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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Charles, Paul, Denis, Alban naît le 3 novembre 1902 à Paris 20e arrondissement, chez ses parents, Camille René Alban, 27 ans, serrurier, et Anna Hurel, son épouse, 27 ans, brunisseuse, domiciliés au 89, rue Pixérécourt. Charles a – au moins – un frère aîné : René, né le 30 septembre 1899.

Leur mère, Anna, décède à l’aube du 3 juillet 1905, chez eux, âgée de 29 ans ; Charles a 2 ans et demi. Leur père, Camille, décède au soir du 31 janvier 1912 à son domicile, âgé de 36 ans ; Charles est totalement orphelin à 9 ans. Sa prise en charge ultérieure est à établir…

Pendant un temps, son frère René habite au 29 rue Michel-Lecomte à Paris. Il commence à travailler comme employé de commerce. Quand il est démobilisé, le 23 mars 1921, il déclare habiter au 2 rue du Commerce, puis au 7 rue de l’Industrie, à Villeneuve-le-Roi (Seine / Val-de-Marne).

Charles Alban habite peut-être en province lors du conseil de révision et de son appel au service militaire.

En 1928, il habite au 32 rue Véron, au pied de la Butte Montmartre (Paris 18e)

Le 21 juillet 1928, au 48 rue Duhesme, Charles Alban est interpellé par la police à la sortie d’une réunion de l’Amicale des réservistes du 18e arrondissement « à tendances communistes ».

Le 29 septembre 1928 à Paris 18e, Charles Alban se marie avec Andrée Rouquette, 18 ans, caoutchoutière, domiciliée chez son père à Gennevilliers [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92). Son frère, René Alban, grainier habitant alors au 122 rue de Vanves (Paris 14e), est témoin à leur mariage. Pendant un temps, le couple habite passage Jouvencel, à Gennevilliers, domicile du père Rouquette. En 1929 et 1931, ils demeurent au 2 avenue Chandon, dans cette ville.

En 1931, Charles Alban est métallurgiste à Billancourt (?).

Le couple a deux enfants, Bernard, Camille, né le 14 août 1930 à Paris 18e, et Maurice, Marc, né le 3 novembre 1931. Mais leur mère, Andrée Alban, décède le 3 décembre 1934 à l’hôpital Bichat, bastion 39, boulevard Ney (Paris 18e), âgée de 25 ans. À ce moment, la famille habite « dans une petite bicoque » au 70, rue des Cabœufs (rue Pierre-Boudon), à Gennevilliers.

Adhérent de la CGT, communiste depuis 1934, membre de la section de Gennevilliers de la région Paris-Ouest du Parti communiste, il assiste régulièrement aux réunions.

Le 14 octobre 1934, Charles Alban est élu conseiller municipal sur la liste de Jean Grandel, et réélu le 5 mai 1935.

Cette même année 1935, il entre comme raboteur-mortaiseur aux établissements Hispano-Suiza à Bois-Colombes (92).

À printemps 1938, il est raboteur à l’Atelier de construction de Puteaux, établissement militaire (« arsenal »). Le 13 mai, le directeur du cabinet du préfet de police – considéré comme chef du secteur du contre-espionnage – rend un avis favorable à son emploi à l’ingénieur militaire responsable de l’établissement. Avis positif réitéré en mars 1939.

Le 25 novembre 1939 à Gennevilliers, Charles Alban épouse Madeleine Lamoulen, 35 ans. Elle a déjà deux enfants, dont Roger Gratien, né en 1933.

À partir du 15 novembre 1938 et jusqu’au moment de son arrestation, la famille est domicilié au 74, rue de l’Arbre-Sec (nommée Paul-Vaillant-Couturier après guerre ; l’immeuble a été remplacé) à Gennevilliers, dans un groupe d’habitations à bon marché (HBM).

Le 5 octobre 1939, comme pour toutes les villes de la “banlieue rouge”, le conseil municipal de Gennevilliers est “suspendu” par décret du président de la République (sur proposition du ministre de l’Intérieur) et remplacé par une délégation spéciale nommée par le préfet.

Charles Alban est mobilisé du 24 octobre 1939 au 30 juin 1940 dans une section de DCA (défense contre avion) de la région parisienne. Il est officiellement démobilisé au mois d’août.

 Entretemps, le 9 février 1940, il a été officiellement déchu de son mandat pour ne pas avoir « répudié catégoriquement toute adhésion au Parti communiste ».Dès son retour dans ses foyers, il participe au combat clandestin.
Le 5 octobre, Charles Alban est arrêté à Gennevilliers par la police française lors de la grande vague d’arrestations organisée dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain contre des hommes connus avant guerre pour être des responsables communistes (élus, cadres du PC et de la CGT) ; action menée avec l’accord de l’occupant. Après avoir été regroupés en différents lieux, 182 militants de la Seine sont conduits le jour-même en internement administratif au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche.
Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Conçus à l’origine pour 150 malades, les locaux sont rapidement surpeuplés : en décembre 1940, on compte 524 présents, 600 en janvier 1941, et jusqu’à 667 au début de juin.

Le 23 janvier 1941, Charles Alban écrit au préfet de la Seine (voulait-il s’adresser au préfet de police ?) pour protester contre sa détention et demander sa mise en liberté immédiate.

À partir du 16 juillet, un nommé Alban travaille dans la journée chez un agriculteur, à la ferme de la Tilleuse sur la commune voisine de Fontenay-Saint-Père (départ 7 h, retour 20 h 15) : est-ce lui ?

L’administration du camp lit systématiquement la correspondance des détenus et y relève toutes les informations concernant leur état d’esprit à titre individuel ou collectif. Le 12 juillet 1941, après l’invasion de l’URSS par le Reich, le directeur du CSS d’Aincourt adresse un rapport au préfet de Seine-et-Oise avec plusieurs extraits des lettres interceptées en lui faisant « connaître que, depuis la guerre germano-soviétique, [il] communique tous les matins, à Laurent Darnar, la presse parisienne. Ce dernier fait un extrait succinct et objectif des informations que[le directeur fait] afficher ensuite à l’intérieur du Centre. Ce procédé représente l’avantage de [lui] éviter toute critique personnelle dans la rédaction de ce communiqué et a fini de discréditer complètement l’interné Laurent Darnar aux yeux de ses anciens camarades… ». Le 18 octobre, le chef de camp poursuit son enquête sur les convictions des détenus. « Restants persuadés que les communiqués et informations qui leur parviennent sont erronés, ils demeurent convaincus que l’avenir leur sera favorable et que leur libération reste proche. Cet état d’esprit n’est d’ailleurs pas particulier aux seuls internés d’Aincourt, dont les familles elles-mêmes partagent les mêmes dispositions. Enfin, des lettres parvenues d’autres camps prouvent également cette même mauvaise foi devant l’évidente défaite russe. » Il transmet encore au préfet de Seine-et-Oise des extraits de lettres. Charles Alban a écrit à son épouse : « Espérons donc incessamment que ça finira bientôt. Encore un peu de patience et le changement pointera à l’horizon, comme la chanson que nous chantions en chœur lors des promenades heureuses ».

Le 6 février 1942, le commandant du Grand-Paris fait savoir au préfet de Seine-et-Oise que, par une ordonnance prise quatre jours auparavant, 26 communistes du département de la Seine doivent être « placés sous la surveillance de la police allemande et transféré au centre de séjour surveillé allemand à Compiègne. La prise en charge et le transfert d’Aincourt à Compiègne sera assuré par la brigade de Feldgendarmerie de la Feldkommandantur 758 à Saint-Cloud » ; la date et le lieu de la prise en charge ne sont alors pas encore fixés.

Le 11 février, Charles Alban fait partie des 21 militants communistes que les “autorités d’occupations” « extraient » d’Aincourt sans en indiquer les motifs ni la destination au chef de centre. Tous sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : le « camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Charles Alban est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45160 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée – première dans l’ordre des matricules).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Charles Alban se déclare alors sans religion (« Glaubenslos ») Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Charles Alban.

Il meurt à Auschwitz le 9 août 1942, un mois après l’arrivée de son convoi, selon le registre d’appel quotidien (Stärkebuch) et l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), lequel indique pour cause mensongère de sa mort « gastro-entérite aigüe ».
Déclaré “Mort pour la France”, il est homologué comme “Déporté politique”.

Après la guerre, le conseil municipal de Gennevilliers a donné son nom à une rue de la commune.

Son nom est également inscrit sur la plaque commémorative dédiée « À la mémoire des Conseillers municipaux morts pour la France » (hall de la Mairie de Gennevilliers) et à la Maison du Combattant.

Une courte biographie établie par les Archives municipales insiste sur « son dévouement et sa modestie ».

Notes :

[1] Gennevilliers : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes industrielles de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).


Sources :

- Son nom et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
- Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, tome 17, page 55.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 355, 382 et 393.
- Cl. Cardon-Hamet, notice réalisée pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” du nord des Hauts-de-Seine, citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense (fichier national), Caen – Archives municipales de Gennevilliers (liste des déportés, nom des rues).
- Archives départementales de Paris, site internet, archives en ligne : registre des naissances du 20e arrondissement à la date du 3-11-1902 (V4E 10824), acte n°3963 (vue 12/25).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel du cabinet du préfet (1w1632-92478).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt, cotes 1w71, 1w74, 1w76, 1w80.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 20 (17902/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 15-10-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.