Pierre, Alfred, Leroy, né le 26 novembre 1895 à Villaudric (Haute-Garonne), domicilié à Niort (Deux-Sèvres), mort à Auschwitz le 11 août 1942.

Pierre LEROY. © FNDIRP

Pierre LEROY.
© FNDIRP

Pierre, Alfred, Leroy naît le 26 novembre 1895 à Villaudric (Haute-Garonne), fils de Pierre – dit Adolphe – Leroy, 23 ans, forgeron, et de Marie Tournier, son épouse, 24 ans. Les témoins pour l’inscription du nouveau-né à l’état civil sont un garde-champêtre et un instituteur. Plus tard, ses parents partent s’installer à Cognac (Charente).

Pendant un temps, Pierre Leroy travaille comme serrurier. Pour l’époque, c’est un homme de bonne taille : 1 m 73.

Le 17 décembre 1914, il est incorporé au 17e régiment d’infanterie coloniale (à Bordeaux ?). Il rejoint le front le 30 septembre 1915 (aux armées, unité combattante). Le 18 mars 1917, il retourne à l’arrière (motif ?). Le 12 mars 1918, il est dirigé sur le dépôt des isolés coloniaux. Le 29 mars, il passe au 27e bataillon sénégalais, unité alors cantonnée à l’arrière du front, à Théry-Chartreuse, dans des baraques Adrian. Le 21 avril, il passe au 94e bataillon (?). Le 18 juillet 1918, au ravin du Quesnoy (Aisne) – près de Dommiers ? -, il est blessé à la cuisse gauche par des éclats de grenade. Il recevra la Croix de guerre. Le 21 septembre 1919, Pierre Leroy est mis en congé illimité de démobilisation et se retire chez ses parents, alors domiciliés rue de Rochefort à Cognac (Charente). Le 29 septembre suivant, la commission de réforme de Bayonne le propose pour un changement d’arme (l’artillerie de campagne) et pour une pension temporaire de 10 % pour hernie musculaire. Le 3 mars 1931, la commission de réforme de Poitiers le proposera pour une pension permanente de 30 % pour une première invalidité – cicatrice de 18 cm à la cuisse gauche – et de 10 % pour une deuxième invalidité – cicatrice à la cuisse droite, « peu adhérente ».

Le 3 juillet 1920 à Cognac, Pierre Leroy se marie avec Jeanne Odette Thibaudeau, 25 ans, née le 19 juin 1895 à Cognac, couturière, vivant jusque-là avec sa mère veuve au 122 rue de Pons. Les témoins sont deux tonneliers, dont Maximilien Leroy, domicilié aux Métairies (Charente). Le couple n’aura pas d’enfant.

Le 21 octobre suivant, Pierre Leroy est embauché par la Compagnie des chemins de fer de l’État qui fusionnera avec d’autres au sein de la SNCF début 1938 [1]. Le 5 juillet 1921, l’armée le classe affecté spécial comme serrurier à Sotteville (Seine-Maritime) dans la section des chemins de fer de campagne. En février 1927, l’armée enregistre son changement de domicile dans la subdivision de Parthenay en qualité de serrurier à Niort (Deux-Sèvres).

En novembre 1929, il est domicilié au chemin de Souché, à Niort.

En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié au 32, rue Émile-Zola, dans cette ville. Cette année-là, il héberge son père, Pierre, âgé de 64 ans.

Il est alors ouvrier qualifié (toujours serrurier) dans un atelier SNCF de Niort.

Niort. Intérieur de la gare. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Niort. Intérieur de la gare.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Adhérent de la section de Niort du Syndicat unitaire des cheminots en 1925 (CGTU), Pierre Leroy en devient le secrétaire général en 1934 (250 adhérents). En 1935, il est secrétaire adjoint de l’Union départementale des Deux-Sèvres.

Carte syndicale CGT, Fédération des chemins de fer.  Collection Mémoire Vive.

Carte syndicale CGT,
Fédération des chemins de fer.
Collection Mémoire Vive.

Il est aussi militant communiste.

Sportif, il pratique le rugby et la boxe.

Le 3 juillet 1941, Pierre Leroy est arrêté à son domicile par des policiers français pour activités communistes. Il est détenu à la prison de Niort, puis au château de Vaudeurs dans l’Yonne (à 20 km de Sens), où sa femme est autorisée à le voir en septembre 1941.

Vaudeurs. Le château. Carte postale oblitérée en avril 1938. Collection Mémoire Vive.

Vaudeurs. Le château. Carte postale oblitérée en avril 1938.
Collection Mémoire Vive.

Le 26 mai 1942, remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin 1942, Pierre Leroy est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Pierre Leroy est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45787 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Pierre Leroy est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

En effet, à une date restant à préciser, il est admis au bâtiment des maladies internes (Block 28) de l’hôpital des détenus du camp souche (Auschwitz-I).

Il meurt à Auschwitz le 11 août 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; cinq semaines après l’arrivée de son convoi.

En France, l’état civil a enregistré la date du 30 décembre 1942.

Déclaré “mort pour la France”, Pierre Leroy est homologué comme “Déporté résistant” ; reconnaissance plutôt rare concernant les “45000”.

Une stèle de granit gris a été érigée en son hommage à la gare SNCF de Niort, en bordure de la ligne de Paris, en tête du quai A (déplacée depuis ?) : « SNCF 1939-1945, À la mémoire de Leroy Pierre, secrétaire général du syndicat des cheminots de Niort, mort en déportation ».

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 21-10-1994).

Notes :

[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 379 et 411.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Basse-Normandie (2000), citant : Témoignage de sa veuve (05-1973) – Article du Patriote Résistant, mensuel de la FNDIRP (1973) – Article du journal local relatant la cérémonie d’inauguration de la stèle en présence du Préfet, du Conseiller de la République, de la Municipalité et de très nombreux cheminots – Archives municipales de Niort.
- Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, tome 43, p. 310.
- Archives départementales de la Haute-Garonne (AD 31), site internet du conseil général, archives en ligne : état civil de Villaudric, registre des naissances-mariages-décès 1893-1899 (1 E 15), année 1895, acte n° 21 (document 55/141).
- Archives départementales des Deux-Sèvres (AD 79), site internet du conseil général, archives en ligne : registre matricule du recrutement militaire, bureau de Niort, classe 1915, liste des engagés volontaires et réservistes étrangers à la subdivision de Niort, 1 à 179 (R702), n° de liste 108 (vues 148-159/274).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 712 (19468/1942).
- Base de données des archives historiques SNCF : service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (0110LM0108).
- Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 927-928.
- Site Les plaques commémoratives, sources de mémoire (aujourd’hui désactivé), photo de Jean-Jacques Guilloteau.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 23-02-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.