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Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943,
selon les trois vues anthropométriques de la police allemande.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Yvonne Calmels naît le 1er avril 1897 à Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire – 71), commune dont son grand-père a été maire en 1871.

Le 12 mars 1929 à Paris 20e, elle épouse Gaston Carré, né le 7 novembre 1905 à Vézelay (Yonne – 89), alors employé à la Compagnie du gaz de banlieue.

Yvonne Carré est concierge d’un groupe d’HLM à Aubervilliers (Hauts-de-Seine).

Pendant les grèves de 1936, Gaston Carré, qui a dû quitter son emploi précédent, est secrétaire de la branche des puisatiers foreurs du syndicat des terrassiers.

Tous deux sont communistes.

Le 16 octobre 1936, Gaston Carré part en Espagne s’engager dans les Brigades internationales : chef de la section volante de la 11e brigade, puis lieutenant d’artillerie commandant la batterie franco-belge, et enfin capitaine commandant du groupe Anna Pauker de la 35e Division. Cité à l’ordre de la 11e brigade en février 1937, puis à l’ordre de la 35e Division à la prise de Quito, il revient en France à la fin de 1938, après 21 mois de front. À partir du 26 novembre, il est employé par la ville d’Épinay-sur-Seine.

Le 13 juillet 1940, Yvonne Carré est arrêtée pour distribution de tracts sur la voie publique à Aubervilliers et condamnée par un tribunal militaire allemand à quatre semaines de prison le 17 août (elle serait alors domiciliée 21 rue Lécuyer à Levallois).

En octobre 1940, Gaston Carré participe à la mise en place de l’Organisation spéciale (OS) puis, plus tard, des formations militaires de Francs-tireurs et partisans (FTP), sous le pseudonyme de “Jean-Pierre”. À ce titre, il supervise différentes actions de sabotage à partir de juillet 1941 : déraillement de trains de matériel de guerre à Épinay, Gagny, Brétigny ; incendie de stock de caoutchouc à Citroën-Clichy…

En septembre 1941, ses connaissances militaires acquises pendant la guerre d’Espagne le font nommer à l’état-major des FTP (Francs-tireurs et partisans) de la région parisienne.

Dans cette période, trop connus à Aubervilliers, les Carré déménagent pour Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).

Le 16 mai, ils sont arrêtés tous deux à Saint-Denis par la Gestapo, dans le même coup de filet qu’Henri Douillot, Raymond Losserand et France Bloch-Sérazin, au groupe desquels ils appartiennent (Mary et Antoinette Besseyre ont été arrêtés deux jours plus tôt). Yvonne Carré est écrouée au dépôt de la préfecture de Police de Paris.

Le 30 septembre 1942, le tribunal militaire allemand de Paris condamne à mort Mary Besseyre, Gaston Carré, Raymond Losserand et France Bloch-Sérazin. Le 21 octobre, les hommes sont exécutés au stand de tir d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine).

Le 27 octobre, Yvonne Carré est transférée avec Antoinette Besseyre, Charlotte Douillot et Marie-Louise Losserand au camp allemand du Fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas (Seine-Saint-Denis – 93), premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122. Enregistrée sous le matricule n° 1102, Yvonne Carré y apprend l’exécution de son mari.

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L’unique entrée du Fort de Romainville (Haftlager 122),
surplombée par un mirador.
© Musée de la résistance nationale (MRN),
Champigny-sur-Marne (94).

Le 22 janvier 1943, cent premières femmes otages sont transférées en camion au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »). Le lendemain, Yvonne Carré fait partie du deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris). À ce jour, aucun témoignage de rescapée du premier transfert n’a été publié concernant les deux nuits et la journée passées à Royallieu, et le récit éponyme de Charlotte Delbo ne commence qu’au jour de la déportation… Mais Betty Jégouzo confirme ce départ en deux convois séparés, partis un jour après l’autre du Fort de Romainville. Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille.

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Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).

En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit. Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

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Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II)
par lequel sont passés les “31000”
(accès depuis la rampe de la gare de marchandises
et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.

Yvonne Carré y est enregistrée sous le matricule 31760. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie : vues de trois-quart, de face et de profil (la photo d’immatriculation d’Yvonne Carré a été retrouvée).

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive). Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.

À Birkenau, souffrant de dysenterie comme presque toutes les autres, elle s’éloigne d’une colonne de travail pour faire ses besoins. Le gardien SS lance sur elle son chien, qui lui arrache un morceau de mollet. La blessure s’étant infectée, Yvonne se fait admettre au Revier, mais la gangrène gagne toute sa jambe en quelques jours.

Yvonne Carré meurt le 3 mai 1943, selon l’acte de décès du camp (au début de mars, selon Ch. Delbo).

Les rescapées n’ont pas retrouvé de famille à avertir.

Les noms d’Yvonne et Gaston Carré sont inscrits (avec les initiales de leurs prénoms) sur le monument « À ceux qui sont morts pour que vive la France », dans le cimetière communal d’Aubervilliers. Gaston Carré y est inhumé dans le carré militaire.

Par un décret du 24 juin 1947, Gaston Carré se voit attribuer la Légion d’honneur à titre posthume.

Le 7 mars 1960, le Conseil municipal d’Aubervilliers donne son nom à une rue de la commune.

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 59-60.
- Jean-Pierre Besse, Claude Pennetier, notice dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron (DBMOF).
- Marion Queny, Un cas d’exception : (…) le convoi du 24 janvier, mémoire de maîtrise d’Histoire, Université Lille 3-Charles de Gaulle, juin 2004, notamment une liste réalisée à partir du registre de Romainville (copie transmise par Thomas Fontaine), pp. 197-204, et p. 114.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué) ; 120 actes retrouvés pour les « 31000 » ; tome 2, page 158 (19395/1943).
- Site Mémorial GenWeb, Saint-Denis, relevé d’Alain Claudeville (08 – 2002).
- Monique Houssin, Résistantes et résistants en Seine-Saint-Denis : un nom, une rue, une histoire, AMRN 93, Les éditions de l’Atelier/Les éditions ouvrières, Paris 2004, page 22.

MÉMOIRE VIVE

(dernière modification, le 26-05-2012)

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