Pierre, Gaston, Cordier, né le 21 mars 1896 aux Maillys (Côte-d’Or), domicilié à Port-sur-Saône (Haute-Saône), mort à Auschwitz le 19 septembre 1942.

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Pierre, Gaston, Cordier naît le 21 mars 1896 aux Maillys (Côte-d’Or), chez ses parents, François Cordier, 44 ans, vannier, et Élisa Laurent,  son épouse, 38 ans, sans profession, domiciliés rue de Champ-Bazin à Mailly-l’Église, section de la commune. Les témoins pour la présentation du nouveau-né à l’état civil sont un cantonnier et un garde-champêtre. Vivent alors également sous le même toit un frère de 15 ans, Auguste, et une sœur de 11 ans, Marie (née à Charny, 21 ?).

Par la suite, ses parents s’installent à Vezet [1], en Haute-Saône (70), département voisin ; un village qui compte 320 habitants en 1901.

Pierre Cordier obtient le certificat d’études primaires. Il commence à travailler comme journalier.

Le 4 février 1915, à la maire de Vesoul, Pierre Cordier devance sa mobilisation et s’engage volontairement pour cinq ans comme chasseur de 2e classe au 5e régiment de chasseurs d’Afrique, qu’il rejoint six jours plus tard. Le 2 juin 1916, il passe au 1er régiment léger et part aux armées du Nord et du Nord-Est. Du 26 juin au 22 juillet, il est évacué pour fièvre à l’hôpital temporaire n° 4 de Beauvais (Oise – 60), puis bénéficie d’une convalescence de trente jours. Le 5 février 1917, il est évacué pour maladie sur l’hôpital temporaire n° 90 de Cosnes-sur-Loire (Nièvre – 58). Le 20 mars, il passe à l’hôpital temporaire n° 85 de Nevers (58). Le 26 mars, il bénéficie d’une convalescence d’un mois. Le 9 août 1917, il rentre au dépôt et passe au 11e régiment de cuirassiers. Le 1er octobre, il part aux armées du Nord et du Nord-Est. Le 20 décembre, il est évacué sur l’ambulance 243 pour maladie, puis, le 4 janvier 1919, dirigé sur l’hôpital d’évacuation n° 37. Le 11 janvier, il passe à l’hôpital temporaire n° 25 de Pont-Sainte-Maxence (60). Le 4 février, il part en permission de dix jours. Le 23 février, étant en permission, il est admis à l’hôpital mixte de Gray (70). Après une convalescence de dix jours, il rejoint son corps aux armées le 26 mars. Le 9 juin 1918, lors de la bataille du Matz, dans le cadre d’une vaste offensive allemande (3e bataille de l’Aisne), à Élincourt-Sainte-Marguerite, 12 km au nord de Compiègne (60), Pierre Cordier est atteint par les gaz de combat et dirigé sur l’hôpital d’évacuation (HOE) de Canly (60) pour intoxication. Le 13 juin, il passe à l’hôpital complémentaire n° 50 de Chartres (Eure-et-Loir). Le 12 septembre, il part pour une convalescence qui s’achève le… 11 novembre 1918. Il rejoint son corps aux armées, puis entre au dépôt un mois plus tard.

Le 6 janvier 1919, la commission de réforme de Versailles le déclare inapte un mois pour « râles sibilants et ronflants dans les deux poumons suite de bronchite, intoxication sérieuse par les gaz ». Du 26 janvier au 19 avril 1919, il est mis à la disposition du Réseau de l’Est comme volontaire. Il est titulaire d’un certificat de bonne conduite. En 1925 [?], il recevra la médaille interalliée de la Victoire.

Par la suite, l’armée le classe dans l’affectation spéciale comme homme d’équipe à la Compagnie des Chemins de fer de l’Est.

Le 6 mars 1920, à Soing (70), Pierre Gaston Cordier épouse Jeanne Sponem, née le 8 mars 1899 à Rupt-sur-Saône (70), mais alors domiciliée à Soing avec sa famille. En 1921, le couple est domicilié au 24, rue des Casernes, à Vesoul. Leur fils Robert naît à Soing en 1921.

Pierre Gaston Cordier est alors agent de train, toujours à la Compagnie des chemins de fer de l’Est.

En 1922, il est trésorier général du syndicat unitaire des cheminots de Vesoul (CGTU) dont Charles Furlenmeyer est le secrétaire général.

En janvier 1925, les Cordier demeurent au 70, rue du Tir prolongée, à Vesoul. En 1926, ils habitent au 70, rue Jean-Jaurès, probablement après un changement du nom de la même rue. Pierre Gaston Cordier est alors chiffonnier.

En 1929, il est l’animateur de la cellule communiste de Vesoul, avec Henri Corne.

En mai 1931, il habite pendant quelque mois au petit village de Charmoilles, 5 km à l’ouest de Vesoul.

À partir de novembre 1933, il demeure à Port-sur-Saône, 12 kilomètres au nord-ouest de Vesoul. En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié rue du Cornot (n° 8 ?), dans cette commune, établi comme artisan chiffonnier.

Le 24 septembre 1938, Pierre Cordier est rappelé à l’activité en application l’article 40 de la loi du 31 mars 1928 et affecté au 78 régiment régional CMC7 [?]. Le 5 octobre, il est renvoyé dans ses foyers.

Le 3 septembre 1939, il rejoint son unité, rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale du 1er septembre. Mais, deux mois plus tard, le 6 novembre, la commission de réforme de Chaumont le réforme définitivement n° 2 pour « crises d’angine de poitrine, signal positif à l’électrocardiogramme » et le renvoie dans ses foyer dès le lendemain. Le 8 janvier 1940, l’armée le considère comme « non récupérable ».

Le 22 juin 1941, Pierre Cordierest arrêté à l’initiative des autorités d’occupation, parmi vingt-trois militants communistes et syndicalistes de la Haute-Saône [2] (dont les sept futurs “45000” du département et Georges Cogniot) ; n° 6 sur la liste. Il est finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag122 – Polizeihaftlager).

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Pierre Gaston Cordier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45396 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit. Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Pierre Cordier.

Il meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement gazés [3]).

Le nom de Pierre Cordier est inscrit sur le mémorial de la Résistance haut-saônoise (1954), place du 11e Chasseurs, à Vesoul : « La Résistance à ses 687 martyrs 1940-1945 ».

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 26-02-1988).

Notes :

[1] Vezet est une ancienne commune française, située dans le département de la Haute-Saône en région Bourgogne-Franche-Comté, devenue, le 1er janvier 2016, une commune déléguée de la commune nouvelle de La Romaine ; limitrophe du chef-lieu de canton Fresne-Saint-Mamès et à environ 22 kilomètres à vol d’oiseau à l’ouest de Vesoul (source Wikipedia).

[2] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme «  l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total (bilan au 31 juillet), 1300 hommes environ y seront internés à la suite de cette action. Effectuant un tri a posteriori, les Allemands en libéreront plusieurs dizaines. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[3] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Éditions de l’Atelier/ Éditions Ouvrières, version CD-rom 3.61, 1990-1997, citant : Arch. Nat. F7/13673. Voir notice sur Henri Corne.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 370 et 400.
- État civil de la mairie des Maillys (21) et Archives départementales de Côte-d’Or, site internet : état civil des Maillys 1888-1897 (p. 304).
- Archives départementales de Côte-d’Or (AD 21), Dijon : « arrestations par les autorités allemandes-correspondances » (1630 W, article 252).
- Archives départementales de Haute-Saône (AD 70), site internet du Conseil départemental, archives en ligne : registres des matricules du recrutement militaire, bureau d’Auxonne, classe 1916 (RM189), n°  17 (3 vues).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 185 (31810/1942).
- Site Mémorial GenWeb, relevé initial effectué par Rémy Ambroise, mis en ligne le 16 mars 2009.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 28-01-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.