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Hélène.

La jeunesse

Hélène Bolleau naît le 6 avril 1924 à Royan (Charente-Maritime – 17), fille de Roger Bolleau, 26 ans, et d’Emma née Laumondais, son épouse, 23 ans.

Ses parents s’installent définitivement à Royan en 1936, au 11, rue des Clos-Fleuris.

Son père, Roger Bolleau, est facteur-chef à Pontaillac, quartier résidentiel de Royan, sur le front de mer.

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Pontaillac-Royan. La plage et la façade de Verthamon.
Carte postale écrite en 1933. Collection Mémoire-Vive.

C’est un militant du Parti communiste.

La résistance

Dès 1940, de lui-même et sans aucune liaison avec son parti, Roger Bolleau s’engage dans la résistance, puis crée le groupe Germain (son pseudonyme dans la clandestinité), premier groupe de Francs-tireurs et partisans (FTP) en Charente-Maritime, avec sa femme.

En 1942, Hélène, qui n’a pas encore dix-huit ans, aide ses parents dans la Résistance et tape les stencils.

Le 7 mars 1942, Hélène est arrêtée par les gendarmes, en même temps que son père.

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Photo anthropométrique prise le 17 mars 1942
par le service de l’identité judiciaire.
© Archives de la Préfecture de Police (APP), Paris.

Six jours plus tard,Hélène est relâchée.

Elle ne rentre pas à la maison et vit désormais dans la clandestinité, au sein du Front national des jeunes.

Dorénavant, c’est à Hélène qu’incombe de maintenir les liaisons du groupe Germain avec les autres groupes.

Pour elle, la situation en Charente devient dangereuse. Elle passe donc en Deux-Sèvres et en Vendée. Distribution de tracts, collectes au profit des militants, imprimerie (La Voix des Charentes et Jeunesse libre de Charente inférieure), telles sont ses tâches.

À Angers, elle participe à la campagne de non-livraison du blé aux Allemands, puis ses chefs décident de la muter à Paris.

L’arrestation

Avant de se mettre en route, elle retourne à Royan pour prendre des vêtements et des tickets d’alimentation. Le 7 août 1942, elle y est arrêtée par des policiers allemands accompagnés de policiers français. Elle est immédiatement emprisonnée à la prison Lafond de La Rochelle et le fait savoir à sa mère, Emma.

Le 15 septembre, celle-ci est arrêtée en apportant un colis à sa fille en prison.

Roger Bolleau est fusillé comme otage au Mont-Valérien le 21 septembre 1942.

Le 28 octobre, la mère et la fille sont transférées à la prison d’Angoulême.

Le 18 novembre, toutes deux sont conduites au Fort de Romainville, sur la commune des Lilas (Seine-Saint-Denis).

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L’unique entrée du Fort de Romainville (Haftlager 122),
surplombée par un mirador.
© Musée de la résistance nationale (MRN),
Champigny-sur-Marne (94).

Hélène y est enregistrée sous le matricule 1223.

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Collection Dany Allaire. D.R.

Le 22 janvier 1943, cent premières femmes otages sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »).

Le lendemain, Emma et Hélène Bolleau font partie du deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris).

Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille.

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En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit.

Auschwitz

Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

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Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II)
par lequel sont passés les “31000”
(accès depuis la rampe de la gare de marchandises
et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.

Hélène Bolleau y est enregistrée sous le matricule 31807 (sa mère sous le 31806). Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie de la police allemande : vues de trois-quart avec un couvre-chef (foulard), de face et de profil (la photo d’immatriculation d’Hélène Bolleau a été retrouvée).

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Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive). Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.

La mère d’Hélène, Emma Bolleau, succombe à la dysenterie le 20 mars 1943.

Hélène Bolleau entre au Revier en avril 1943. Ayant réchappé du typhus, elle est affectée au Kommando des tresses de cellophane.

Puis elle retourne aux marais, aux briques, aux cendres du crématoire (les cendres, auxquelles sont mêlés des ossements calcinés, sont apportées au bord du marais par des camions ; il faut les étaler au fond du marais, déjà débarrassé de sa vase, avec des râteaux, en une couche épaisse qui fait lit de filtrage).

Elle aussi est sauvée par la quarantaine.

Ravensbrück

Le 4 août 1944, Hélène est transférée avec ses compagnes au KL [1] Ravensbrück.

Le 27 janvier 1945, elle se casse une jambe lors de la corvée de soupe. Les bidons de soupe sont très lourds et les marches de la cuisine verglacées. La fracture n’est plâtrée qu’au début d’avril.

Hélène Bolleau est au Revier lorsque la plupart des survivantes du convoi partent pour le KL Mauthausen, le 2 mars 1945 ; elle reste à Ravensbrück, avec un petit groupe de malades.

Le 23 avril 1945, elle fait partie des détenues françaises et belges libérées par la Croix-Rouge, et emmenées en Suède.

Le 24 juin 1945, elle est rapatriée de Stockholm par avion.

Le retour à la vie

Au retour, Hélène a vingt-et-un ans. Roger Bolleau, son père, a été fusillé au Mont-Valérien le 21 septembre 1942 ; son grand-père est mort en 1943 ; sa maison a été rasée par le bombardement de Royan, le 5 janvier 1945 ; sa grand-mère, blessée dans ce bombardement, est paralysée.

Heureusement, elle retrouve son fiancé, Paul Allaire – dit Jacques Lhermite dans la clandestinité -, né 4 février 1920 aux Mathes (Charente-Maritime), déporté dans le transport parti de Compiègne le 18 juin 1944 et arrivé le 20 juin au KL Dachau (matricule n° 73004), affecté au Kommando de Kaufering-Landsberg (Bavière), puis au Kommando d’Allach (créé le 17 mai 1944), où il est libéré le 30 avril 1945.

Paul Allaire, le fiancé d’Hélène.
Photo anthropométrique prise le 19 avril 1943
par le service de l’identité judiciaire.
© Archives de la Préfecture de Police (APP), Paris.

Ils se marient à la fin de 1945 et fondent une famille.

« Très malade dès mon retour, j’ai fait une grave dépression nerveuse. J’ai subi trois opérations. J’ai mis tout mon espoir dans mes enfants. Je voulais, en fondant un foyer, me prouver que j’étais redevenue normale, capable d’élever une famille. Cela n’a pas été sans peine, mais ce but vers lequel a tendu toute ma volonté m’a permis de surmonter les plus durs moments.

 

Les rencontres avec d’anciennes déportées et la lutte que nous menons pour que nos enfants ne passent pas leurs vingt ans comme nous avons passé les nôtres me soutiennent quand le moral faiblit », dit-elle en 1965.

Homologuée soldat de 2e classe dans la R.I.F., Hélène Allaire reçoit la Légion d’honneur le 14 juillet 1977 et est promue au grade d’Officier en 1988.

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 45-47.
- Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, éditions Tirésias, Paris 2004, convoi I.229, tome 3, page 897.
- Dany Allaire, fils d’Hélène Allaire (message 04-2013).

MÉMOIRE VIVE

(dernière modification, le 2-04-2013)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

[1] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.