prison militaire du Cherche-Midi, sont évacués en autobus ou en camions militaires vers Orléans. Une petite moitié d’entre eux séjourne au camp militaire des Grouës, à proximité de la gare des Aubrais. Les autres poursuivent vers Montargis pour s’arrêter à Cepoy, dans une ancienne verrerie qui a servi pour quelques mois à l’internement d’étrangers. Tous reprennent la route le samedi 15 juin, au petit matin à Cepoy, en fin d’après-midi à Orléans. C’est à l’occasion de cette deuxième évacuation, qui se poursuit à pied, que de nombreux détenus réussissent à s’échapper. Il s’agit essentiellement des détenus de la colonne de Cepoy – un exode particulièrement dramatique et émaillé d’exécutions sommaires – dont la plus grande partie réussit soit à s’évader purement et simplement, soit sont rejoints par l’armée allemande qui les laissent s’égailler dans la nature. C’est dans ce contexte que Fernand Barthélémy parvient à s’échapper, comme six autres préventionnaires de son affaire. Mais l’action de la justice militaire française n’est pas éteinte…
Le 20 juin 1940, sur les 1865 prisonniers au départ de Paris, seuls 1020 rejoignent finalement le camp de Gurs près d’Oloron-Sainte-Marie (Pyrénées-Atlantiques) après un périple très éprouvant de dix jours. Parmi eux, six des treize hommes resté incarcérés à la Santé au titre de l’affaire d’Aubervilliers. Dès le 10 juillet, le commandant du camp de Gurs insiste pour hâter l’instruction, mettant l’accent sur le caractère sommaire du camp, le mélange des détenus, l’importance du nombre de ceux qui professent des opinions subversives, pour conclure à l’urgence de « l’internement de ces mauvais sujets dans un endroit plus approprié ». Le 7 novembre, le camp est vidé de ses derniers préventionnaires par le transfert de 300 d’entre eux, accompagnés de 120 hommes d’escorte et de surveillants, au camp de Mauzac en Dordogne.
Entre temps, après l’armistice, Fernand Barthélémy est rentré chez lui. Il semble être au chômage au moment de son arrestation.
Le 9 novembre 1940, désigné comme « responsable d’un secteur » (?), il est de nouveau arrêté, à son domicile, par la police française. Le jour même, le préfet de police de Paris signe un arrêté collectif ordonnant son internement administratif parmi soixante-dix militants. Fernand Barthélémy est conduit aussitôt au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois d’octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt afin d’y enfermer des hommes connus de la police pour avoir été militants communistes avant-guerre.
Le 4 décembre, Fernand Barthélémy fait partie d’un groupe d’une centaine de militants communistes chevronnés transférés, par mesure préventive ou disciplinaire (?), à la Maison centrale de Fontevraud-L’Abbaye [2], près de Saumur (Maine-et-Loire) ; leur transport s’effectue en car et sous escorte. Les détenus sont enfermés dans une grande salle commune de la Centrale. Ils apprennent que 70 communistes purgent une peine dans le secteur carcéral.
Le 20 ou 21 janvier 1941, sans être informée de leur destination, la centaine d’internés est conduite à la gare de Saumur où les attentent deux wagons de voyageurs à destination de Paris-Austerlitz. À leur arrivée, ils sont conduits à la gare de l’Est où ils rejoignent 69 autres militants communistes en attente de transfert.
Ce nouveau convoi les amène à la gare de Clairvaux d’où ils sont conduits – par rotation de vingt détenus dans un unique fourgon cellulaire – à la Maison centrale de Clairvaux (Aube). Une fois arrivés, la direction les contraint à échanger leurs vêtements civils contre la tenue carcérale, dont un tour de cou bleu (“cravate”) et un béret. Ceux qui refusent sont enfermés une nuit en cellule (“mitard”), tandis que la plupart sont assignés à des dortoirs. Rejoints par d’autres, ils sont bientôt 300 internés politiques.
Le 15 février, le tribunal militaire permanent de la 12e région militaire rédige une ordonnance de renvoi visant les vingt-quatre prévenus de l’affaire d’Aubervilliers. Dès la fin du mois de février, une vaste opération est menée pour appréhender les personnes recherchées. Huit d’entre elles sont ainsi successivement arrêtées à leur domicile par la gendarmerie française, conduites d’abord au commissariat de police le plus proche, puis incarcérés à la Santé, ou à la Roquette pour les femmes. Le 8 mars, la citation à comparaître est transmise par un lieutenant de gendarmerie aux cinq détenus encore présent à Mauzac. L’audience s’ouvre le 17 mars 1941 au palais de justice de Périgueux (Dordogne). Le verdict est clément pour les accusés présents à l’audience. Mais aucun des huit accusés qui sont sous les verrous dans les prisons parisiennes depuis environ un mois et demi n’a été informé de la tenue du procès, pas plus que l’interné administratif Fernand Barthélémy. Or, les accusés absents sont lourdement condamnés : Fernand Barthélémy et six autres prévenus se voient infliger la peine maximale : cinq ans de prison, 5000 francs d’amende et dix ans de privation de droits civiques. Neuf autres sont également condamnés à des peines de prison.
Cette sanction judiciaire ne “rejoindra” pas Fernand Barthélémy…
Le 14 mai, une centaine d’internés administratifs de Clairvaux est transférée au camp de Choisel à Châteaubriant (Loire-Atlantique), parmi lesquels plusieurs seront fusillés le 22 octobre. Fernand Barhélémy fait partie de ceux qui sont maintenus dans la centrale, et qui doivent bientôt partager les locaux qui leur sont assignés avec quelques “indésirables” (condamnés de droit commun).
Le 23 septembre, J.-P. Ingrand, préfet délégué du ministre de l’Intérieur dans les Territoires occupés (à Paris) demande au préfet de l’Aube de retirer de Clairvaux les internés administratifs qui y sont « hébergés » (sic !) ; son ordre est rapidement exécuté.
Le 26 septembre, Fernand Barthélémy est parmi les 37 internés administratifs de Clairvaux (politiques et “droits communs” ensemble) transférés au camp français de Gaillon (Eure), un château Renaissance isolé sur un promontoire surplombant la vallée de la Seine et transformé en centre de détention au 19e siècle, puis en caserne.
Le 3 février 1942, son épouse – qui a appris « que des mesures de clémence venaient d’être prises par certains préfets », écrit au préfet de l’Eure afin de lui demander de bien vouloir examiner le dossier de son mari. Quatre jours plus tard, le haut fonctionnaire lui répond qu’il lui est impossible, « dans les circonstances actuelles », de réserver un accueil favorable à sa requête.
Selon une note de la police (RG ?) datée du 18 février 1942, Fernand Barhélémy figure sur une liste de 43 « militants particulièrement convaincus, susceptibles de jouer un rôle important dans l’éventualité d’un mouvement insurrectionnel et pour lesquels le Parti semble décidé à tout mettre en œuvre afin de faciliter leur évasion », et qui sont pour la plupart internés au camp de Gaillon.
En avril, la délégation générale du ministère de l’Intérieur à Paris téléphone pour proposer sa libération, ce qui entraîne son audition par le directeur du camp le 23 avril.
Le 4 mai, Fernand Barthélémy fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir). Enregistré sous le matricule n° 268, il n’y reste que deux semaines.
Le 20 mai, il fait partie d’un groupe de 28 détenus remis aux “autorités d’occupation” à leur demande et conduits par des gendarmes français au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Enregistré sous le matricule 5786, il est pendant un temps (fin juin 1942) affecté au bâtiment C1, chambrée 10.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.
Entre fin avril et fin juin 1942, Fernand Barthélémy est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 4 juillet, son épouse écrit à Fernand (de) Brinon, ambassadeur délégué du gouvernement français dans les territoires occupés, afin de solliciter sa libération, utilisant les mêmes termes que dans ses courriers précédents.
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus de Royallieu sélectionnés sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Fernand Barthélémy est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45200 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [3].

Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Fernand Barthélémy est dans la moitié des membres du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp (selon G. Dudal, voir ci-dessous), alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.
Le 31 juillet, en réponse à une demande du délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés, le préfet de police écrit : « aucun fait nouveau ne militant en faveur de Barthélémy, j’estime inopportune, dans les circonstances actuelles, toute mesure de clémence à l’égard de cet interné ».
Fernand Barthélémy meurt à Auschwitz au cours du mois de novembre 1942, selon une annexe récapitulative du registre des décès du camp [4].
Le 14 août 1945, sa sœur écrit à une institution (?) pour lui demander de bien vouloir effectuer des recherches au sujet de son frère « destination Auschwitz ou Birkenau, sans aucune nouvelle depuis » ; réponse à adresser au 20, avenue Joseph-Froment.
Le 1er avril 1946, Georges Dudal, de Paris 13e, rescapé du convoi, signe un certificat sur l’honneur attestant « avoir été témoin de la mort de Monsieur Barthélémy en août 1942 au camp de Birkenau ».
Le 16 avril 1946, sa veuve remplit une demande d’établissement d’un acte de décès au nom de son mari avec inscription de la mention « Mort pour la France ». Le 26 juin, l’officier d’état civil auprès du « bureau de l’état civil déportés » du Ministère des anciens combattants et victimes de guerre (ACVG) établi l’acte de décès de Fernand Barthélémy « sur la base des éléments d’information figurant au dossier du de cujus », indiquant le 15 août 1942 comme date de sa mort et transcrit en marge de son acte de naissance le 7 juillet 1946.
Le 8 janvier 1949, Jean Thomas, de Boulogne-sur-Seine, autre rescapé du convoi, signe un certificat sur l’honneur attestant que « Barthélémy Fernand, décédé en août 1942 au camp d’Auschwitz (Haute-Silésie), était déporté politique et non condamné de droit commun ».
Le 29 août 1950, Renée Barthélémy complète un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’attribution du titre de “Déporté politique” à son mari. Le 27 mai 1952, la commission départementale rend un avis favorable et le ministère lui reconnaît ce statut le 30 septembre suivant. Le 14 octobre, Madame Veuve Barthélémy reçoit la carte n° 1101 02331.
Suivant les dispositions de l’arrêté du 7 mai 1987 (J.O. du 30 juin), la mention « mort en déportation » est portée en marge de l’acte de décès (de manière effective le 11 août).
Notes :
[1] Boulogne-Billancourt et La Garenne-Colombes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Fontevraud-L’Abbaye, souvent orthographié Fontevrault-L’Abbaye au 19e siècle.
[3] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n°21 de mai-juin 1948).
[4] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.
Concernant Fernand Barthélémy, c’est le 15 août 1942 – soit le milieu du mois – qui a été retenu pour certifier son décès (26-06-1946). Leur publication au Journal officiel rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 382 et 394.
Claudine Cardon-Hamet, notice réalisée pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” du nord des Hauts-de-Seine (2005), citant : Témoignage de Jean Thomas, de Boulogne (46144) – Lettre de Solange Filloux, sa sœur (30/8/1988) – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier national).
Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, tome 18, page 191.
Louis Poulhès, La répression anticommuniste du printemps 1940 au printemps 1941 : l’affaire de l’usine Breguet d’Aubervilliers, Cahiers d’histoire, revue d’histoire critique, n° 142, année 2019, pages 113-135 ; URL : http://journals.openedition.org/chrhc/10961.
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais : cartons “Occupation allemande”, camps d’internement…, “Gaillon” (BA 2374), liste des internés communistes (BA 2397) ; cartons “Usines Renault”, notes diverses, enquêtes 1938 (BA 2348), listes et dossiers de personnes arrêtées… (BA 2350) ; dossier individuel de Fernand Barthélémy au cabinet du préfet (1 W 2219-11963) ; registre de main-courante du commissariat de Courbevoie, de 1937 au 28 mars 1940 (CB.85-15).
Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt, notice individuelle (cotes 1W7, 1W88).
Archives départementales de l’Eure, Évreux : camp de Gaillon, dossier individuel (89w4) et PV d’auditions (89w13), recherches de G. Petiot (message 08-2014).
Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; relevé dans les archives, Sterbe Annex (01-2009).
Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Fernand Barthélémy (21 p 421 667), recherches de Ginette Petiot (message 08-2014).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 16-04-2023)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.