Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Wiktor (Victor) Ziemkiewicz naît le 27 mai 1902 à Aexil Bei Posen ou Kczica (lieu-dit près de Poznan ? – Pologne).

Le 8 janvier 1938, à la mairie d’Homécourt (Meurthe-et-Moselle – 54), Victor Ziemkiewicz, âgé de 35 ans, épouse Marianne Kaczmarek, veuve de 44 ans, née le 31 janvier 1893 à Projawy ou Wroniawy ou Wronawy ou Silz (Pologne). Ils n’auront pas d’enfant.

Tous deux conservent leur nationalité polonaise.

Au moment de son arrestation, Victor Ziemkiewicz est domicilié au 190, rue Émile-Heurteau (aujourd’hui rue des Pommiers), « troisième rangée » de la cité ouvrière de la Petit-Fin, à Homécourt, où il est voisin de Wladyslaw Bigos, Borislaw Ferenc, Jean Krecioch et Jean Trzeciak, qui seront déportés avec lui.

Homécourt. Cité ouvrière de la Petite Fin et l’usine sidérurgique en arrière plan. Carte postale. Collection particulière. D.R.

Homécourt. Cité ouvrière de la Petite Fin et l’usine sidérurgique en arrière plan. Carte postale. Collection particulière. D.R.

À partir de 1926 environ, Victor Ziemkiewicz est machiniste au puits du Fond de la Noue, une mine de fer, à Homécourt.

Homécourt. Puit de mine du Fond de la Noue. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Homécourt. Puit de mine du Fond de la Noue. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 2 mars 1942, à 5 heures du matin, Victor Ziemkiewicz est arrêté à son domicile par un Feldgendarme accompagné d’un gendarme de la brigade d’Homécourt. Il est pris comme otage à la suite du sabotage du transformateur électrique de l’usine d’Auboué dans la nuit du 4 au 5 février ; action de résistance qui déclenche une vague d’arrestations dans le département (70, dont plusieurs dizaines de futurs “45000”). Victor Ziemkiewicz est probablement désigné en tant que « nationaliste polonais » ; à vérifier… Avec plusieurs camarades, il est conduit à la prison de Briey, où il reste une journée, puis à celle de Nancy.

Le 7 ou 10 mars 1942, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), où il est enregistré sous le matricule n° 3783 et assigné au bâtiment A2, chambrée 9.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne,
futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Depuis le convoi, un codétenu jette une message demandant de prévenir certaines familles, dont l’épouse de Victor Ziemkiewicz

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Victor Ziemkiewicz est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46212 selon les listes reconstituées (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Victor Ziemkiewicz.

Il meurt à Auschwitz le 4 novembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Des treize déportés “45000” de la commune, seul Jacques Jung revient.

En 1945, Marianne Ziemkiewicz apprend par Stanislas Slowinski, rescapé de Mancieulles, le décès de son mari au camp.

Le 10 janvier 1946, Jacques Jung, rescapé d’Homécourt, et Giobbe Passini, rescapé de Droitaumont, signent conjointement un formulaire dactylographié, et probablement polycopié pour attester de la disparition de plusieurs déportés de Meurthe-et-Moselle : « Le déporté – Ziemkiewicz Victor d’Homécourt (manuscrit) – est tombé malade pendant la période 1942-943 en raison de sa faiblesse générale (manque de nourriture) et du typhus. Il est rentré dans le bloc des malades et n’est jamais reparu. Le 14 août 1943, lorsque l’ordre donné par la gestapo de mettre tous les Français en quarantaine a été exécuté, il n’existait déjà plus. Le 4 juillet 1943, nous avons eu l’autorisation d’écrire et ce malheureux, à notre connaissance, n’a jamais écrit. » Le 27 janvier, Maria Ziemkiewicz complète et signe un formulaire de renseignements du ministère des prisonniers, déportés et réfugiés sur le de cujus (son mari) et l’ayant-cause (elle-même), lui permettant de recevoir une prime auprès du percepteur de Jœuf.

Le 25 avril 1946, Marianne Ziemkiewicz complète et signe un formulaire du ministère des anciens combattants et victimes de la guerre (ACVG) pour demander la régularisation de l’état civil d’un « non-rentré ». Le 18 juillet, l’officier de l’état civil alors en fonction au ministère des anciens combattants et victimes de guerre dresse l’acte de décès officiel de Victor Ziemkiewicz « sur la base des éléments d’information figurant au dossier du de cujus, qui nous a été présenté ce même jour » (probablement le témoignage de ses camarades) et en fixant la date au 15 juillet 1942 [1]. Le 2 août, le service central de l’état civil du ministère demande par courrier au maire d’Homécourt de transcrire cet acte dans les registres de sa commune ; c’est fait une semaine plus tard.

Fin 1948 ou début 1949, à une date restant à préciser, une démarche est engagée afin d’obtenir l’homologation de Victor Ziemkiewicz dans la Résistance intérieure française (RIF). Le 11 février 1949, le général de division commandant la 6e région militaire écrit à la brigade de gendarmerie d’Homécourt afin que celle-ci procède à une enquête relative à l’activité résistante de l’intéressé contre les troupes allemandes d’occupation avant sa déportation.

Le 14 février, deux gendarmes de la brigade d’Homécourt auditionnent Marianna Ziemkiewicz, alors âgée de 55 ans, qui leur déclare : « J’ignore exactement le motif de la déportation de mon époux. J’affirme qu’il n’a jamais fait partie de la résistance en 1942, et il ne faisait aucune propagande communiste. […] Je ne connais aucun des camarades de travail de mon époux ; beaucoup sont d’ailleurs retournés en Pologne, leur pays d’origine. » Le même jour, les gendarmes interrogent également Jacques Jung, 50 ans, plombier, qui leur déclare avoir connu Victor Ziemkiewicz lors de son internement aux camps de Compiègne puis d’Auschwitz. Alors qu’il a eu l’occasion de le questionner, aucune réponse ne pouvait laisser entendre qu’il avait une activité clandestine. Ensuite, les gendarmes auditionnent également le chef du personnel de la mine du fond de la Noue, puis Hélène Treziack, 20, fille Jean Treziack, voisin arrêté le même jour et déporté comme lui : « Nous avons appris quelques jours plus tard par la rumeur publique qu’il aurait été amené comme otage à la suite du sabotage de l’usine d’Auboué. […] Cet homme ne sortait presque jamais et je ne crois pas qu’il était affilié à un parti politique quelconque. » Les gendarmes complètent leur rapport : « Plusieurs personnes dignes de foi entendues verbalement ont fait des déclarations analogues et n’ont pu nous définir l’activité résistante contre les troupes d’occupation de Ziemkiewicz Victor. »

Le 19 février, deux gendarmes de la brigade de Mancieulles recherche Stanislas Slowinski pour l’auditionner comme témoin, mais la secrétaire de mairie leur apprend que celui-ci est retourné en Pologne en octobre 1948. Les enquêteurs transmettent alors l’enquête à la brigade de Jarny. Le 27 février, les gendarmes de cette brigade auditionnent Giobbe Pasini, poudrier à la mine de Droitaumont. Celui-ci leur déclare n’avoir connu Ziemkiewicz qu’à partir de leur internement commun au camp d’Écrouves, et ne l’avoir jamais entendu parler politique. À Auschwitz, il croit se rappeler l’avoir vu être conduit au « Block des malades » lors d’une épidémie de typhus. Le 3 mars, deux gendarmes de la brigade d’Auboué auditionnent Mario Tinelli, maçon. Selon lui, Ziemkiewicz « n’a jamais appartenu au groupe de résistance dont j’étais le chef. » Notamment, il « n’a pas participé au sabotage de la centrale électrique de l’usine d’Auboué au mois de février 1942. Je puis même le certifier, du fait que c’était moi-même qui ai dirigé l’opération. J’ignore le motif de son arrestation au mois de mars 1942. » Le résistant avéré renvoie les gendarmes vers « Vanin », de Valleroy, qu’il sait avoir été déporté avec lui. Le 5 mars, deux gendarmes de la brigade de Briey interrogent Bruno Vanin, mineur, qui leur déclare : « Je n’ai pas connu le nommé Ziemkiewicz Victor, objet de vos démarches, et n’ai jamais entendu ce nom. »

Le 15 janvier 1951, Marie (sic) Ziemkiewicz – en qualité de conjointe – complète et signe un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’attribution du titre de Déporté politique à son mari à titre posthume. Le 3 avril 1952, Jean Biz, domicilié au 38 rue Pasteur à Homécourt, certifie que Victor Ziemkiewicz a été arrêté par les Allemands « en raison de l’hostilité qu’avant-guerre et pendant l’occupation, il avait manifesté envers les nazis », opinion qu’il connaissait du fait d’avoir travaillé avec lui à la mine du Fond de la Noue ; arrêté à son tour, il l’avait retrouvé à Compiègne. Le même jour, Ricardo De Togni, lié avec le déporté avant-guerre, signe une déclaration presque identique. Le 27 novembre suivant, le ministère des ACVG décide d’attribuer le titre de Déporté politique à Victor Ziemkiewicz. Le 15 décembre, la carte n° 1119-03177 est envoyée à sa veuve.

Le nom de Victor Ziemkiewicz est inscrit sur le Monument aux morts d’Homécourt (avec la date retenue par l’état civil français).

Le 9 septembre 1992 est promulgué l’arrêté portant apposition de la mention “Mort en déportation” sur l’acte de décès de Victor Ziemkiewicz, avec la date du 15 juillet 1942 (J.O.R.F. du 8 novembre 1992).

Notes :

[1] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74, 127 et 128, 368 et 422.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 117.
- Raymond Falsetti, amicale des familles de déportés d’Homécourt (dossier de l’exposition de 2005, courrier 03-2009).
- Association Mémoire du Pays de l’Orne, bulletin Pagus Orniensis n°10, page 27.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1396 (38762/1942).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : dossier individuel (21 P 552-237).
- Site Mémorial GenWeb, 54-Homécourt, relevé de Philippe Dezerville (01-2005), prénom correctement orthographié « Wiktor ».

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 27-03-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.