Paul (« Paulo »), Pierre, Vendroux naît le 10 novembre 1900 à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire – 71), fils de Pierre Vendroux, 31 ans, forgeron, et de Marie Martazier, son épouse, 27 ans, sans profession, domiciliés au 6, rue de la Poudrière.

Le 15 mars 1920, Pierre Vendroux est incorporé comme conducteur de 2e classe au 8e escadron du train auto (140e bataillon), afin d’y accomplir son service militaire. Le 18 mai suivant, il passe au 18e escadron. Le 1er octobre, il passe au 121e escadron. Le 6 janvier 1921, il passe au 19e régiment de tirailleurs algériens. Parti dans les bataillons d’Afrique [?] – campagne « au Levant » comptabilisée du 20 janvier 1921 au 1er mars 1932 -, il connaît les compagnies disciplinaires. Il en revient tatoué [1] de la tête aux pieds, ce qui lui vaudra une certaine considération de la part des kapos et chefs de Block d’Auschwitz. Le 1er mars 1922, il est « envoyé dans la disponibilité », le certificat de bonne conduite lui étant refusé.

Le 17 septembre 1925 à Chalon-sur-Saône, Pierre Vendroux épouse Yvonne Groïss.

Au moment de son arrestation, il est domicilié à Chalon-sur-Saône ; en mai 1931, il habite au 10, rue du Temple.

Pierre Vendroux est ajusteur électricien.

Le 25 septembre 1938, lors de la crise des Sudètes débouchant sur les accords de Munich livrant la Tchécoslovaquie à Hitler, il est rappelé à l’activité militaire et affecté au centre mobilisateur d’infanterie n° 82. Il est renvoyé dans ses foyers le 2 octobre suivant.

Le 24 août 1939, il est de nouveau mobilisé et rejoint deux jours plus tard le 82e régiment régional [?]. Le 18 novembre 1939, il est classé dans l’affectation spéciale aux établissements Vivi-Derousset à Chalon-sur-Saône pour une durée indéterminée. Au printemps 1940, il est rayé de l’affectation spéciale et affecté au dépôt d’infanterie 81, compagnie de passage spéciale.

Sous l’occupation – de juin 1940 à novembre 1942 -, Chalon-sur-Saône est sur la ligne de démarcation entre zone libre et zone occupée. Actif dans le réseau Gloria, Pierre Vendroux en assure le franchissement clandestin à des prisonniers français évadés des camps allemands.

Recherché par la police française de Chalon-sur-Saône, il réussit à se réfugier en zone libre. Le 7 avril 1941, son fils Louis est arrêté en même temps qu’Alfred Bierry pour avoir parcouru les rues de la ville en chantant L’Internationale.

Pierre (le père ?) Vendroux est interné du 11 avril au 11 juillet 1941 (???).

Le 5 juin 1941, l’Inspecteur principal de Police mobile B. transmet au Commissaire divisionnaire chef de la 11e Brigade de Police mobile à Dijon (Côte-d’Or – 21) une liste de 28 «  individus signalés comme militants de l’ex-parti communiste dans le département de Saône-et-Loire  ». Pierre Vendroux figure sur cette liste, ainsi que Louis Vendroux (son fils ?), Alphonse Mérot (45875) et Paul Girard (45606).

À une date restant à préciser, Pierre Vendroux jette une grenade contre l’hôpital allemand installé dans l’école de la rue de Bourgogne et contre le foyer des sous-officiers de l’armée allemande à Chalon-sur-Saône.

Le 22 février 1942, il est arrêté par les Allemands comme communiste (ce qu’il nie), peut-être à la suite d’attentats commis contre les troupes d’occupation à Chalon-sur-Saône et Montceau-les-Mines (voirJules Huon). Le commissaire Berthillier, auquel il est confronté, affirme, lui, cette appartenance au Parti communiste. Avec un statut restant à préciser (otage ?), Pierre Vendroux est écroué à la Maison d’arrêt de Beaune, probablement en secteur allemand.

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Beaune, la prison (à gauche) et le Palais de Justice dans 
les années 1900. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 25 mai, avec Léon Michaud, il est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Pierre Vendroux est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Les deux wagons à bestiaux 
du Mémorial de Margny-les-Compiègne, 
installés sur une voie de la gare de marchandise 
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Pierre Vendroux est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46184 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz. 
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Pierre Vendroux est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Il est affecté au Kommando Schlosserei, où les “45000” sont une quinzaine à la mi-avril 1943. Les détenus polonais l’appellent Pietreck (prénom correspondant à “Pierre”).

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À la mi-août, Pierre Vendroux est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

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Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres 
partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Le 12 décembre, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blockset Kommandos d’origine.

Le 3 août 1944, Pierre Vendroux est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.

Le 28 août 1944, il est dans le petit groupe de trente-et-un détenus, dont vingt-neuf “45000”, transférés au KL [2] Flossenbürg (Haut-Palatinat bavarois, proche de la frontière tchèque) et enregistrés dans ce camp le 31 août (matr. 19879).

À la mi-novembre 1944, Pierre Vendroux est transféré au KL Dachau (matr. 116400) avec Marius Zanzi. Ce camp est libéré par les troupes américaines le 29 avril 1945.

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L’hôtel Lutetia, à Paris 6e. Siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand) sous l’occupation. 
Centre d’accueil des déportés au printemps-été 1945. 
Carte postale, années 1940-1950. Collection Mémoire Vive.

Rentré à Chalon-sur-Saône le 9 mai, Pierre Vendroux décide de punir lui-même son délateur et le blesse légèrement d’un coup de pistolet. Celui-ci ne dépose pas plainte devant la Justice, ce qui semble témoigner de sa réelle responsabilité.

Pierre Vendroux décède le 13 avril 1951 à Chalon-sur-Saône ; six ans après son retour. Il a 50 ans.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 89, 191 et 192 (citant Raymond Montégut), 346 à 348, 359, 370 et 422. 
- Alphonse Mérot, chronique de son cahier d’algèbre de Compiègne-Royallieu. 
- Archives départementales de Saône-et-Loire (AD 71), site internet du conseil général, archives en ligne ; registre des matricules militaires, bureau de recrutement de Chalon-sur-Saône, classe 1920 (cote 1 R RM 1920/1), matricule n° 284.
- Archives départementales de la Côte-d’Or, Dijon, cote 1072 W, article 1. 
- André Jeannet, Mémorial de la Résistance en Saône-et-Loire : biographies des résistants, Éditions JPM, Cluny 2005, page 385-386, citant : entretien avec Gaston Rebillard – Enquête sur la déportation (?) – Rapport bob 4 fl3 H2/642 b. 
- État civil de la mairie de Chalon-sur-Saône (71), service des archives.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 17-09-2014)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Tatouages : « Vendroux avait constaté, comme nous tous, que chefs de block, kapos et Vorarbeiter étaient des “verts” ou plutôt des “droit commun” et, comme la plupart de ceux-ci qui ont séjourné en prison, ils étaient tatoués. Lui qui avait connu, aux bataillons d’Afrique, les compagnies disciplinaires, était tatoué de la tête aux pieds.

Nous étions en plein mois d’août, la chaleur était grande ! Vendroux travaillait le torse nu, sa poitrine et ses bras étaient couverts d’images et d’inscriptions, têtes de femmes, d’animaux, trèfles à quatre feuilles, cœur transpercé d’un poignard, les trois points qui signifient “gueule de vache”, les inévitables inscriptions y étaient aussi : « À toi pour la vie », « Pas de chance » étaient les points de mire.

Ses tatouages attiraient les regards de tous ceux qui comme lui étaient tatoués et ils venaient contempler ses dessins de près. Kapos et chefs de block lui adressaient la parole, lui souriaient. Lui, répétait invariablement : « Marina Africa, Marina Africa… » (…). Il sut exploiter ses tatouages, (…) et il exploitera avec beaucoup de succès, les mots « Marina » et « Africa ». Pour tous ceux qui n’ont jamais vu la mer ou les océans, ces immensités sans terre sont sujets de rêves. »

Raymond Montégut, Arbeit Macht Frei, Ury-Recloses, Éditions du Paroy, 1973. (MO p. 315-316)

[2] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.