Marcel, Augustin, Dupuy, né le 25 avril 1898 à Paris 4e, domicilié à Colombes (Hauts-de-Seine), mort à Auschwitz le 18 septembre 1942.

—-

D.R.

D.R.

Marcel, Augustin, Dupuy naît le 25 avril 1898 à Paris 4e (75), fils de Joseph Dupuy, 28 ans, employé, et de Marie Charraud, son épouse, 20 ans, domiciliés au 91, rue des jardins Saint-Paul. (tous deux seront décédés au moment de son mariage).

Pendant un temps, il vit chez ses parents au 2 avenue Carnot à Champigny-sur-Marne (Seine / Val-de-Marne).

De 1911 à 1916, Marcel Dupuy travaille comme forgeron, puis devient dessinateur industriel (dessinateur-outilleur).

De la classe 1918, il est appelé au service armé le 1er mai 1917 et incorporé comme canonnier de 2e classe au 105e régiment d’artillerie lourde. Le 12 avril 1918, il passe au 114 RAL. Le 28 août 1918 à Sarcy (Marne), il est blessé par un éclat d’obus alors qu’il est en service commandé. Il retourne “aux armées” le 8 octobre suivant. Le 1er octobre 1919, il passe au 108e RAL, puis, le 1er janvier 1920, au 230e régiment d’artillerie de campagne. Le 12 juin suivant, il est “renvoyé dans ses foyers”, titulaire d’un certificat de bonne conduite. En 1936, la 1ère commission de réforme de la Seine lui reconnaîtra un taux d’invalidité inférieur à 10 % pour cicatrice de plaie pénétrante du creux poplité droit, lui occasionnant des crampes fréquentes de la jambe et une gêne légère de la marche.

En juin 1920, il habite chez Monsieur Lachaze, domicilié au 5 rue Bertrand-de-Born à Brive-la-Gaillarde (Corrèze).

Le 30 juin 1921 à Tulle (Corrèze), Marcel Dupuy se marie avec Berthe Chassagnite, née dans cette ville le 13 septembre 1900. Ils n’auront pas d’enfant, mais élèveront un de leurs neveux.

Pendant six ans, Marcel Dupuy est employé à la Compagnie des Chemins de fer de Paris à Orléans.

En 1926, il subit une grave opération chirurgicale ; conséquence d’une maladie pulmonaire, sa mère étant décédée « de la poitrine » à 31 ans ?

En 1929, le couple habite au 5, rue Eugène (Sue ?) à Paris 18e. En août 1934, il demeure au 494 rue de Nanterre à Colombes [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92)

En mai 1939 et jusqu’au moment de son arrestation, Marcel Dupuy est domicilié au 6, rue du Docteur-Roux à Colombes.

Pendant dix ans, il est employé comme dessinateur à la Société d’emboutissage et de constructions mécanique (avions Amiot), 171 boulevard de Valmy à Colombes (il y travaille en novembre 1933).

De 1936 à 1939, il est adhérent au Syndicat des techniciens d’aviation. Dans la même période, il est simple adhérent au Parti communiste.

Le 5 octobre 1939, Marcel Dupuy est mobilisé comme “affecté spécial” au sein de la Société d’outillage mécanique à Levallois-Perret. En juin 1940, il est transféré à l’usine J.M. (?) de constructions aéronautiques à Levallois-Perret quand celle-ci est évacuée. Ayant suivi les instructions concernant le repli de cette entreprise, il revient chez lui au début du mois de juillet. Il aide ses deux belles-sœurs, alors veuves, et verse une pension à son beau-père, paralysé.

Le 16 octobre 1940, il est arrêté à Colombes pour « propagande communiste clandestine » (distribution de tracts) par des agents du commissariat de la circonscription de Puteaux, où il est battu. Le 18 octobre, la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine le condamne à quatre mois de prison pour infraction au décret du 26 septembre 1939. Il est écroué (mandat de dépôt) à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e) où son épouse pourra lui rendre visite.

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée.
(montage photographique)

Le 14 janvier 1941, la 12e Chambre du tribunal correctionnel de la Seine le condamne à quatre mois de prison dans une nouvelle procédure, parmi 23 militants clandestins jugés lors de la même audience, dont Émile Bouchacourt, Raoul Platiau, René Jodon… Tous les condamnés font appel de la sentence. Bien qu’il ait probablement purgé sa peine en détention préventive, Marcel Dupuy n’est pas libéré, car considéré comme un « meneur dangereux » : le 18 janvier, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif à la Maison centrale de Clairvaux (Aube).

Le 20 janvier 1941, Marcel Dupuy fait partie d’un groupe de 69 militants communistes conduits à la gare de l’Est et rejoints par une centaine d’autres venant de la Maison centrale de Fontevraud-L’Abbaye [2] (Maine-et-Loire). Le train les amène à la gare de Clairvaux d’où ils sont conduits – par rotation de vingt détenus dans un unique fourgon cellulaire – à la centrale de Clairvaux. Rejoints par d’autres, ils sont bientôt 300 internés politiques.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Le 24 mars, Marcel Dupuy est ramené – seul (?) – à Paris et conduit à la Santé, en préalable à son passage devant la cour d’Appel. Le 29 avril, celle-ci confirme sa peine. Il est prévu qu’il soit ramené à Clairvaux, mais le quartier de la centrale utilisé comme centre d’internement est « complet » : il reste interné à la Santé – 14e division, cellule 7 – et n’est ramené à Clairvaux que pour y rester une quinzaine de jours.

Le 15 septembre 1941, il fait partie d’un groupe d’internés transférés au « centre d’internement administratif” (CIA) de Gaillon (Eure), un château Renaissance isolé sur un promontoire surplombant la Seine et transformé en centre de détention au 19e siècle.

Le camp de Gaillon, ancien château de l’évêque de Rouen. Carte postale d’après-guerre. Collection Mémoire Vive.

Le camp de Gaillon, ancien château de l’évêque de Rouen. Carte postale d’après-guerre. Collection Mémoire Vive.

En mars 1942, la délégation générale du ministère de l’Intérieur à Paris téléphone pour proposer sa libération, ce qui entraîne son audition par le directeur du camp le 19 mars.

Le 4 mai 1942, Marcel Dupuy fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir). Enregistré sous le matricule n° 280, il n’y reste que deux semaines.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943. © Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943.
© Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Le 20 mai, il fait partie des 28 internés de la Seine que viennent chercher des gendarmes français. Pensant qu’on les emmène pour être fusillés, les partants chantent La Marseillaise. En fait, remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci, ils sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp vu depuis le mirador central.  Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)  Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, Marcel Dupuy est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marcel Dupuy est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45512, selon les listes reconstituées du convoi et par comparaison d’un portrait “civil” avec la photo du détenu portant ce matricule [3].

JPEG - 73.5 ko
(voir le “doublon” ci-dessous…)
JPEG - 73.8 ko
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.
(voir le “doublon” ci-dessus…)

Après les premières procédures (tonte, désinfection, uniforme, photo), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la “solution finale” (le génocide des Juifs européens), ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20  du secteur B-Ib (le premier créé).

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Marcel Dupuy.Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp au cours de laquelle 146 des “45000” sont inscrits aux registres des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [4]). Une copie de l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Dr Kremer) parvient en France à une date inconnue (probablement après la guerre). La cause mensongère portée sur ce document est « faiblesse cardiaque » (Myocardinsuffizienz) ; la date sera celle rapidement officialisée par l’état civil français.

Le 19 mars 1946, Aimé Oœuf signe une attestation au nom de la section de Vincennes de la FNDIRP selon laquelle Marcel Dupuy est décédé à Auschwitz le 18 septembre 1942. La veuve de celui-ci habite alors au 4, rue de l’Égalité, à Vincennes, chez Madame Le Temple. En octobre 1946, elle résidera au 8, rue du Parc, à Saint-Mandé, et en septembre 1947, au 38, rue de la République, dans cette commune.

En septembre 1947, la mention « mort pour la France » est inscrite en marge de l’acte de décès de Marcel Dupuy.

Il est homologué comme “Déporté politique”.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 28-05-1989).

Notes :

[1] Colombes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Fontevraud-L’Abbaye, souvent orthographié Fontevrault-L’Abbaye au 19e siècle.

[3] Photographie d’immatriculation : le détenu portant le matricule 45512 est (avec un autre) le seul à avoir été photographié deux fois, à cause d’une erreur de l’opérateur qui a oublié de changer le dernier chiffre amovible sur son support. On peut supposer une précipitation due à l’arrivée inattendue de ce convoi (selon certains témoignages).

[4] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail”. Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés montent dans des camions qui les conduisent à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 381 et 403.
- Cl. Cardon-Hamet, notice réalisée pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” du nord des Hauts-de-Seine, citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense (fichier national) – Lettre de Robert Guérineau, ancien résistant qui a effectué des recherches dans les registres d’état civil de la mairie de Colombes.
- Archives de Paris, site internet archives en ligne : registre des naissances du 4e arrondissement, année 1898 (V4E 8292), acte n° 665 (vue 14/31).
- Archives de Paris : registre du greffe du tribunal correctionnel de la Seine ; registres des matricules du recrutement militaire, classe 1918, 4e bureau de la Seine (D4R1 2075), matricule 4246.
- Archives départementales de l’Eure, Évreux : camp de Gaillon, dossier individuel (89w4) et PV d’auditions (89w13), recherches de G. Petiot (message 08-2014).
- Comité du souvenir du camp de Voves : liste établie à partir des archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374), liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 644-18952).
- Témoignage de Dominique Ghelfi (daté 1946), Contre l’oubli, brochure éditée par la mairie de Villejuif en février 1996, page 61. D. Ghelfi, n’ayant pas été sélectionné pour le convoi du 6 juillet, a assisté au départ de ses camarades. Lui-même a été déporté à Buchenwald en janvier 1944 (rescapé).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 246 (31663/1942).
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Marcel Dupuy (21 p 446 361), recherches de Ginette Petiot (message 08-2014).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 3-06-2016)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.