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“Stains, Souvenons-nous”.

Marcel, Louis, Andréas naît le 21 août 1922 à Saint-Ouen [1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93), fils de Charles Andréas, 33 ans, chiffonnier, fils de chiffonniers, et d’Eugénie André, 28 ans, chiffonnière, fils de chiffonniers, tous deux natifs de Saint-Ouen, domiciliés au 90, rue Montmartre. Marcel Andréas a un frère aîné, Henri, né en 1919.

En 1936, la famille habite au 38, rue du Clos-Hanot à Stains [1] (93). Charles Andréas, blessé au cours de la précédente guerre, et son fils aîné, Henri, se déclarent comme chiffonniers.

Le 1er avril 1939, à Stains, Marcel Andréas (16 ans) se marie avec Rolande, Paulette, Claus, né le 1er juillet 1920 (18 ans), à Saint-Denis (93), pâtissière. Ils ont un enfant : Marcel, Charles, né le 28 juin 1939.

La famille emménage au 113, rue Jean-Durand à Stains (93), chez la mère de Rolande, dans une maisonnette en bois dont celle-ci est propriétaire depuis fin 1930.

Marcel Andréas est plombier-couvreur ou aide-couvreur (mais il se déclare une fois comme terrassier). Son épouse le déclarera comme « employé charcutier ».

Il est adhérent aux Jeunesses communiste de Stains.

Au cours de la campagne de France, son frère est fait prisonnier de guerre et interné en Allemagne.

Le 3 août 1940, en soirée (?), vers la Porte Maubert, Marcel Andréas diffuse des tracts communistes (collage ?) avec un petit groupe de militants. Ils sont surpris par un agent en uniforme du commissariat de police de la circonscription de Saint-Denis rentrant chez lui, qui parvient à interpeller Marcel Andréas et un autre jeune, habitant la même rue. L’agent les ramène d’abord au poste de police le plus proche, où se trouve un autre agent et un gendarme, pour les interroger. Puis il les conduit au commissariat, à la disposition de son supérieur.

Inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939, Marcel Andréas est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e). Le 17 octobre, il est transféré à la Maison d’éducation surveillée de l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne).

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage.
(montage photographique)

Le 8 février 1941, lors d’une audience au cours de laquelle sont jugés 48 militants et militantes communistes (dit « procès des cinquante »), dont dix-sept futurs “45000”, la chambre des mineurs (15e) du tribunal correctionnel de la Seine condamne Marcel Andréas à six mois d’emprisonnement avec sursis. Son père est convoqué au procès comme civilement responsable. Comme les autres condamnés, Marcel Andréas fait appel de la sentence le 28 février.

Malgré le sursis accordé, Marcel Andréas n’est pas libéré : le 11 février, – sur instruction des Renseignements généraux – le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939.

Le 14 février, la mère et l’épouse de Marcel Andréas adressent ensemble une lettre dactylographiée au préfet de police en indiquant que sa participation au collage militant a été tout à fait exceptionnelle, car il se désintéresserait de la lutte politique, et pour solliciter sa libération comme soutien de deux familles, car – en plus de sa mère, de son père, et de son épouse – il suivant également aux besoins la mère et de la jeune sœur de celle-ci.

Le 27 février suivant, Marcel Andréas fait partie d’un groupe de 48 internés administratifs – dont Guy Môquet, Maurice Ténine et seize futurs “45000” – transférés à la Maison centrale de Clairvaux (Aube) – matricule n° LA 6974 ? – où ils en rejoignent d’autres, dans le quartier 3 à l’ouest du grand cloître, qui leur a été réservé : 223 détenus politiques s’y trouvent rassemblés au 30 mars.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Le 28 mars, Marcel Andréas écrit au préfet de police, dans un style bref et naïf, pour solliciter sa libération.

Le 8 avril, avec Marcel Boyer, Louis Guidou, Robert Lambotte, René Perrottet et Jules Vanzuppe, Marcel Andréas est un des huit internés de Clairvaux conduits à la Maison d’arrêt de la Santé en préalable à leur passage devant la Cour d’appel de Paris. Le lendemain, celle-ci examine la situation de cinquante condamnés pour activité communiste. Comme Marcel Andréas (défendu par Maître Rolnikas) est marié avec un enfant et possède un domicile distinct de celui de ses parents au moment des faits, la cour considère qu’il a agit avec discernement malgré son jeune âge (à peine 18 ans). Cependant, elle confirme le sursis, « avec avertissement ». Il est prévu que Marcel Andréas soit ramené à Clairvaux, mais le quartier de la centrale utilisé comme centre d’internement étant « complet » il reste  momentanément interné à la Santé, 14e division, n° 4 bis.

Le 18 avril, Marcel Andréas écrit au préfet de police pour solliciter soit sa libération, soit son transfert dans un camp, conformément à son statut d’interné.

Au cours de l’été suivant, un de ses proches a dû écrire à une autorité supérieure, car, le 19 août 1941, le préfet délégué du ministère de l’Intérieur écrit au préfet de police pour lui demander les raisons de la mesure prise à l’encontre de l’intéressé et son avis motivé sur l’opportunité de sa libération. La réponse n’est renvoyée que le 30 septembre : « … sa libération ne saurait être actuellement envisagée ».

Entre temps, le 25 septembre, Marcel Andréas a fait partie d’un groupe d’internés transférés au “centre d’internement administratif” (CIA) de Gaillon (Eure), un château Renaissance isolé sur un promontoire surplombant la vallée de la Seine et transformé en centre de détention au 19e siècle.

Le château de Gaillon, au-dessus du village. Les internés sont assignés au pavillon Colbert, le grand bâtiment isolé à droite (lequel a perdu sa toiture après la guerre) Carte postale des années 1950.  Collection Mémoire Vive.

Le château de Gaillon, au-dessus du village.
Les internés sont assignés au pavillon Colbert, le grand bâtiment isolé à droite (lequel a perdu sa toiture après la guerre)
Carte postale des années 1950. Collection Mémoire Vive.

Selon une note de la police (RG ?) datée du 18 février 1942, Marcel Andréas figure sur une liste de 43 « militants particulièrement convaincus, susceptibles de jouer un rôle important dans l’éventualité d’un mouvement insurrectionnel et pour lesquels le Parti semble décidé à tout mettre en œuvre afin de faciliter leur évasion », et qui sont pour la plupart internés au camp de Gaillon.

Le 4 mai 1942, il fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” de Voves (Eure-et-Loir). Inscrit sous le matricule n° 265, il n’y reste que deux semaines.

Le 20 mai, Marcel Andréas est parmi les 28 internés que viennent chercher des gendarmes français. Pensant qu’on les emmène pour être fusillés, les partants chantent La Marseillaise. En fait, remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci, ils sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Marcel Andréas est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Il semble que le dernier message personnel qu’il ait pu transmettre à son épouse soit daté du 18 juin 1942.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Le 8 juillet, Marcel Andréas est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45172 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée, bien qu’ayant été surexposée avec le visage d’un autre détenu lors d’une deuxième utilisation accidentelle du négatif).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Le négatif a été utilisé deux fois, superposant deux visages
(tentative de “récupération”).
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp); Marcel Andréas se déclare alors sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Marcel Andréas est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Il est transféré à l’hôpital d’Auschwitz-I : le 25 novembre, il est inscrit sur un registre du Block 28 (médecine interne). Le lendemain, il passe de la chambre 7 à la chambre 14. Dans cette période probablement, il subit une radiographie.

Marcel Andréas meurt à Auschwitz-I le 30 novembre 1942 [2], d’une « pleuro-pneumonie », selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Il est possible que son épouse ait reçu la carte formulaire envoyée aux familles le 15 juillet 1942 par la direction militaire du Fronstalag 122, car beaucoup de documents administratifs français  ultérieurs prendront cette date comme référence pour sa déportation.

Le 22 février 1946, à la mairie de Stains, Marceau Réthel et Marcel Aubard se portent garant que Marcel Andréas a été arrêté le 4 août 1940.

Le 20 mars 1946, sur un formulaire à en-tête de la Fédération nationale des déportés et internés patriotes (FNDIRP), Mickey Gilbert certifie que Marcel Andréas est mort à Auschwitz, en indiquant le mois de mars 1943. Le 5 avril, André Faudry signe une attestation identique. Le 13 octobre 1947, Lucien Erbs et Marcelle Fourmond, de la section de Stains de la FNDIRP, certifient la date d’arrestation de Marcel Andréas pour activités patriotiques.

Une sépulture individuelle au nom de Marcel Andréas a été créée dans le cimetière communal de Stains (« corps restitué à la famille »… ?).

Son nom est inscrit parmi les déportés sur une des plaques dédiées aux Morts pour la France 1939-1945 et apposée dans la salle du Souvenir de la mairie de Stains.

À une date restant à préciser, son nom est donné à un jardin d’enfants de l’avenue Aristide-Briand.

Son père, Charles Andréas, décède le 25 février 1952 à Saint-Denis (92). Sa mère, Eugénie Andréas, décède le 27 juin 1963 à Paris 10e.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Marcel Andréas (J.O. du 11-03-1988).

Notes :

[1] Saint-Ouen et Stains : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.

Concernant Marcel Andréas, c’est le 15 mars 1943 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

 

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 387 et 393.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2373 et BA 2374) ; liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 0591-17806).
- Archives nationales : correspondance de la Chancellerie sur des procès pour propagande et activité communistes (BB18 7043).
- Archives de Paris : archives judiciaires, registre du greffe du tribunal correctionnel de la Seine, 14 janvier-12 février 1941 ; jugement du samedi 8 février 1941 (D1U6 3719).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Témoignage de Dominique Ghelfi (daté 1946), Contre l’oubli, brochure éditée par la mairie de Villejuif en février 1996, page 61. D. Ghelfi, n’ayant pas été sélectionné pour le convoi du 6 juillet, a assisté au départ de ses camarades. Lui-même a été déporté à Buchenwald en janvier 1944 (rescapé).
- Dominique Fey et Lydie Herbelot, Clairvaux en guerre, Chronique d’une prison (1937-1953), éditions Imago, Paris, décembre 2018, chapitre II, Une centrale dans la tourmente, pages 45 à 106.
- Louis Bordes, président du Comité local de Libération, Souvenons-nous, Stains a payé un lourd tribu au cours de la seconde guerre mondiale, service communication de la mairie, août 1981, pages 37 et 78.
- Archives communales de Stains, registre de recensement de 1936, documents de la FNDIRP locale.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 26 (42380/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; relevé dans les archives (01-2009).
- Liste de détenus ayant reçu des médicaments à Birkenau, transmise par André Nouvian.
- Site Mémorial GenWeb, 93-Stains, relevé de Thierry Davroux (11-2002), informations d’Alain Claudeville.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 5-06-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.