Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Gerolamo Villa naît le 25 novembre 1903 à Bettola, Piacenza (Italie), fils d’Antoine (?) Villa et de Césarine (?) Cesari, agriculteurs.

Gerolamo Villa a – au moins – un frère aîné, Fortunato, né le 30 mai 1896 à Bettola.

Le 15 juillet 1922, à Nogent-sur-Marne (Seine / Val-de-Marne), Fortunato Villa, 26 ans, entrepreneur de transports, se marie avec Clémentine Petit, née le 5 août 1902 à Paris 12e, imprimeuse, vivant avec sa mère, veuve, au 12 rue Paul-Bert, et chez laquelle il est venu habiter.

En 1936, associé avec Fortunato et Clémentine, Germain Villa (son prénom a été francisé) est gérant d’un café au 18, avenue de la République à Albert (Somme – 80), où des militants communistes tiennent leurs réunions.

Albert. L’avenue de la République dans les années 1900. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Albert. L’avenue de la République dans les années 1900.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

En 1939, dès le début de la guerre, Germain Villa et son frère Fortunato sont internés comme étrangers suspect au camp du Vernet (Ariège) : tous deux ont encore la nationalité italienne et leur pays a déclaré la guerre à la France.

Le 21 décembre 1940, une liste établie par le commissariat spécial d’Amiens dans la perspective de prononcer l‘internement administratif de communistes à la suite d’une distribution de tracts signale que Fortunato est «  rentré à Amiens depuis deux mois environ ». Les deux frères sont en instance de demande de carte d’identité.
Le 25 octobre 1941, les frères Villa font partie des sept « personnes de l’arrondissement de Péronne arrêtées par l’autorité allemande ». Selon une liste ultérieure de la police, « Il est à noter que les sieurs Villa (…) ont été arrêtés par ordre des autorités françaises, mais qu’en raison de leur nationalité italienne, ils ont été transférés à Compiègne » – sic ! – (Oise), au camp allemand de Royallieu, administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Germain est enregistré sous le matricule 2055, Fortunato sous le matricule 2056.
Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : le « camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le 26 décembre 1941, le préfet de la Somme répond à François de Brinon [1], Délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés, sur les conditions dans lesquelles des habitants du département ont été arrêtés en octobre et internés à Compiègne. Pour Albert, il signale trois « personnes qui, en raison des renseignements défavorables recueillis au cours de l’enquête (ex-militants communistes), n’ont pas fait l’objet d’une demande de libération » à la Feldkommandantur 580 d’Amiens ; les deux frères Villa sont désignés avec Maurice Dessein.

Entre fin avril et fin juin 1942, Germain Villa est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Gerolamo Villa est enregistré – avec son prénom italien – au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46192 selon les listes reconstituées (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Gerolamo Villa.

Il meurt à Auschwitz le 17 septembre 1942,  selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Le sort de son frère Fortunato reste à préciser…

Notes :

[1] De Brinon : ancien journaliste et “ultra” de la collaboration, Fernand de Brinon était Délégué général du gouvernement de Vichy auprès des autorités militaires allemandes d’occupation. Quand des requêtes étaient formulées par les familles des détenus auprès de l’administration française, la Délégation générale les transmettait à la Commission d’armistice (bipartite), après enquête de la police ou de la gendarmerie pour s’assurer des conditions d’arrestation et de l’honorabilité du détenu. Une lettre était ensuite adressée aux familles sous couvert de l’organisme qui en avait fait la demande : elle leur annonçait que l’intervention avait eu lieu et leur faisait part de la réponse fournie par les autorités allemandes.

Ainsi, un très grand nombre de fiches de la Délégation générale portent le nom de “45000” ; surtout après le départ du convoi, le 6 juillet 1942, et l’absence de nouvelles résultant d’une forme de statut “NN”.

La plupart de ces fiches se trouvent dans les dossiers d’état civil des déportés conservés au BAVCC (anciennement archives du secrétariat d’État aux Anciens Combattants).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 369 et 422.
- Archives départementales de la Somme : Amiens, correspondance de la préfecture sous l’occupation (26w831), note de gendarmerie du 19 février 1941.
- Archives départementales de l’Aisne (AD 02), Laon : dossiers du commissariat régional aux Renseignements généraux, partis politiques des départements voisins : Ardennes, Somme et Oise (970w58).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1276 (31189/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 7-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.