Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Édouard, Gustave, Vasselin naît le 20 mars 1901 à Paris 12e arrondissement, fils de Gustave Vasselin, 21 ans, ébéniste, et d’Amélie Levaneur, son épouse, 19 ans, couturière, domiciliés au 266, rue du faubourg-Saint-Antoine.

Pendant un temps, Édouard Vasselin habite chez ses parents, alors domiciliés au 10, rue Guénot (Paris 11e). Il travaille d’abord comme menuisier. Plus tard, il sera désigné comme manœuvre.

Le 1er avril 1921, il est censé rejoindre le 120e régiment d’artillerie lourde afin d’y accomplir son service militaire, mais il est absent pour son incorporation. Il est possible qu’il soit en détention préventive pour un petit délit de droit commun. Le 19 mai suivant, le gouverneur militaire de Paris l’affecte au 3e bataillon d’infanterie légère d’Afrique (« Bat’ d’Af’ »). Il arrive au corps le 12 juin. Il est considéré comme étant au Maroc en guerre jusqu’au 21 juin. Il participe ensuite aux opérations menées par le groupe mobile de Meknès du 10 mai au 9 août 1922. Il est renvoyé dans ses foyers le 20 janvier 1924, le certificat de bonne conduite lui étant refusé.

Le 13 janvier 1932, la 13e chambre du tribunal correctionnel de la Seine le condamne à 15 jours de prison pour « outrages à agents ». En janvier 1934, il habite au 20, rue des Marais, à Montreuil-sous-Bois. Le 23 juin 1934, la 11e chambre correctionnelle le condamne par défaut à 25 francs d’amende pour infraction à la police des chemins de fer. Fin février 1935, il demeure au 19, rue Lebreton, à Bagnolet, et à la mi-novembre au 75, rue Pierre Curie.

Pendant la guerre d’Espagne, Édouard Vasselin s’engage dans les Brigades internationales pour défendre la République espagnole contre la rébellion du général Franco soutenue militairement par Hitler et Mussolini. Le 6 juillet 1937, sur une liste établie à la base des brigades internationales d’Albacete, il est inscrit parmi les volontaires rapatriés : parti le 9 juillet, Édouard Vasselin rentre chez lui pour « raisons de santé », bien qu’il conserve un « bon moral ».

Insigne de l’Association des volontaires pour l’Espagne républicaine, ayant appartenu à Christophe Le Meur. Produit entre la mi-1938 et la mi-1939. Coll. André Le Breton.

Insigne de l’Association des volontaires
pour l’Espagne républicaine,
ayant appartenu à Christophe Le Meur.
Produit entre la mi-1938 et la mi-1939.
Coll. André Le Breton.


Le 10 janvier 1940, il est rappelé à l’activité militaire et affecté au dépôt d’infanterie n° 52. Le 23 février 1940, la commission de réforme de Bourges le réforme définitivement n° 2 pour « ostéophytes en console sur la face supérieure du col de l’astragale gauche formant butée et rendant impossible la flexion complète du pied ».

Au moment de son arrestation, Édouard Vasselin est domicilié au 75, rue Pierre-Curie, à Bagnolet [1] (Seine / Seine-Saint-Denis). Il est le compagnon de Reine Boils, née le 11 juin 1898, manutentionnaire [2].

Sous l’occupation,, la police française considère Édouard Vasselin comme un « meneur communiste très actif ».

Le 9 novembre 1940, le préfet de police de Paris signe un arrêté ordonnant son internement administratif. Édouard Vasselin est arrêté et conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois d’octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt afin d’y enfermer des hommes connus de la police pour avoir été militants communistes avant-guerre.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche.
Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 8 mars, sur le formulaire de « Révision trimestrielle du dossier » d’Édouard Vasselin, à la rubrique « Avis sur l’éventualité d’une mesure de libération », le commissaire spécial, directeur du camp, émet un avis défavorable en s’appuyant sur le constat que cet interné « est resté communiste, son internement n’a modifié en rien les opinions » et malgré qu’il lui reconnaisse une « attitude correcte ».

Le 6 septembre, Édouard Vasselin est parmi les 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 9 février 1942, il est parmi les 52 “communistes” (dont 36 seront déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits par des Feldgendarmes à la gare de Poitiers. Enfermés dans deux wagons à bestiaux, ils sont transférés – via Paris – camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp vu depuis le mirador central.  Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)  Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, Édouard Vasselin est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Édouard Vasselin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46179 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Édouard Vasselin.Il meurt à Auschwitz le 6 août 1942, selon le registre d’appel (Staerkebuch) et l’acte de décès (Sterbebücher) établi par l’administration SS du camp ; quatre semaines après l’arrivée du convoi (la date du 5 août est inscrite à l’état civil français dès le 10 avril 1947). Il a 41 ans.

Une plaque commémorative a été apposée à son domicile à Bagnolet.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 8-07-2001).

Notes :

[1] Bagnolet : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Reine Boils, déportée politique et rescapée (nom inconnu dans le Livre-Mémorial de la FMD ?)

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 354, 384 et 422.
- Jean-Pierre Gast, Bagnolet 1939-1940, éd. Folies d’encre, août 2004, liste « Résistants déportés » pages 282, 290.
- Archives de Paris : registres des matricules du recrutement militaire, classe 1921, 4e bureau de la Seine, volume 2001-2500 (D4R1 2279), n° 2194.
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : extrait du registre des naissances du 12e arrondissement à la date du 23 mars 1901 (V4E 9452), acte n° 977 (vue 13/31).
- Dossiers des brigades internationales dans les archives du Komintern, fonds du Centre russe pour la conservation des archives en histoire politique et sociale (RGASPI), Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), campus de l’Université de Paris X-Nanterre, microfilms acquis par la BDIC et l’AVER-ACER, bobines cotes Mfm 880/47 (545.2.112), 880/48 (545.2.290).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”,  (BA ?).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux, centre de séjour surveillé d’Aincourt ;  révision trimestrielle (1w74), 1w76, notice individuelle (1w157 ).
- Archives départementales de la Vienne ; camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1273 (18341/1942).
- Site Les plaques commémoratives, sources de mémoire (aujourd’hui désactivé – nov. 2013).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 24-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.