Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Marcel, Eugène, VINCENT naît le 11 novembre 1907 à Maisons-Laffitte (Seine-et-Oise / Yvelines), chez sa mère, Marie Françoise Le Coq, 22 ans, domestique, domiciliée au 9, rue de l’Église, et de père alors « non dénommé ». Le 10 janvier 1914, à Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord / Côtes-d’Armor), l’enfant de six ans est légitimé par le mariage de sa mère avec Isidore Vincent, 26 ans.

En avril 1914, ils habitent au 11, avenue Gambetta, à Paris 20e.

Suite au décret de mobilisation générale du 1er août 1914, son père, âgé de 33 ans, est rappelé à l’activité militaire et rejoint le 146e régiment d’infanterie le 11 août. Le 9 septembre, il est sur le front. Le 29 octobre, au combat de Bolante, il est blessé par balle à la main gauche. Le 8 janvier 1915, en Argonne, il est fait prisonnier, puis interné à Ameln. Il est rapatrié le 31 décembre 1918 et démobilisé le 8 mars 1919, se retirant à Isles-lès-Villenoy (Seine-et-Marne). Le 18 mars suivant, il se fait enregistrer au 12, rue Paul-Féval à Saint-Brieuc. Mais fin octobre 1921, il est de retour à l’Isles… En avril 1924, il habite rue d’Olivette, chez Monsieur Teste.

De la classe 1927 et du bureau de recrutement de Melun, Marcel Vincent est réformé n° 2.

Il est divorcé d’avec Renée Perney, avec laquelle il a eu un fils, René, né vers 1933, qui serait resté avec lui.

En 1931 et jusqu’au moment de son arrestation, Marcel Vincent est domicilié au 38, rue du Parc à Esbly (Seine-et-Marne), chez ses parents. En 1936, son père est manœuvrier pour différents employeurs à Esbly. Lui-même est peintre en bâtiment, artisan.

Adhérent au parti communiste de 1936 à 1939, Marcel Vincent est, pendant un temps, secrétaire de la cellule d’Esbly.

Le 18 octobre 1941, il est arrêté par « les troupes d’occupation » avec six autres habitants d’Esbly lors d’une rafle visant les communistes de Seine-et-Marne pris  otages en représailles de distributions de tracts et de destructions de récolte ayant eu lieu dans le département : 42 d’entre eux seront des “45000”.

Marcel Vincent est finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments
du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Après son arrestation, son fils René est pris en charge par la mère de son ex-épouse, Madame veuve Perney, 77 rue de Villemomble à Gagny (Seine-et-Oise). Puis, en février, Renée Pernet reprend leur enfant.

Entre fin avril et fin juin 1942, Marcel Vincent est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandises
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marcel Vincent est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46196 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Marcel Vincent se déclare alors sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir (ainsi qu’en témoignera Raymond Montégut), Marcel Vincent est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Plus tard, il est admis au Block 20 de l’hôpital d’Auschwitz-I.

Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des inaptes au travail à la suite de laquelle 146 des 45000 sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [1]) : une commission de sélection est passée à l’hôpital.

Son père, Isidore Vincent, décède à Lagny le 3 avril 1958.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Marcel Vincent (J.O. du 1-09-2001).

Notes :

[1] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 150 et 153, 378 et 401.
- Raymond Montégut (45892), Arbeit macht Frei, Éditions du Paroi (imprimeur), juin 1973, Recloses, Ury (77), page 245.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1277 (31523/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 10-10-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.